Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Financière Echezeaux a demandé au tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2011 et 2012, en droits, majoration et intérêts, pour un montant total de 3 231 748 euros, subsidiairement, de prononcer la décharge de la majoration pour abus de droit pour un montant de 1 196 359 euros.
Par un jugement n° 1905816 du 28 septembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a constaté le non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 333 804 euros intervenu en cours d'instance et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 26 novembre 2021 et 10 février 2022, la SAS Financière Echezeaux représentée par Me Grolleaud, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge totale des impositions restant en litige, pour un montant de 3 374 224 euros, au titre des années 2011 et 2012 ;
3°) subsidiairement, de prononcer la décharge de la majoration de 80 % pour abus de droit mise à sa charge, pour un montant de 1 196 359 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière du fait de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2018 en ce que celui-ci, d'une part, mentionne un montant total de droits, pénalités et intérêts à recouvrer de 3 565 552 euros alors que le montant total figurant sur les dernières conséquences financières portées à sa connaissance s'élevait à 3 231 748 euros, d'autre part, mentionne uniquement la proposition de rectification du 22 décembre 2015, alors que les conséquences financières du contrôle ont été revues à la baisse à plusieurs reprises après cette proposition ; ces irrégularités substantielles sont de nature à emporter la décharge de la totalité des suppléments d'imposition mis à sa charge ;
- l'abus de droit qui lui est reproché n'est pas constitué, dès lors que les opérations ont été dictées par des motivations économiques, financières et juridiques, autres que fiscales ; ces opérations ne constituent pas un montage artificiel au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elles n'ont pas été réalisées en contrariété avec l'intention du législateur ;
- ces opérations n'ont pas atténué sa charge fiscale dès lors que le ratio d'endettement calculé au niveau du groupe dont la société Aramis International 1 est la société " consolidante ", au sens de l'article L. 233-16 II du code de commerce, est supérieur à celui de la SARL Imom International, de sorte qu'en vertu des dispositions du III de l'article 212 du code général des impôts, le II du même article ne lui était pas applicable ;
- l'assiette de la majoration pour abus de droit devait être calculée sur le rehaussement de ses résultats individuels et non en fonction des conséquences financières de la rectification au niveau du groupe ;
- les conséquences financières qui lui ont été notifiées en sa qualité de société tête de groupe ne permettent pas de comprendre les modalités de détermination des pénalités qui lui ont été infligées.
Par des mémoires en défense enregistrés les 7 janvier et 11 mars 2022, et des pièces complémentaires produites le 15 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, au 23 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Grolleaud pour la SAS Financière Echezeaux.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Financière Echezeaux, venant aux droits de la société à responsabilité limitée (SARL) Imom International, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de ses exercices clos au 31 mars 2011 et au 31 mars 2012, à l'issue de laquelle lui ont été notifiées, par une proposition de rectification du 22 décembre 2015, des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, au titre de ces deux exercices, selon la procédure d'abus de droit, au motif que les distributions successives de dividendes suivies d'augmentations de capital d'égal montant des sociétés distributrices réalisées au sein du groupe dont la société Imom International est la mère n'étaient justifiées par aucun motif économique, financier ou juridique et avaient eu pour seul but d'augmenter ses capitaux propres afin d'améliorer son ratio d'endettement et, ainsi, de lui permettre de déduire intégralement de son résultat fiscal les intérêts de sa dette souscrite auprès d'entreprises liées, en méconnaissance des dispositions du II de l'article 212 du code général des impôts. Les rectifications ont été abandonnées en cours de procédure, en ce qui concerne les rectifications envisagées sur le fondement du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et celles relatives à l'exercice 2011, atteint par la prescription. Le comité de l'abus de droit fiscal ayant, par un avis émis le 14 juin 2018, confirmé le bien-fondé de la mise en œuvre par l'administration de la procédure de répression des abus de droit, les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2018. La SAS Financière Echezeaux relève régulièrement appel du jugement du 28 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles a, après avoir constaté le non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement de 333 804 euros intervenu en cours d'instance, rejeté le surplus de sa demande de décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscale : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 (...). / (...) / Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts ou de l'article 223 A bis du même code la société mère d'un groupe ou l'établissement public industriel et commercial qui s'est constitué seul redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats d'un groupe est amené à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'un ou de plusieurs membres du groupe, l'administration adresse à cette société mère ou à cet établissement public, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle ou il est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. / (...) ".
