Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) JCJ a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017.
Par un jugement n° 2203804 du 26 mars 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2024, la SCI JCJ, représentée par Me Dereux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la démolition d'un bâtiment, inscrit à son actif, et qui ne présentait pas le caractère d'une opération fictive, a fait naître une perte qu'elle pouvait régulièrement inscrire en comptabilité comme une charge exceptionnelle à hauteur de 1 647 866 euros, déductible de son résultat imposable ; c'est ainsi à tort que l'administration a refusé d'admettre la déductibilité de cette charge ;
- cet immeuble ayant été inscrit à son actif jusqu'à sa démolition et faisant partie de son activité conformément à son objet social, il pouvait régulièrement donner lieu à la comptabilisation d'un amortissement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCI JCJ ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI JCJ, créée le 6 mai 2015 et dont l'objet est la location de terrain et de biens immobiliers, a acquis, le 30 septembre 2015, un ensemble de parcelles supportant des entrepôts d'une surface de plus de 13 000 m² et des terre-pleins, situées dans la zone portuaire du Havre. Elle a démoli la quasi-totalité des entrepôts et n'a conservé qu'une surface de bâtiment de stockage de 971 m². A la suite d'un examen de comptabilité et d'un contrôle sur pièces, l'administration a rehaussé le bénéfice déclaré par la SCI JCJ au titre de l'exercice clos en 2016 d'une somme, d'une part, de 1 647 866 euros correspondant à la valeur nette comptable résiduelle des parties démolies des entrepôts que la société avait comptabilisée en charge exceptionnelle et, d'autre part, de 21 094 euros correspondant au montant de l'amortissement appliqué par la société aux parties démolies.
2. La SCI JCJ relève appel du jugement du 26 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016 et 2017.
Sur la déduction d'une perte :
3. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".
4. Il résulte de ces dispositions que la destruction, au cours d'un exercice, d'un bâtiment inscrit à l'actif fait ressortir une perte égale à la valeur comptable résiduelle de ce bâtiment à l'ouverture de l'exercice, hormis le cas où il apparaît que l'acquisition de ce bâtiment a été faite dans le seul but de réaliser, après sa démolition, sur le terrain d'assise, une construction nouvelle, au prix de revient de laquelle la valeur de l'ancien bâtiment doit alors être incorporée.
5. Il résulte de l'instruction que, dès le 13 mai 2015, soit avant même l'acquisition le 30 septembre 2015 de l'ensemble immobilier supportant des entrepôts et des terre-pleins, la SCI JCJ a déposé, auprès de la commune du Havre, une demande de permis de démolir portant sur une surface de 12 260 m² d'entrepôts. Il résulte aussi de l'instruction qu'à la suite de la démolition de ces bâtiments par la société requérante peu de temps après l'acquisition des terrains en cause, ceux-ci ont servi de terre-plein pour le retournement de camions, en particulier ceux de la société de transport JCH, locataire de la SCI JCJ, ces sociétés ayant au demeurant le même gérant.
6. Dans ces circonstances, la SCI JCJ doit être regardée comme ayant acquis les parcelles en cause supportant des entrepôts dans le seul but de réaliser une opération visant à la démolition de la quasi-totalité de ces bâtiments et de disposer, à leur place, d'un terre-plein utilisé comme aire de retournement. Ces bâtiments de stockage, alors même qu'ils n'étaient pas distincts des parties non bâties dans l'acte notarié d'acquisition du 30 septembre 2015, n'ont ainsi jamais eu vocation, pour la société, à faire l'objet d'une utilisation propre.
7. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la charge exceptionnelle de 1 647 866 euros, comptabilisée au titre de l'exercice clos en 2016, correspondant à la valeur nette comptable la partie démolie des entrepôts, ne pouvait pas être admise au nombre des charges déductibles mais devait être comprise dans le prix de revient des terre-pleins réalisés.
Sur la déduction d'un amortissement :
8. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) 2°) (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que la SCI JCJ a amorti, au titre de son exercice clos en 2016, les bâtiments mis au rebut à la suite de leur démolition à hauteur de 21 094 euros.
10. L'administration a remis en cause cet amortissement au motif que les bâtiments de stockage, voués à la démolition dès leur acquisition, n'avaient aucune valeur dès cette acquisition et n'avaient fait l'objet d'aucune utilisation par la SCI JCJ pour les besoins de son activité professionnelle au cours de l'exercice clos en 2016.
11. Pour contester ce chef de redressement, l'appelante s'est bornée à soutenir, sans autre précision, que les bâtiments en cause avaient été inscrits à l'actif avant leur démolition et qu'ils étaient " dans l'activité conformément à l'objet social ".
12. Par les moyens ainsi invoqués, la SCI JCJ, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas qu'elle était fondée à déduire de son bénéfice un amortissement pour un montant de 21 094 euros sur ces bâtiments destinés à être démolis.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI JCJ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI JCJ est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié société civile immobilière JCJ et à la ministre chargée des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- Mme Alice Minet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
Le président-rapporteur,
Signé : F.-X. Pin
Le président de chambre,
Signé : M. A...La greffière,
Signé : E. Héléniak
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Elisabeth Héléniak
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N°24DA00977