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18/12/2024 | FRANCE | N°23BX00818

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 18 décembre 2024, 23BX00818


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. AT... J..., Mme R... AU..., M. AC... AQ..., Mme AH... AY... AQ..., Mme E... K..., Mme AM... K... AX..., Mme H... Z..., M. S... X..., M. U... AN..., M. T... C..., M. AS... B..., Mme AF... N..., M. Y... O..., M. P... N..., Mme I... N..., M. A... AL..., Mme AI... AP..., M. G... AK..., Mme Q... AA..., Mme V... AG..., M. F... AR..., Mme L... AW... et Mme AO... AD..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de la

Guadeloupe a autorisé le défrichement de 29 000 m2 de boisements sur la parce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. AT... J..., Mme R... AU..., M. AC... AQ..., Mme AH... AY... AQ..., Mme E... K..., Mme AM... K... AX..., Mme H... Z..., M. S... X..., M. U... AN..., M. T... C..., M. AS... B..., Mme AF... N..., M. Y... O..., M. P... N..., Mme I... N..., M. A... AL..., Mme AI... AP..., M. G... AK..., Mme Q... AA..., Mme V... AG..., M. F... AR..., Mme L... AW... et Mme AO... AD..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a autorisé le défrichement de 29 000 m2 de boisements sur la parcelle cadastrée AV 221, située au lieu-dit la Couronne Conchou sur le territoire de la commune du Moule, au profit de M. AE... D....

Par un jugement n° 2101039 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 6 juillet 2021.

Procédure devant la cour :

Par une requête et une pièce complémentaire, enregistrés les 23 mars et 30 mars 2023 et des mémoires enregistrés les 25 octobre 2024, 27 novembre 2024 (non communiqué) et 29 novembre 2024 (non communiqué), M. AE... D..., représenté successivement par Me Candoleon-Berrueta puis par Me Moustardier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2101039 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 26 janvier 2023 ;

2°) de mettre à la charge de M. AT... J..., Mme R... AU..., M. AC... AQ..., Mme AH... AY... AQ..., Mme E... K..., Mme AM... K... AX..., Mme H... Z..., M. S... X..., M. U... AN..., M. T... C..., M. AS... B..., Mme AF... N..., M. Y... O..., M. P... N..., Mme I... N..., M. A... AL..., Mme AI... AP..., M. G... AK..., Mme Q... AA..., Mme V... AG..., M. F... AR..., Mme L... AW... et Mme AO... AD..., la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'arrêté du 26 décembre 1988 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Guadeloupe ; l'espèce visée dans le jugement, le geonoma pinnatrifons martinencis n'est pas celle identifiée et observée lors de la reconnaissance de l'état des bois à défricher comme en témoigne le courrier du 8 mars 2023 de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt (DRAF) et la note de l'Office national des forêts (ONF) ; l'aile à ravet observée sur le site est le stygmaphyllon diversifolium qui est une plante des forêts xérophiles situées sur le littoral et en forêt sèche qui n'est pas protégée ;

- les autres moyens soulevés devant le tribunal et la cour de céans ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 13 septembre 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande l'annulation du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 6 juillet 2021.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de fait dès lors que le geonoma pinnatrifons martinencis communément appelé " aile à ravet " ou " coco-macaque " n'est pas présent sur la parcelle AV 221 ; si le procès-verbal (PV) de reconnaissance de l'état de bois à défricher mentionne la présence d'aile à ravet sur la parcelle concernée, il s'agit en réalité de l'espèce stygmaphyllon diversifolium qui ne figure pas dans la liste de l'arrêté du 26 décembre 1988 ; ce PV souligne que ladite parcelle se situe dans un massif de forêt xérophile ;

- les autres moyens soulevés devant le tribunal et la cour de céans ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 15 septembre, 12 novembre et 14 novembre 2024, Mme R... AV..., M. U... AN..., M. G... et Mme AJ... AK... et Mmes W... et Emilie N..., représentés par Me Ribière, concluent au rejet de la requête, subsidiairement à la désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission de rechercher les espèces protégées présentes sur le terrain d'assiette du projet et à ce que soit mise à la charge de M. D... et de l'Etat, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision attaquée est irrégulière en ce qu'elle repose sur un " avis " du 17 décembre 2020 qui n'oblige pas à réaliser une étude d'impact ou en ce qu'elle n'oblige pas M. D... à compléter son dossier ;