3. En cas de discordance entre le montant des impositions figurant sur un avis de mise en recouvrement et le montant des conséquences financières des rectifications mentionné par les documents cités par ledit avis, il appartient au juge de l'impôt de rechercher, dans la limite des impositions correspondant aux montants mentionnés dans la dernière pièce modifiant les rehaussements, si cet avis est simplement entaché d'une erreur matérielle, seul le surplus éventuel des impositions devant alors être regardé comme irrégulièrement mis en recouvrement, ou si la discordance a privé le contribuable de la possibilité de contester utilement la totalité des montants mis en recouvrement.
4. En premier lieu, la SAS Financière Echezeaux fait valoir que le montant total de droits, pénalités et intérêts, à recouvrer qui figure dans l'avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2018 est de 3 565 552 euros, alors que le montant total précisé dans les dernières conséquences financières reçues par la société s'élevait à 3 231 748 euros. Cependant, le montant figurant dans l'avis de mise en recouvrement résulte d'une simple erreur matérielle sur le décompte des intérêts de retard et la différence de 333 804 euros a été dégrevée en cours d'instance devant le tribunal. Cette erreur, qui n'était pas de nature à priver la société requérante de la possibilité de contester utilement les impositions, n'est pas susceptible d'emporter la décharge des droits, pénalités et intérêts restant en litige.
5. En second lieu, la SAS Financière Echezeaux soutient que l'avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2018 ne vise que la proposition de rectification du 22 décembre 2015, alors que les conséquences financières du contrôle ont été revues à la baisse à plusieurs reprises après la proposition de rectification. Il est constant que la société requérante a été destinataire le 17 septembre 2018, en sa qualité de société mère d'un groupe d'intégration fiscale, seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats d'un groupe, de l'information prévue au quatrième alinéa de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, sur le montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle était redevable. Dans ces conditions, alors même que, les impositions ayant été partiellement abandonnées en cours de procédure, les conséquences financières mentionnées dans la proposition de rectification sont supérieures à celles effectivement mises en recouvrement et que les sommes mises en recouvrement ne correspondaient pas exactement aux conséquences financières notifiées à la mère intégrante le 17 septembre 2018 du fait de l'erreur matérielle mentionnée au point précédent, la redevable n'a pas pu se méprendre sur la cause et l'objet du paiement qui lui était réclamé par l'administration, ni sur la nature et l'origine des droits et pénalités mis en paiement et précédemment portés à sa connaissance, de sorte qu'elle a pu les contester utilement dans sa réclamation contentieuse. Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes du II de l'article 212 du code général des impôts : " 1.- Lorsque le montant des intérêts servis par une entreprise à l'ensemble des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 et déductibles conformément au I excède simultanément au titre d'un même exercice les trois limites suivantes : / a) Le produit correspondant au montant desdits intérêts multiplié par le rapport existant entre une fois et demie le montant des capitaux propres, apprécié au choix de l'entreprise à l'ouverture ou à la clôture de l'exercice et le montant moyen des sommes laissées ou mises à disposition par l'ensemble des entreprises liées directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39 au cours de l'exercice, / b) 25 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l'issue du contrat, (...) /la fraction des intérêts excédant la plus élevée de ces limites ne peut être déduite au titre de cet exercice, sauf si cette fraction est inférieure à 150 000 €. / (...) ".
