Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2007, présentée pour M. Y X, détenu à la maison centrale 59 rue de la 1ère Armée à Ensisheim (68190), par Me Canu-Bernard ; M. X demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0521275, en date du 2 novembre 2006, par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui payer une somme de 1 000 euros, qu'il estime insuffisante, à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices qu'il a subis à raison des prolongations successives de la mesure de placement à l'isolement de juillet 1999 au 19 août 2004 ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 100 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2008 :
- le rapport de M. Benel, rapporteur,
- et les observations de Me Sécheresse pour M. X,
- et les conclusions de M. Bachini, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, incarcéré depuis le 2 septembre 1984, a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité le 8 décembre 1989 par la Cour d'assises de l'Yonne, puis le 26 février 2003 par la Cour d'assises des Hauts-de-Seine ; qu'à partir du 17 juillet 1999 l'intéressé a fait l'objet, dans divers établissements pénitentiaires, de mesures successives de placement puis de maintien à l'isolement ; que, par un jugement devenu définitif du 12 mai 2005, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice du 15 mars et 25 mai 2004, maintenant l'intéressé à l'isolement pour trois mois à compter du 28 mars et 28 juin 2004 ; qu'enfin, par un arrêt du
29 novembre 2007, passé en force de chose jugée, la Cour administrative d'appel de Lyon a annulé la décision du 27 novembre 2007 de cette même autorité prolongeant le placement du requérant à l'isolement pour une durée de 3 mois à compter du 28 décembre 2003 ; que M. X, qui estime illégales, et donc fautives, toutes les décisions par lesquelles il a été maintenu à l'isolement depuis le 17 juillet 1999, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il a subis de ce fait ; qu'il relève appel du jugement susvisé en ce que le Tribunal a limité à 1 000 euros la condamnation mise à la charge de l'Etat ;
Sur le principe de la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article D. 283-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Tout détenu se trouvant dans un établissement ou quartier en commun peut soit sur sa demande, soit par mesure de précaution ou de sécurité, être placé à l'isolement. / La mise à l'isolement est ordonnée par le chef de l'établissement qui rend compte à bref délai au directeur régional et au juge de l'application des peines. Le chef de l'établissement fait en outre rapport à la commission de l'application des peines dès la première réunion suivant la mise à l'isolement ou le refus opposé à la demande d'isolement du détenu. / Le détenu peut faire parvenir au juge de l'application des peines soit directement, soit par l'intermédiaire de son conseil, toutes les observations utiles en ce qui concerne la décision prise à son égard. / La liste des détenus présents au quartier d'isolement est communiquée quotidiennement à l'équipe médicale. Ces détenus font l'objet d'un examen médical dans les conditions prévues à l'article D. 381. Il appartient au médecin, chaque fois qu'il l'estime utile au regard de l'état de santé du détenu, d'émettre un avis sur l'opportunité de mettre fin à la mesure d'isolement. / La durée de l'isolement ne peut être prolongée au-delà de trois mois sans qu'un nouveau rapport ait été fait devant la commission de l'application des peines et sans une décision du directeur régional. / La mesure d'isolement ne peut être prolongée au-delà d'un an à partir de la décision initiale que par décision du ministre de la justice, prise sur rapport motivé du directeur régional qui recueille préalablement les avis de la commission de l'application des peines et du médecin intervenant à l'établissement. / Un registre des mesures d'isolement est tenu sous la responsabilité du chef d'établissement. Ce registre est visé par les autorités administratives et judiciaires lors de leurs visites de contrôle et d'inspection » ;
Considérant, en premier lieu, que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que, par arrêt du
29 novembre 2007, passé en force de chose jugée, la Cour administrative d'appel de Lyon a annulé la décision du 27 novembre 2007 du garde des sceaux, ministre de la justice maintenant le placement du requérant à l'isolement pour une durée de 3 mois à compter du 28 décembre 2003 ; que, par un jugement devenu définitif du 12 mai 2005, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice du 15 mars et 25 mai 2004, prolongeant le placement de l'intéressé à l'isolement pour trois mois à compter du 28 mars et 28 juin 2004 ; que ces décisions, prises en méconnaissance des dispositions précitées de l'article D. 283-1 du code de procédure pénale sont, constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du requérant ;
Considérant, toutefois, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que
M. X a fait une première tentative d'évasion de la maison d'arrêt d'Auxerre en novembre 1986 ; qu'en août 1991, lors d'une seconde tentative d'évasion de la maison d'arrêt de Fresnes, il a pris en otage des agents pénitentiaires ; qu'en juin 1999, il a de nouveau tenté de s'évader de l'hôpital de Troyes en menaçant le personnel soignant avec une arme à feu et a exprimé son intention de provoquer une « action d'éclat pouvant avoir de graves conséquences sur l'intégrité physique des personnels... » ; qu'ainsi le comportement général du requérant, qui était de nature à troubler l'ordre et la discipline dans les divers établissements où il a été successivement affecté, justifiait son placement à l'isolement du 17 juillet 1999 au 28 décembre 2003 ;
Sur le préjudice :
Considérant, d'une part, que le maintien prolongé de M. X à l'isolement l'a empêché de bénéficier de la possibilité d'exercer une activité rémunérée, possibilité ouverte aux détenus par les articles D. 99 et suivants du code de procédure pénale, et l'a ainsi privé de la rémunération attachée à cette activité ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que la situation qui lui a été faite a porté atteinte à sa santé psychique ; qu'en revanche, il n'est pas établi que les troubles fonctionnels de motricité digestive et d'altération de la vue invoqués par le requérant soient en relation directe avec son statut carcéral ; qu'il résulte de tout ceci qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par M. X du fait des fautes commises par l'administration pénitentiaire en portant à la somme de 4 000 euros la condamnation prononcée par les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné à verser à M. X par le jugement
n° 0521275 en date du 2 novembre 2006 susvisé du Tribunal administratif de Paris est portée à 4 000 euros.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 0521275 en date du
2 novembre 2006 est réformé en ce qu'il a contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 07PA00126