- en dispensant le projet d'une évaluation environnementale, le préfet a méconnu l'article R. 122-3 du code de l'environnement ; elle est ainsi illégale par voie d'exception d'illégalité de l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe a, en qualité d'autorité environnementale, dispensé le projet de la production d'une étude d'impact ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 341-5 du code forestier dès lors que les bois, objet du défrichement, ont une fonction de protection des personnes et des biens contre les risques de submersion et d'inondation et contribuent à l'équilibre biologique et écologique de l'espace boisé situé en bord de mer ; parmi les espèces identifiées sur la parcelle par un naturaliste, on retrouve le ctenonotus marmoratus, le sphaerodactylus fantasticus, l'eleutherodactylus martinicensis, le molossus molossus, le tadarida brasiliensis et l'artibeus jamaicensis ainsi que des traces d'un reptile exotique, l'iguana iguana, et un reptile classé " en danger critique d'extinction ", l'iguana delicatissima, qui sont inscrits sur la liste des espèces protégées sur l'ensemble du territoire national ; le prédiagnostic établi par un naturaliste décrit clairement les techniques employées, telles que les " inventaires acoustiques " et l'observation de la faune par transects ; les observations ont été effectuées dans le périmètre défini de la parcelle AV221, où le projet de défrichement et de construction future est envisagé ; ce constat est corroboré par le relevé des espèces présentes au sein de l'anse Salmon, située également Couronne Conchou, et acquise par le conservatoire du littoral qui constate que le secteur, jouxtant le terrain d'assiette du projet abrite de nombreuses espèces protégées ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 121-42 du code de l'urbanisme en ce que le terrain d'assiette du projet ne constituerait plus une coupure d'urbanisation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en ce que le projet entraînera l'extension de l'urbanisation sans continuité avec les agglomérations et villages existants ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce que le terrain d'assiette du projet est soumis à un risque de tsunamis, d'ouragans et de recul du trait de côte ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le terrain d'assiette du projet ne devrait pas être classé par le plan local d'urbanisme (PLU) en zone urbaine, mais en zone naturelle, en méconnaissance des dispositions des articles L. 113-1 et R. 151-18 du code de l'urbanisme ; en effet, la parcelle aurait dû être classée en N en ce qu'elle fait partie intégrante de la ceinture verte qui sépare les zones urbanisées en rouge à l'ouest, à l'est et au sud ; le précédent PLU est entaché du même vice et sous l'empire du règlement national d'urbanisme, le terrain d'assiette du projet n'est pas davantage constructible ;

- elle méconnaît le schéma d'aménagement régional (SAR) de la Guadeloupe qui classe le terrain litigieux en " autres espaces naturels " ; ses dispositions prévoient que toute extension d'urbanisation doit être subordonnée à la condition que les espaces concernés soient en proximité directe avec le tissu urbain et les réseaux existants ; en outre, le SAR impose une compensation en cas de déclassement de zones naturelles ; le SAR préconise aussi l'arrêt du mitage urbain ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article UG 13 du plan local d'urbanisme de la commune du Moule dès lors que le remplacement des plantations existantes sur le terrain n'est pas prévu.

Par un courrier du 25 novembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de ce que le mémoire d'appel du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, présenté après l'expiration du délai d'appel, est irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 26 décembre 1988 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Guadeloupe ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. AB...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- les observations de Me Picavez, représentant M. D... et de Me Ribière, représentant Mme R... AV..., M. U... AN..., M. G... et Mme AJ... AK... et Mmes W... et Emilie N....

Une note en délibéré présentée par Me Moustardier pour M. D... a été enregistrée le 4 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 janvier 2021, M. D... a déposé une demande de défrichement d'une surface de 2,9 hectares sur la parcelle cadastrée AV 221 d'une surface totale de 58 729 m2, située au lieu-dit la Couronne Conchou, sur le territoire de la commune du Moule, et sur laquelle il a conçu le projet, avec la société du Dôme des Miages, de viabiliser 28 lots à usage d'habitation. Par un arrêté du 6 juillet 2021, le préfet de la Guadeloupe a autorisé le défrichement d'une portion de bois de 29 000 m² située sur la parcelle cadastrée AV 221 au profit de M. D.... Ce dernier et le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire relèvent appel du jugement du 26 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe, saisi par M. J... et plusieurs autres riverains, a annulé l'arrêté du 6 juillet 2021.