7. Aux termes du III de l'article 212 du code général des impôts : " Les dispositions du II ne s'appliquent pas si l'entreprise apporte la preuve que le ratio d'endettement du groupe auquel elle appartient est supérieur ou égal à son propre ratio d'endettement au titre de l'exercice mentionné au II. / Pour l'application des dispositions du premier alinéa, le groupe s'entend de l'ensemble des entreprises françaises ou étrangères placées sous le contrôle exclusif d'une même société ou personne morale, au sens du II de l'article L. 233-16 du code de commerce. (...) ". Aux termes de l'article L. 233-16 du code de commerce : " I. - Les sociétés commerciales établissent et publient chaque année à la diligence du conseil d'administration, du directoire, du ou des gérants, selon le cas, des comptes consolidés ainsi qu'un rapport sur la gestion du groupe, dès lors qu'elles contrôlent de manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ou qu'elles exercent une influence notable sur celles-ci, dans les conditions ci-après définies. / II. - Le contrôle exclusif par une société résulte : /1° Soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans une autre entreprise ; / 2° Soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise. La société consolidante est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ; / 3° Soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet. "
En ce qui concerne l'application du III de l'article 212 du code général des impôts :
8. Pour soutenir qu'en vertu des dispositions du III de l'article 212 du code général des impôts, le II du même article ne lui était pas applicable, la SAS Financière Echezeaux fait valoir que le ratio d'endettement calculé au niveau du groupe consolidé dont la société Aramis International 1 est la société consolidante, au sens du II de l'article L. 233-16 du code de commerce, était supérieur à celui de la SARL Imom International. Toutefois, il résulte de l'instruction que, si la SARL Imom International, aux droits de laquelle vient la SAS Financière Echezeaux, créée à l'occasion du rachat en 2008 à la famille A..., par le fonds Industri Kapital, du groupe Etanco, leader français des systèmes de fixation pour l'enveloppe du bâtiment, pour 167,5 millions d'euros, était détenue jusqu'en octobre 2011 à 68,12 % par la société luxembourgeoise Aramis International, elle-même détenue par la société luxembourgeoise Aramis International 1, cette dernière était elle-même détenue à 94 % par quatre fonds d'investissement sous forme de " limited partnership " de droit anglais dénommés Industri Kapital 2007 LP I, LP II, LP III et LP IV, eux-mêmes réunis sous forme de partnership dans une société Industri Kapital 2007 GP LP administrée en qualité de " general partner " par la société Industri Kapital 2007 Limited, basée à Jersey. A compter d'octobre 2011, suite à la cession du groupe aux fonds d'investissement 3i, la SARL Imom International était détenue selon la même structure à 67 % par la société luxembourgeoise Echezeaux Investissement, elle-même détenue à 80 % par trois fonds 3i PLC, gérés par la société 3i Investments PLC, " général partner ". Dans les accords de partenariat de droit anglo-saxon conclus entre un fonds d'investissement et ses investisseurs limités (" limited partners "), l'investisseur limité ne participe pas activement à la gestion du fonds et n'a pratiquement aucun pouvoir de décision concernant la marche de l'entreprise, tandis que les décisions stratégiques concernant les investissements du fonds relèvent du " general partner ", véritable titulaire du droit d'exercer une influence dominante sur le fonds. En l'espèce, les sociétés Aramis International 1 et Echezeaux Investissement, holdings de reprise, sont elles-mêmes détenues collectivement à 94,24 % pour l'une et 80 % pour l'autre, par les fonds Industri Kapital 2007 LPI, LP II, LP III et LP IV, puis à compter d'octobre 2011, par les fonds 3i, la société Industri Kapital 2007 Limited, puis la société 3i Investments PLC. Alors même qu'elles ne détenaient pas de parts sociales et ne supportaient pas personnellement les risques, les sociétés Industri Kapital 2007 Limited et 3i Investments PLC disposent en vertu de leur contrat du droit de prendre les décisions stratégiques permettant d'exercer une influence déterminante sur les sociétés du groupe Etanco. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les sociétés Aramis International 1 et Echezeaux Investissement doivent être retenues comme sociétés consolidantes, au sens de l'article L. 233-16 du code de commerce, pour la détermination des ratios d'endettement du groupe, au sens du III de l'article 212 du code général des impôts.
