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01/06/2015 | FRANCE | N°13MA02023

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 01 juin 2015, 13MA02023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Générale de Béton Armé (EGBA) et la société SAM Satri ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 août 2009 par lequel le maire de la commune de Beausoleil a décidé de préempter un bien composé de deux locaux à usage d'entrepôt situé dans l'immeuble en copropriété " Le Fétiche " au 41 avenue Maréchal Foch/ 9 avenue de la Source à Beausoleil (06240), ensemble la décision rejetant leur recours gracieux ;

Par un jugement n° 0903977 du 26

mars 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entreprise Générale de Béton Armé (EGBA) et la société SAM Satri ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 31 août 2009 par lequel le maire de la commune de Beausoleil a décidé de préempter un bien composé de deux locaux à usage d'entrepôt situé dans l'immeuble en copropriété " Le Fétiche " au 41 avenue Maréchal Foch/ 9 avenue de la Source à Beausoleil (06240), ensemble la décision rejetant leur recours gracieux ;

Par un jugement n° 0903977 du 26 mars 2013, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2013, la société EGBA et la société SAM Satri représentées par Me B...demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 26 mars 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2009 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Beausoleil la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- le maire a méconnu l'article 2 du règlement de copropriété de l'immeuble acquis ;

- l'erreur affectant la déclaration d'intention d'aliéner les locaux en cause, déclarés à tort sans occupant, remet en cause la validité de l'arrêté attaqué ;

- les travaux et aménagements prévus par la commune sont irréalisables ;

- la commune a entendu réaliser une opération spéculative ;

- le projet imprécis de la commune n'a fait l'objet d'aucune étude de viabilité et de faisabilité juridique et technique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2014, la commune de Beausoleil, agissant par son maire en exercice et représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation des sociétés EGBA et SAM Satri à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dispositions du règlement de copropriété sont compatibles avec l'objet de la décision de préemption et la délibération de l'assemblée générale du 26 novembre 2009 ne peut être prise en compte car postérieure à l'arrêté attaqué du 31 août 2009 ;

- l'erreur éventuelle commise dans la déclaration d'intention d'aliéner est en tout état de cause inopposable à l'administration ;

- les modalités pratiques d'utilisation du local sont sans incidence sur la légalité de la décision ;

- le but spéculatif allégué n'est nullement établi.

Un courrier du 15 octobre 2014 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu :

- le jugement et les décisions attaquées ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 24 avril 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Josset, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant les sociétés EGBA et SAM Satri.