Sur la recevabilité du mémoire d'appel du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) " Aux termes de l'article R. 611-8-6 du même code : " Les parties sont réputées avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été adressé par voie électronique, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que si le jugement attaqué n° 2101039 du 26 janvier 2023 du tribunal administratif de la Guadeloupe n'a, à tort, été notifié qu'au préfet de la Guadeloupe et non pas au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, seul habilité à interjeter appel, ce jugement a toutefois été transmis à ce ministre par le greffe de la cour, par le biais de l'application Télérecours le 26 avril 2023 et celui-ci est donc réputé avoir reçu cette notification au plus tard deux jours à compter de la mise à disposition de la décision dans l'application, soit à compter du 28 avril 2023. Le mémoire d'appel du ministre enregistré le 13 septembre 2024, soit après l'expiration du délai d'appel de deux mois, est donc tardif et par suite irrecevable. Le ministre doit donc être regardé, dans la présente instance, comme ayant la qualité d'observateur.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Pour annuler l'arrêté du 6 juillet 2021, le tribunal s'est fondé sur l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 1988 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Guadeloupe, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, qui interdit, en tout temps, sur le territoire de la région Guadeloupe, la destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de tout ou partie des spécimens sauvages de l'espèce " geonoma pinnatifrons willd ".

5. Il ressort des pièces du dossier et plus précisément du procès-verbal de l'état de reconnaissance de l'état des bois à défricher dressé par un technicien de l'Office national des forêts que le massif de 9,48 hectares sur lequel se situe la parcelle AV 221 est constitué d'une forêt xérophile et que la végétation comporte notamment des " ailes à ravet ". Si l'inventaire national du patrimoine naturel indique que le nom scientifique des " ailes à ravet " est geonoma pinnatifrons martinicensis et qu'il s'agit d'une sous-espèce du geonoma pinnatifrons willd, dit coco-macaque, il ressort toutefois d'une note de l'Office national des forêts en date du 7 février 2023 produite, pour la première fois en appel, que l'aile à ravet du genre " geonoma " et de l'espèce " geonoma pinnatifrons martinicensis " pousse en forêt mésophile et n'a jamais été observée en forêt xérophile hors de son habitat, que le nom vernaculaire " aile à ravet " est enregistré sous plusieurs genres " heteropteys ", " tetrapterys ", " stigmaphyllon ", " geonoma ", " brachypterys " et que c'est l'aile à ravet, du genre " stygmaphyllon " et de l'espèce " stygmaphyllon diversifolium ", plante de forêt xérophile, " littoral sec et forêts sèches des Petites Antilles " qui est en réalité mentionnée dans l'arrêté portant autorisation de défrichement. Or, cette plante ne figure pas dans la liste des espèces végétales protégées par l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 1988. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé, sur le fondement de l'arrêté précité du 26 décembre 1988, l'arrêté du 6 juillet 2021, au motif de la présence de l'espèce végétale " aile à ravet " (geonoma pinnatifrons martinicensis), sous espèce de geonoma pinnatifrons willd, dit coco-macaque.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. J... et autres devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et la cour.

Sur les autres moyens soulevés par M. J... et autres au soutien de leur demande d'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2021 :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de la décision attaquée :

7. M. P... M..., chef de service des territoires agricoles ruraux et forestiers, signataire de l'arrêté attaqué, disposait par arrêté du 4 mars 2021 régulièrement publié le 10 mars 2021 au recueil des actes administratifs n° 971-2021-052 de la préfecture, d'une délégation de signature du directeur de l'alimentation de l'agriculture et de la forêt de la Région Guadeloupe, pour signer, en sa qualité de chef de service, les décisions prises sur le fondement de l'article 1 paragraphe B. 8 de l'arrêté préfectoral SG/BCI du 1er février 2021 pour ce qui concerne le domaine forestier, parmi lesquelles figurent les décisions du type de celle en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la qualité du pétitionnaire :

8. Aux termes de l'article R. 341-1 dans sa rédaction alors applicable du code forestier : " La demande d'autorisation de défrichement est adressée par tout moyen permettant d'établir date certaine au préfet du département où sont situés les terrains à défricher. La demande est présentée soit par le propriétaire des terrains ou son mandataire, soit par une personne morale ayant qualité pour bénéficier sur ces terrains de l'expropriation pour cause d'utilité publique, des servitudes prévues aux articles L. 323-4 et L. 433-6 du code de l'énergie et à l'article L. 555-27 du code de l'environnement ou de la servitude instituée par l'article 53 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, soit par une personne susceptible de bénéficier de l'autorisation d'exploiter une carrière en application de l'article L. 512-1 ou de l'article L. 512-7-1 du code de l'environnement, d'une autorisation de recherches ou d'un permis exclusif de carrières prévus aux articles L. 322-1 et L. 333-1 du code minier. [...] ".