En ce qui concerne l'existence d'un abus de droit :
9. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.
10. L'administration fiscale établit que, pour financer l'acquisition en 2008 du groupe Etanco, la SARL Imom International a contracté une dette obligataire de 82,5 millions d'euros auprès de son principal associé, la société luxembourgeoise Aramis International 1, un emprunt obligataire convertible de 37 millions d'euros et une dette bancaire de 23,6 millions d'euros. La SARL Imom International, société mère tête du groupe fiscalement intégré, a ainsi acquis à 100 % la société Plastiform's, holding du groupe Etanco, qui détenait les filiales opérationnelles du groupe Etanco, notamment la société Ateliers LR Etanco et qui a acquis en 2008 par un emprunt bancaire de 81,4 millions d'euros les autres sociétés du groupe Etanco que la famille A... détenait directement. Dans un bref laps de temps, début 2011, les sociétés du groupe détenu par la SARL Imom International ont fait plusieurs opérations : les 14 et 31 janvier 2011, la société Ateliers LR Etanco a acquis de sa mère Plastiform's les titres de trois autres sociétés du groupe pour un montant de 25 611 860 euros au moyen de crédits-vendeurs consentis par la société Plastiform's, remboursables au plus tard le 31 mars 2011 ; le 31 janvier 2011, la société Ateliers LR Etanco a procédé à une distribution exceptionnelle à sa mère Plastiform's de 21,5 millions d'euros par voie d'inscription en compte courant ; le 28 février 2011, la société Plastiform's a versé à sa mère Imom International un acompte sur dividendes de 43,9 millions d'euros par l'inscription en compte courant de la somme de 21,5 millions d'euros et le transfert de sa créance sur la société Ateliers LR Etanco à hauteur de 22,4 millions d'euros ; le 15 mars 2011, la SARL Imom International a décidé d'augmenter de 43,9 millions d'euros le capital de la société Plastiform's qu'elle détient à 100 %, avec un droit préférentiel de souscription et de paiement par compensation ; le même jour, la société Plastiform's a pris la même décision d'augmentation du capital de sa propre filiale, la société Ateliers LR Etanco pour un montant de 47,1 millions d'euros ; le 22 mars, la SARL Imom International a souscrit à l'augmentation de capital de Plastiform's pour le montant de 43,7 millions d'euros par compensation avec sa créance en compte courant de 21,5 millions d'euros et la créance de 22,4 millions d'euros que la société Plastiform's lui a cédée sur sa filiale Ateliers LR Etanco ; le même jour, la société Plastiform's a fait de même avec sa propre filiale et souscrit à la totalité des actions nouvelles créées pour le montant de 47,1 millions d'euros, libéré par l'extinction de sa créance en compte courant de 21,5 millions d'euros correspondant à la distribution exceptionnelle du 31 janvier 2011 et les crédits-vendeurs consentis à la société Ateliers LR Etanco lors de l'achat de titres pour 25,6 millions d'euros. Ces opérations de distributions successives suivies immédiatement d'augmentations de capital entre entreprises détenues à 100 % par simple jeux d'écritures comptables n'ont généré aucun flux financier, ont été neutralisées fiscalement au sein du groupe et n'ont eu aucune incidence sur la structure capitalistique du groupe, hormis le fait que la société Ateliers LR Etanco, filiale opérationnelle, est devenue holding d'autres sociétés du groupe. En revanche, ces opérations ont permis à la SARL Imom International, qui se trouvait en situation de sous-capitalisation, d'augmenter artificiellement ses capitaux propres pour satisfaire les ratios d'endettement et de couverture d'intérêts prévus au II de l'article 212 du code général des impôts et, ainsi, déduire intégralement la charge des intérêts versés à des sociétés liées.