1. Considérant que, par arrêté du 31 août 2009, pris notamment sur le fondement de la délibération du 30 janvier 2008 instituant un droit de préemption urbain renforcé sur le territoire communal couvert par le plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 30 janvier 2008, le maire de Beausoleil a décidé d'exercer le droit de préemption urbain de la commune sur un bien vendu par la société Entreprise Générale de Béton Armé (EGBA), composé de deux lots de copropriété correspondant à deux locaux à usage d'entrepôt situés au sein de l'immeuble dit " Le Fétiche " situé à l'angle du 41 de l' avenue Maréchal Foch et du 9 rue de la Source ; que la société EGBA, société venderesse, et la société SAM Satri, acquéreur évincé, font appel du jugement du 26 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de leur recours gracieux ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-4 du code de l'urbanisme, le droit de préemption prévu par l'article L. 211-1 du même code " n'est pas applicable : / a) A l'aliénation d'un ou plusieurs lots constitués soit par un seul local à usage d'habitation, à usage professionnel ou à usage professionnel et d'habitation, soit par un tel local et ses locaux accessoires, soit par un ou plusieurs locaux accessoires d'un tel local, compris dans un bâtiment effectivement soumis, à la date du projet d'aliénation, au régime de la copropriété, soit à la suite du partage total ou partiel d'une société d'attribution, soit depuis dix années au moins dans les cas où la mise en copropriété ne résulte pas d'un tel partage, la date de publication du règlement de copropriété au bureau des hypothèques constituant le point de départ de ce délai ; / b) A la cession de parts ou d'actions de sociétés visées aux titres II et III de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 et donnant vocation à l'attribution d'un local d'habitation, d'un local professionnel ou d'un local mixte et des locaux qui lui sont accessoires ; / c) A l'aliénation d'un immeuble bâti, pendant une période de dix ans à compter de son achèvement ; / d) A la cession de la totalité des parts d'une société civile immobilière, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non, dont la cession serait soumise au droit de préemption. / Toutefois, par délibération motivée, la commune peut décider d'appliquer ce droit de préemption aux aliénations et cessions mentionnées au présent article sur la totalité ou certaines parties du territoire soumis à ce droit " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code de l'urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ; que la préemption litigieuse est exercée dans le cadre du droit de préemption urbain institué par délibération du conseil municipal de la commune du 30 janvier 2008 ; qu'il ressort de l'arrêté en litige que le maire de Beausoleil a décidé de préempter le bien vendu par la société EGBA, aux motifs que la commune est propriétaire au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 7 avenue de la Source d'une salle communale, principalement à usage associatif, qui accueille diverses activités de loisirs et dont le projet d'extension pourrait ainsi être réalisé ; que cette augmentation de la capacité d'accueil de la salle polyvalente et la diversification des espaces d'activités entrent dans l'objectif communal de réalisation et d'aménagement d'un ensemble d'équipements collectifs destinés à l'accueil de groupes dans le cadre d'activités de loisirs, culturelles et d'animation ; que, dans de telles circonstances, l'arrêté en litige répond aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 précités du code de l'urbanisme, alors même qu'à la date de l'arrêté en litige les caractéristiques précises de mise en oeuvre de ce projet n'auraient pas été définies ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les stipulations de l'article 2 du règlement de copropriété de l'immeuble " Le Fétiche " interdisent, dans les locaux composant le rez-de-chaussée, d'y " exercer une activité susceptible d'être la source de bruits diurnes ou nocturnes (...) " ; que, toutefois, si les sociétés requérantes prétendent qu'eu égard à l'objectif poursuivi par la commune de réaliser l'extension de la salle polyvalente, l'accueil de groupes dans le cadre d'activités de loisirs, culturelles et d'animation, l'acquisition par la commune des lots en cause est susceptible de générer des bruits diurnes ou nocturnes, en méconnaissance de l'article 2 précité, elles soulèvent ainsi un éventuel litige de droit privé relatif au respect du règlement de copropriété, qui ainsi qu'en a jugé à bon droit le tribunal, échappe en toute hypothèse à la compétence du juge administratif ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration, dont le maire transmet copie au directeur des services fiscaux, comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner (...) vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le titulaire du droit de préemption dispose, pour exercer ce droit, d'un délai de deux mois qui court à compter de la réception de la déclaration d'intention d'aliéner et que ce délai, qui constitue une garantie pour le propriétaire, ne peut être prorogé par une demande de précisions complémentaires que si la déclaration initiale est incomplète ou entachée d'une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation ; qu'en revanche, la circonstance que la déclaration d'intention d'aliéner serait entachée de tels vices est, par elle-même, et hors le cas de fraude, non invoquée dans le présent litige, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption prise à la suite de cette déclaration ; que les dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme ne font cependant pas obstacle à ce que le juge judiciaire prenne en considération, au titre de son office, pour apprécier la validité de la vente résultant d'une décision légale de préemption, les indications figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner à l'origine de cette décision ; que si la déclaration d'intention d'aliéner du 30 juin 2009 mentionne que les locaux n'étaient pas occupés, alors qu'ils l'auraient été, cette circonstance, la fraude n'étant ni établie ni même alléguée, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que les sociétés requérantes, qui ne se prévalent d'aucune disposition législative ou réglementaire qui aurait fait obligation à la commune de procéder, avant de se porter acquéreur, à une étude de viabilité et de faisabilité technique de son projet, prétendent qu'il est impossible de réaliser pour des raisons techniques, dans la copropriété existante, des gaines verticales aérauliques, un accès avec séparation piétons et véhicules et un accès pour les personnes handicapées en fauteuil roulant, en faisant état des conclusions du rapport de la société Socotec qu'elles ont fait réaliser le 10 janvier 2010 ; que toutefois, les conclusions de ce rapport, qui mentionne que la visite des lieux s'est limitée à l'examen des seules parties accessibles sans qu'aucun autre document ne soit remis, ne suffit pas à établir l'impossibilité de réaliser ces équipements et de mettre en oeuvre le projet, et qu'ainsi l'acquisition du bien ne répondrait pas à un intérêt général suffisant ;

7. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que l'allégation selon laquelle l'objet de la décision de préemption aurait été de réaliser une opération immobilière spéculative, en raison du prix particulièrement bas de la cession, n'est pas établie par les pièces produites au dossier ; que, d'ailleurs, le maire s'est fondé sur l'avis émis par les services fiscaux estimant la valeur vénale du bien à 220 000 euros, sensiblement identique à celle indiquée sur la déclaration d'intention d'aliéner ; qu'en tout état de cause, ainsi qu'il a été dit, le projet d'extension de la salle polyvalente pour aménager un ensemble d'équipements destinés à l'accueil de groupes dans le cadre d'activités de loisirs, culturelles et d'animation est au nombre des opérations tendant à " réaliser des équipements collectifs " au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Entreprise Générale de Beton Armé et la societe SAM Satri ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 août 2009 en litige, ensemble le rejet de leur recours gracieux ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Beausoleil, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse quelque somme que ce soit à la société Entreprise Générale de Béton Armé et la société SAM Satri au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Entreprise Générale de Béton Armé et de la société SAM Satri une somme globale de 2 000 euros à verser à la commune de Beausoleil au titre des dispositions précitées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Entreprise Générale de Béton Armé (EGBA) et de la société SAM Satri est rejetée.

Article 2 : La société Entreprise Générale de Béton Armé et la société SAM Satri verseront à la commune de Beausoleil une somme globale de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise Générale de Béton Armé, à la société SAM Satri et à la commune de Beausoleil.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2015, où siégeaient :

- M. d'Hervé, président de chambre,

- Mme Josset, présidente-assesseure,

- MmeA..., première-conseillère.

Lu en audience publique le 1er juin 2015.

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N° 13MA02023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02023
Date de la décision : 01/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : CARRASCO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-01;13ma02023 ?
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