9. Par un procès-verbal en date du 14 octobre 2020, l'associée unique de la société du Pré Au Lion a autorisé l'acquisition d'un bien immobilier consistant en un terrain à bâtir sis lieu-dit La Couronne Couchou, Le Moule sous les références cadastrales AV 221 et AV 219 au profit d'une personne morale que la SAS du Dôme Des Miages constituera avec M. AE... D..., dans les conditions prévues aux termes de la clause de substitution figurant dans la promesse de vente annexée. Le 16 octobre 2020, une promesse de vente des parcelles a été signée entre la société Etablissement Gabriel Vangout et Compagnie, promettant, d'une part, et la société SAS du Dôme des Miages et M. AE... D..., bénéficiaires, d'autre part. Le 19 janvier 2021, la société du Pré Au Lion a autorisé M. AE... D... à effectuer au nom et pour le compte de la société toutes démarches de demande d'autorisation de défrichement des parcelles de terrain. Enfin, selon une attestation notariée en date du 4 mars 2021, la société Etablissement Gabriel Vangout et Compagnie, d'une part, et la société SAS du Dôme des Miages et M. AE... D..., d'autre part, doivent établir entre eux un acte contenant vente concernant les parcelles AV 221 et AV 219. Il résulte de ce qui précède que M. AE... D..., auteur de la demande d'autorisation de défrichement déposée le 22 janvier 2021, disposait tant d'un mandat de la société du Pré Au Lion l'autorisant à déposer la demande de défrichement que d'une pièce justifiant de l'accord exprès du propriétaire au titre de la maitrise foncière des terrains.

En ce qui concerne la nécessité d'une étude d'impact :

10. Aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. [...] ". En vertu du a) et du c) de la catégorie 47. " Premiers boisements et déboisements en vue de la reconversion des sols ", les premiers boisements d'une superficie totale comprise entre 0,5 hectare et 25 hectares relèvent d'un examen au cas par cas. Aux termes de l'article R. 122-3-1 dans sa rédaction alors applicable du code de l'environnement : " I.- Pour les projets relevant d'un examen au cas par cas en application de l'article R. 122-2, le maître d'ouvrage décrit les caractéristiques de l'ensemble du projet, y compris les éventuels travaux de démolition, les incidences notables que son projet est susceptible d'avoir sur l'environnement et la santé humaine ainsi que, le cas échéant, les mesures et les caractéristiques du projet destinées à éviter ou réduire ses probables effets négatifs notables. Il mentionne, le cas échéant, les termes des plans ou programmes pertinents relatifs aux mesures et caractéristiques des projets susceptibles d'être retenues ou mises en œuvre pour éviter ou réduire les effets négatifs de projets sur l'environnement ou la santé humaine. II.- Ces informations sont renseignées dans un formulaire, adressé par le maître d'ouvrage par voie électronique ou par pli recommandé à l'autorité chargée de l'examen au cas par cas, qui en accuse réception. A compter de la réception de ce formulaire, cette autorité dispose d'un délai de quinze jours pour demander au maître d'ouvrage de le compléter. A défaut d'une telle demande, le formulaire est réputé complet à l'expiration de ce même délai. [...] IV. - L'autorité chargée de l'examen au cas par cas apprécie, dans un délai de trente-cinq jours à compter de la date de réception du formulaire complet, sur la base des informations fournies par le maître d'ouvrage, si les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine sont notables au regard des critères pertinents énumérés à l'annexe du présent article1. Le cas échéant, elle tient compte des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement requises au titre d'autres législations applicables. L'autorité chargée de l'examen au cas par cas peut solliciter un avis du directeur général de l'agence régionale de santé concerné par le projet. [...] L'autorité chargée de l'examen au cas par cas indique les motifs qui fondent sa décision au regard des critères pertinents énumérés à l'annexe du présent article, ainsi que des mesures et caractéristiques du projet présentées par le maître d'ouvrage et destinées à éviter ou réduire les effets négatifs notables de celui-ci sur l'environnement et la santé humaine. [...] ". Enfin, selon l'annexe de l'article R. 122-3-1 précité : " Les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport : " a) A la dimension et à la conception de l'ensemble du projet ; b) Au cumul avec d'autres projets existants ou approuvés ; c) A l'utilisation des ressources naturelles, en particulier le sol, les terres, l'eau et la biodiversité ; d) A la production de déchets ; e) A la pollution et aux nuisances ; f) Au risque d'accidents et/ ou de catastrophes majeurs en rapport avec le projet concerné, notamment dus au changement climatique, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques ; g) Aux risques pour la santé humaine (dus, par exemple, à la contamination de l'eau ou à la pollution atmosphérique) [...]La sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d'être affectées par le projet doit être considérée en prenant notamment en compte : a) L'utilisation existante et approuvée des terres ; b) La richesse relative, la disponibilité, la qualité et la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone (y compris le sol, les terres, l'eau et la biodiversité) et de son sous-sol ; c) La capacité de charge de l'environnement naturel, en accordant une attention particulière aux zones suivantes : i) Zones humides, rives, estuaires ; ii) Zones côtières et environnement marin ; iii) Zones de montagnes et de forêts ; iv) Réserves et parcs naturels ; v) Zones répertoriées ou protégées par la législation nationale ; zones Natura 2000 désignées en vertu des directives 92/43/ CEE du 21 mai 1992 et 2009/147/ CE du 30 novembre 2009 ; vi) Zones ne respectant pas ou considérées comme ne respectant pas les normes de qualité environnementale fixées par la législation de l'Union européenne et pertinentes pour le projet ; vii) Zones à forte densité de population ; viii) Paysages, sites et monuments importants du point de vue historique, culturel ou archéologique. ".