11. Pour justifier de l'intérêt de cette succession d'opérations, la SAS Financière Echezeaux fait valoir que la distribution de 43,9 millions d'euros avait pour but de lui éviter de faire face à l'exigibilité anticipée de sa dette bancaire aux termes du contrat de financement conclu en 2008 dans le cadre du rachat du groupe Etanco, qui exigeait, en son article 21, que la SARL Imom International dispose à tout moment d'un montant de capitaux propres suffisants afin de respecter les règles de sous-capitalisation applicables. Selon elle, cette opération ne constituerait pas une opération isolée et exceptionnelle, mais s'inscrirait dans le cadre d'une pratique plus large de distributions permettant à la SARL Imom International de respecter cet engagement. Elle ne produit toutefois pas plus en appel qu'en première instance, la preuve de ses allégations, alors que le service a justement relevé qu'à la clôture de l'exercice au 31 mars 2011, abstraction faite de la distribution litigieuse, les capitaux propres de la SARL Imom International auraient néanmoins été supérieurs à la moitié de son capital social, au sens de l'article L. 225-248 du code de commerce, ce qui satisfaisait ses obligations légales. Si la société requérante conteste le caractère artificiel des opérations litigieuses, elle n'avance aucun autre motif économique, financier ou juridique de nature à les justifier, alors que la restructuration capitalistique des sociétés Plastiform's et Ateliers LR Etanco aurait pu être réalisée par une simple incorporation au capital de leurs réserves ou de leur bénéfice. Dans ces circonstances, la société requérante ne contredit pas les constatations de l'administration fiscale dont il résulte que l'augmentation faciale des capitaux propres de la SARL Imom International par des jeux d'écriture comptable, sans désendettement, ni apport de financements nouveaux, ni recapitalisation effective des sociétés distributrices, va à l'encontre de l'objectif du législateur visant à contenir l'endettement intra-groupe, et procède d'un montage artificiel élaboré sans autre finalité que d'éluder ou d'atténuer l'impôt.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; / (...) ".
13. L'information qui doit être donnée à la société mère d'un groupe fiscal intégré avant la mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de rectification qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de rectification concernés. Elle doit toutefois comporter, en ce qui concerne les pénalités, l'indication de leur montant, comme le prévoit l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, et des modalités de détermination mises en œuvre par l'administration, lesquelles constituent une garantie permettant à la société mère de contester utilement les sommes mises à sa charge.
14. Il résulte de l'instruction que la notification des conséquences financières adressée le 17 septembre 2018 à la société Echezeaux Finance en sa qualité de mère intégrante mentionne un montant d'impôt sur les sociétés en droits de 1 970 367 euros, et une " majoration pour abus de droit : 80% (article 1729) " de 1 158 140 euros et, de même, un montant de contribution sociale en droits de 65 023 euros, majoré de 38 219 euros au titre des mêmes dispositions, sans préciser les modalités de détermination de ces pénalités, alors que leur montant n'est pas égal à 80 % des droits rappelés. Dans ces conditions, l'information qui lui a été donnée ne permettant pas de comprendre les modalités de détermination de la pénalité mises en œuvre par l'administration, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle a été privée d'une garantie et à demander la décharge de la majoration mise à sa charge.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Financière Echezeaux est fondée seulement à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge de la pénalité de 80 % des droits éludés.
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La SAS Financière Echezeaux est déchargée de la majoration pour abus de droit mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012.
Article 2 : Le jugement n° 1905816 du 28 septembre 2021 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Financière Echezeaux la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Financière Echezeaux est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière Echezeaux et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Versol, présidente de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2023.
La rapporteure,
O. DORION La présidente,
F. VERSOLLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 21VE03124