11. Il ressort de la demande d'examen au cas par cas, préalable à la réalisation éventuelle d'une évaluation environnementale, déposée pour le compte de M. D... le 16 novembre 2020, dans le champ de laquelle entre la décision attaquée puisque la parcelle à défricher de 2,89 ha est inférieure à 25 hectares, qu'y sont décrites les caractéristiques du projet consistant en la réalisation de 28 lots à usage d'habitation individuelle sur la parcelle AV 221 au lieu-dit "Portland" à La Couronne Conchou sur la commune du Moule et en la division de la parcelle en deux parties, l'une en zone UG concernée par le projet pour une surface totale d'aménagement de 2,9 ha et l'autre en zone N. Cette demande précise que l'objectif est de viabiliser 28 lots de surfaces comprises entre 800 m2 et 1 500 m2 pour répondre à la demande de terrains à bâtir. Les étapes du projet y sont également sommairement décrites dans leur phase de travaux et leur phase d'exploitation. La demande précise encore que la superficie à défricher est de 2,3 ha, que la superficie du massif est de 9 ha, que la parcelle se situe sur une commune littorale concernée par des risques sismiques, que le défrichement engendrera des nuisances sonores pendant la phase de travaux, que les constructions respecteront le style architectural des lieux et que lors de la visite préalable de terrain réalisée par l'Office national des forêts, il n'a pas été mis en évidence que le site fasse partie d'une zone d'intérêt écologique remarquable. Ont été annexés à cette demande, un document CERFA intitulé " informations nominatives relatives au maître d'ouvrage ou pétitionnaire ", un plan de situation au 1/ 25000, des photos du projet et de la parcelle, ainsi que la fiche de visite préalable du terrain en date du 29 septembre 2020. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, le dossier de cette demande, à l'origine de l'arrêté du 17 décembre 2020 du préfet de la Guadeloupe, pris en sa qualité d'autorité environnementale, qui n'oblige pas à réaliser une étude d'impact ou à compléter le dossier et qui précise que les informations à fournir au titre de la déclaration au titre de la loi sur l'eau sont suffisantes pour évaluer et prendre en compte les enjeux environnementaux, n'est pas insuffisant puisqu'il permettait à l'autorité environnementale d'évaluer les caractéristiques générales du projet, la sensibilité environnementale de la zone d'implantation envisagée et les caractéristiques de l'impact potentiel du projet sur l'environnement et la santé humaine. Au demeurant, cet arrêté oblige le pétitionnaire à réaliser un diagnostic architectural et précise encore que le pétitionnaire doit déclarer comment seront traitées les eaux usées et les eaux pluviales en précisant les exutoires de chacun, que le projet est potentiellement soumis à déclaration au titre de la loi sur l'eau, conformément à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, rubrique 2.1.5.0 " rejets d'eaux pluviales ", que le projet ayant des incidences sur le trafic routier dans cette zone, il conviendra de prendre en compte les conditions de mobilité pour les habitants en dehors de l'automobile (transports en commun, notamment) en partenariat avec la commune et que le pétitionnaire prendra toute mesure utile pour limiter l'émission de bruit et de particules de poussière pendant la durée des travaux. Par suite, le préfet de la région Guadeloupe a pu régulièrement estimer que le dossier qui lui était soumis était complet et régulier en la forme et que ce projet pouvait être dispensé de la réalisation d'une étude d'impact.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'autorisation :

S'agissant de la légalité du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune du Moule et de son respect :

12. D'une part, les requérants invoquent par voie d'exception le classement illégal de la parcelle AV 221 en zone UG du PLU de la commune du Moule, qui emporte suppression d'une coupure d'urbanisation, et sur lequel repose, selon eux, l'autorisation de défrichement. Ils précisent que le terrain d'assiette du projet doit être classé en zone naturelle s'agissant d'un vaste ensemble boisé en bordure du littoral et que le PLU méconnait d'ailleurs le schéma d'aménagement régional de la Guadeloupe.

13. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. Or, l'autorisation de défrichement en litige n'est pas un acte pris pour l'application de la délibération du 30 juin 2017 ayant approuvé le PLU de la commune du Moule et cette délibération ne constitue pas davantage sa base légale. Ainsi, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ce PLU aux motifs de l'illégalité du zonage de la parcelle destinée au défrichement en vue de la réalisation de 28 logements ne peut qu'être écarté.

14. D'autre part, en vertu du principe d'indépendance des législations, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnait les dispositions de l'article UG 13 du PLU de la commune du Moule selon lesquelles " 13.1. Les plantations existantes doivent être maintenues ou remplacées par des plantations équivalentes. [...] 13.4. Pour les opérations de lotissements ou les programmes groupés de constructions, un schéma des plantations à conserver, à reconstituer ou à créer et des espaces verts à aménager est demandé. " est inopérant. Au demeurant, l'arrêté attaqué prévoit en son article 2 une compensation au déboisement puisqu'il dispose que " l'autorisation de défrichement est délivrée sous condition des travaux forestiers décrits aux article 3 à 5 [du même arrêté] ou du versement d'une indemnité équivalente. Aussi, les travaux forestiers devront être réalisés conformément aux conditions des articles 3 à 5 sur une surface compensatoire de 43500 m2. Le bénéficiaire de l'autorisation peut s'acquitter de la réalisation des travaux de boisement, en versant au fonds stratégique de la forêt et du bois une indemnité de 43 500 € ". Une compensation à l'autorisation de défrichement a donc été prévue.

S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 341-5 du code forestier et de l'article L. 411-1 du code de l'environnement :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 341-5 du code forestier : " L'autorisation de défrichement peut être refusée lorsque la conservation des bois et forêts ou des massifs qu'ils complètent, ou le maintien de la destination forestière des sols, est reconnu nécessaire à une ou plusieurs des fonctions suivantes : [...] 8° A l'équilibre biologique d'une région ou d'un territoire présentant un intérêt remarquable et motivé du point de vue de la préservation des espèces animales ou végétales et de l'écosystème ou au bien-être de la population ;9° A la protection des personnes et des biens et de l'ensemble forestier dans le ressort duquel ils sont situés contre les risques naturels, notamment les incendies et les avalanches. ".

16. L'autorisation de défricher a été délivrée après une visite préalable de terrain réalisée le 29 septembre 2020 par un agent de l'Office national des forêts, qui indique que le défrichement ne porte pas sur une zone d'intérêt écologique remarquable, et une reconnaissance contradictoire de l'état des bois effectuée le 22 avril 2021 par un agent technique qui indique, au titre de l'équilibre biologique du territoire, qu'aucune espèce végétale rare n'a été observée sur le terrain, et au titre de la protection contre l'incendie de l'ensemble boisé auquel appartient le terrain, que le boisement est sensible aux risques d'incendie. Si les intimés se prévalent, pour la première fois en appel, d'un " Pré-diagnostic des chiroptères et de l'herpétofaune sur la parcelle AV 221 de la Commune du Moule en Guadeloupe " réalisé en octobre 2023 par un naturaliste qui a identifié sur la zone, le ctenonotus marmoratus, le sphaerodactylus fantasticus, l'eleutherodactylus martinicensis, le molossus molossus, le tadarida brasiliensis et l'artibeus jamaicensis ainsi que des traces d'un iguane, en périphérie de la zone, toutefois, ce prédiagnostic, au demeurant non contradictoire, n'est pas de nature à lui seul à infirmer les constatations précitées de l'agent de l'Office national des forêts qui font foi. Par ailleurs, le relevé des espèces présentes au sein de l'anse Salmon, située également Couronne Conchou, selon lequel le secteur jouxtant le terrain d'assiette du projet abrite de nombreuses espèces protégées n'est pas davantage de nature à infirmer le constat précité. Pour le surplus, en se bornant à indiquer que l'altimétrie de la parcelle AV 221 oscille entre zéro et 5 mètres au-dessus du niveau de la mer et que, lors des ouragans et cyclones les plus violents, cette parcelle et celles avoisinantes se sont " vues disparaître " sous un mètre d'eau en moyenne, et alors d'ailleurs que selon le plan de prévention des risques naturels de la commune du Moule, la partie de la parcelle classée en zone UG n'est pas impactée par des aléas, les requérants n'apportent pas d'éléments permettant de retenir que l'absence de défrichement de la parcelle en cause située à environ 160 mètres du rivage de l'Anse Conchou, contribuerait à la défense des sols contre l'érosion ou encore à la défense des personnes et des biens contre les risques de submersion et d'inondation. Le moyen tiré de ce que l'autorisation de défrichement présenterait des risques justifiant un refus de défrichement sur le fondement de l'article L. 341-5 8° et 9 ° du code forestier doit donc être écarté.

17. En second lieu, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits (...) la destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel.

18. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

19. Ainsi qu'il a été indiqué au point 16 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ctenonotus marmoratus, le sphaerodactylus fantasticus, l'eleutherodactylus martinicensis, le molossus molossus, le tadarida brasiliensis, l'artibeus jamaicensis et l'iguana iguana seraient présents sur le site et que les risques pour ces espèces ou leurs habitats seraient suffisamment caractérisés pour justifier l'exigence de la délivrance d'une " dérogation espèces protégées " sur la parcelle d'assiette en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article de l'article L. 411-1 du code de l'environnement ne peut donc qu'être écarté.

S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 121-42 du code de l'urbanisme :

20. Aux termes de l'article L. 121-42 du code de l'urbanisme " Des espaces naturels ouverts sur le rivage et présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation sont ménagés entre les zones urbanisables. ".

21. Si ces dispositions imposent aux auteurs des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme de préserver, au sein des communes littorales, des espaces laissés à l'état naturel présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation, elles n'obligent pas ces auteurs à préserver de l'urbanisation tous les espaces naturels existants qui seraient susceptibles, eu égard à leurs caractéristiques, d'être regardés comme des coupures d'urbanisation.

22. Le requérant soutient que le terrain d'assiette du projet constitue une coupure d'urbanisation, qui ne peut être ni urbanisée, ni a fortiori défrichée.

23. S'il ressort des dispositions applicables à la zone UG du plan local d'urbanisme de la commune du Moule que cette zone au sein de laquelle se situe le terrain d'assiette AV 221 en litige est une zone urbaine et résidentielle de densité faible à moyenne qui présente les traits principaux de l'habitat rural traditionnel et que la parcelle AV 221 est située à l'ouest d'un compartiment structuré comportant une vingtaine de maisons d'habitations et des réseaux, au Nord de plusieurs maisons individuelles, et longée par la route de Conchou à double sens qui rejoint la mer, ce constat factuel ne fait toutefois pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 121-42 du code de l'urbanisme. Il ressort néanmoins des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section AV 221, d'une surface globale de 58 729 m2, est classée à hauteur de 30 000 m2 en zone naturelle et que cette partie de parcelle constitue avec les parcelles adjacentes cadastrées AV 44, 45 et 47, classées également en zone N, un espace naturel ouvert sur le rivage permettant de respecter les termes de l'article L. 121-42 du code de l'urbanisme. Dès lors, le projet en litige ne peut être regardé comme entravant une coupure d'urbanisation et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 121-42 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme :

24. L'article L. 113-1 du code de l'urbanisme prévoit que : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. " Les deux premiers alinéas de l'article L. 113-2 du même code prévoient en outre que : " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. / Nonobstant toutes dispositions contraires, il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue au chapitre Ier du titre IV du livre III du code forestier. ".

25. La parcelle cadastrée AV 221 pour laquelle M. D... a demandé l'autorisation de défricher n'est pas située dans un espace boisé classé par le plan local d'urbanisme approuvé par la commune du Moule. Par suite, les intimés ne peuvent utilement invoquer une méconnaissance de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme.

S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme :

26. Aux termes, d'une part, de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux (...) défrichements (...). Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l'environnement, des particularités locales et de la capacité d'accueil du territoire, les modalités d'application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et en définit la localisation ". Aux termes de l'article L. 121-8 du même code : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ".

27. Aux termes, d'autre part, des dispositions de l'article L. 121-38 du code de l'urbanisme " Les dispositions des sections 1 et 2 du présent chapitre sont applicables, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion, aux communes littorales définies à l'article L. 321-2 du code de l'environnement, et à Mayotte, à l'ensemble des communes, à l'exception des articles L. 121-12, L. 121-13, L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19, et sous réserve des dispositions ci-après. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 121-40 du même code " Dans les espaces proches du rivage, sont autorisées : 1° L'extension de l'urbanisation dans les secteurs déjà occupés par une urbanisation diffuse (...) ".

28. Il est loisible au juge, pour conforter son appréciation des pièces du dossier, de fonder sa décision, sans les communiquer aux parties, sur les données publiques de référence produites par l'Institut géographique national (IGN) et librement accessibles au public sur le site internet geoportail.gouv.fr.

29. Il ressort des pièces du dossier, ainsi d'ailleurs qu'il a été indiqué au point 23 du présent arrêt, que la parcelle AV 221 est située à l'ouest d'un compartiment structuré comportant une vingtaine de maisons d'habitations et des réseaux, au Nord de plusieurs maisons individuelles, et est longée par la route de Conchou à double sens qui rejoint la mer. Elle est ainsi située dans une zone d'urbanisation diffuse. Il ressort également de la consultation du site Géoportail que la partie de cette parcelle destinée à être défrichée, située à 200 mètres environ du rivage, et de laquelle il est possible d'avoir une vue sur l'océan constitue un espace proche du rivage. Il suit de là qu'au regard des dispositions précitées de l'article L. 121-40 du code de l'urbanisme, les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne trouvent pas à s'appliquer à la parcelle en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne peut donc être accueilli.

S'agissant de la méconnaissance du schéma d'aménagement régional de la Guadeloupe :

30. La parcelle cadastrée AV 221 est située, selon le schéma d'aménagement régional de la Guadeloupe, dans la zone " autres espaces naturels " et à proximité immédiate d'une zone " espaces urbains denses ". Il mentionne, en sa page 168, la possibilité d'une extension de l'urbanisation par prélèvement sur les espaces agricoles ou naturels de manière à procéder, de façon marginale, à des rectifications de limites de zone et précise " Une telle extension est toutefois subordonnée à la condition que les espaces concernés soient dans une relation de proximité avec le tissu urbain et avec les réseaux existants, notamment de transport et qu'elle fasse l'objet de mesures de compensation à l'identique. " Ce schéma n'interdit donc pas la possibilité de défricher la parcelle cadastrée AV 221. Le moyen tiré de la méconnaissance du schéma d'aménagement régional de la Guadeloupe doit donc être écarté.

S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

31. Les requérants ne peuvent utilement soulever à l'encontre d'un arrêté autorisant le défrichement d'une parcelle, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code l'urbanisme. Le moyen ne peut donc être accueilli.

32. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de désigner un expert judiciaire, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 6 janvier 2021.

Sur les frais liés au litige :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'a pas dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que demandent M. J... et autres au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens. Aucune somme à ce titre ne peut davantage être mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge M. J... et autres une somme globale de 1 500 euros au titre des frais d'instance que M. D... a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions d'appel du ministre chargé de l'agriculture sont rejetées.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 26 janvier 2023 est annulé.

Article 3 : La demande de M. J... et autres présentée devant le tribunal administratif de la Guadeloupe est rejetée.

Article 4 : M. AT... J..., Mme R... AU..., M. AC... AQ..., Mme AH... AY... AQ..., Mme E... K..., Mme AM... K... AX..., Mme H... Z..., M. S... X..., M. U... AN..., M. T... C..., M. AS... B..., Mme AF... N..., M. Y... O..., M. P... N..., Mme I... N..., M. A... AL..., Mme AI... AP..., M. G... AK..., Mme Q... AA..., Mme V... AG..., M. F... AR..., Mme L... AW... et Mme AO... AD..., verseront solidairement à M. D... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. AE... D..., à M. U... AN..., désigné en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2024.

Le rapporteur,

Nicolas AB...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00818
Date de la décision : 18/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : CANDELON-BERRUETA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-18;23bx00818 ?
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