Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mlle I...C...et M. B...D...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 11 février 2014 par lequel le maire de Beaumont La Ronce (Indre-et-Loire) a délivré à M. F...G...un permis de construire pour le réaménagement d'une maison d'habitation et son extension ainsi que la démolition d'un appentis au lieu-dit " les Petites Poupinières ".
Par un jugement n° 1500206 du 14 juin 2016, le tribunal administratif d'Orléans a annulé ce permis de construire.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 août 2016 et 5 septembre 2017, M. F... G..., représenté par MeH..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 14 juin 2016 ;
2°) de rejeter la demande de Mlle C...et de M.D... ;
3°) de mettre à la charge de Mlle C...et M. D...le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- pour annuler le permis au motif que l'extension de la construction induite par le projet dépassait 50 % de l'existant, les premiers juges ont accueilli un moyen qui n'était pas soulevé par les demandeurs de première instance et aucun élément n'était versé au dossier permettant de caractériser un dépassement de 50 % de l'emprise ;
- contrairement à ce que soutiennent les consorts C...-D..., le permis est exempt de vice de procédure et a été accordé après recueil des avis prévus par les lois et règlements
- le projet en cause constitue la réhabilitation d'un immeuble existant ; il n'y a ni nouvelle construction, ni changement de destination ; en conséquence les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ne trouvent pas à s'appliquer ;
- la preuve de l'existence de cavités souterraines n'est nullement rapportée et il n'y a pas de problème relativement à l'alimentation en eau ;
- en ce qui concerne la surface de plancher, les consorts C...-D... font un amalgame entre un précédent projet, refusé, et le permis de construire en litige.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 septembre 2016 et 22 décembre 2017, Mlle C...et M.D..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge d'une part de M. G...et d'autre part de la commune de Beaumont La Ronce au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande de première instance était bien recevable quant aux délais et à leur intérêt à agir ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2017, la commune de Beaumont La Ronce, représentée par MeA..., a présenté des observations.
Elle fait valoir que les moyens développés par les consorts C...-D... ne sont pas fondés et qu'à titre subsidiaire la cour devrait sursoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- les observations de Me Le borgne substituant Me A...représentant la commune de Beaumont La Ronce.
1. Considérant que M. G...relève appel du jugement en date du 14 juin 2016 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de Mlle C...et de M.D..., annulé l'arrêté du 11 février 2014 par lequel le maire de Beaumont La Ronce (Indre-et-Loire) lui a délivré un permis de construire pour l'aménagement et l'extension d'un bâtiment à usage d'habitation au lieu-dit " Les Petites Poupinières " ;
2. Considérant que, pour annuler le permis en cause, les premiers juges ont estimé qu'en faisant valoir que " l'extension a été autorisée au mépris de la législation en vigueur puisque sa superficie excède 50 % de l'emprise du bâtiment existant ", Mlle C...et M. D...avaient entendu se prévaloir des dispositions de l'article N2 du plan local d'urbanisme de la commune de Beaumont La Ronce, lesquelles n'admettaient dans le secteur Nh du projet que des extensions mesurées ; que toutefois, et dès lors les demandeurs ne se sont référés dans aucun de leurs mémoires de première instance à cette partie du règlement, pas plus qu'ils n'ont fait référence à la notion d'" extension mesurée ", le tribunal administratif a fondé l'annulation du permis en litige sur un moyen de droit qui n'était pas soulevé devant lui ; que M. G...est dès lors fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque est irrégulier et doit être annulé ;
3. Considérant, dans les circonstances de l'espèce, qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer et d'examiner les moyens présentés par Mlle C...et M. D...devant le tribunal administratif d'Orléans et devant la cour ;
Sur les fins de non recevoir opposées à la demande de première instance :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 " ; que si la commune oppose une fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande, les requérants font valoir qu'il n'y avait pas d'affichage sur le terrain et qu'ils n'ont découvert l'existence de l'acte attaqué que lors du début des travaux de démolition ; que M. G...produit un constat d'huissier justifiant de l'affichage sur le terrain le 7 novembre 2014 et le 5 décembre 2014 ; qu'aucun élément du dossier n'indique que cet affichage aurait été réalisé antérieurement ; que, dès lors, les délais de recours n'étaient pas expirés lorsque Mlle C...et M. D...ont formé un recours gracieux le 17 septembre 2014, puis, après le rejet de celui-ci le 8 janvier 2015, introduit une demande contentieuse enregistrée le 16 janvier 2015 ; que, dès lors, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande doit être écartée ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation " ;
6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
7. Considérant que les consorts D...-C... soutiennent, sans être démentis, que les bâtiments dont M. G...veut entreprendre la transformation constituent les anciennes dépendances de leur propre habitation et se situent à proximité immédiate de leur lieu de vie, la présence d'une habitation à cet endroit affectant directement les conditions d'occupation du bien qu'ils détiennent ; qu'ils ont d'ailleurs versé au dossier des photographies de nature à établir cette proximité ; qu'en ce qui concerne les défendeurs, M.G..., bénéficiaire du permis attaqué, ne conteste pas l'intérêt à agir des demandeurs, tandis que la commune de Beaumont La Ronce se borne à soutenir que la simple qualité de voisin ne suffit pas à établir un intérêt à agir, sans autre argumentation ; que dans ces circonstances M. D...et Mlle C...doivent être regardés comme justifiant d'une qualité leur donnant intérêt à agir à l'encontre du permis délivré le 11 février 2014 ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
8. Considérant, en premier lieu, que le projet en cause se situe en zone Nh du plan local d'urbanisme de la commune de Beaumont La Ronce, dans laquelle les dispositions de l'article N2 du règlement n'autorisent, à l'exclusion de toute construction nouvelle, que " la restauration, la réhabilitation, les annexes, l'extension mesurée et le changement de destination de bâtiments existants " ;
9. Considérant que le projet ici en cause prévoit la création de " surfaces de planchers " de 70 m², pour une construction qui en comptait au total 105 m², et représente ainsi une extension correspondant aux deux tiers de la surface existante ; qu'un tel accroissement ne peut être regardé comme une extension mesurée, seule autorisée par les dispositions précitées du plan ; que, dès lors, les requérants sont fondés à soutenir devant la cour que l'article N2 du plan local d'urbanisme a été méconnu ;
10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;
11. Considérant, d'une part, que la commune de Beaumont La Ronce n'est pas fondée à soutenir que ces dispositions seraient " inopérantes ", en l'absence de changement de destination, à l'encontre d'un projet de modification d'une maison d'habitation existante, dès lors qu'aux termes de l'article R. 111-1 du code de l'urbanisme les dispositions du règlement national d'urbanisme, dont fait partie l'article R. 111-2, " sont applicables aux constructions, aménagements, installations et travaux faisant l'objet d'un permis de construire " et ne figurent pas, aux termes du b) de ce dernier article, parmi les dispositions inapplicables dans les territoires dotées d'un plan local d'urbanisme ;
12. Considérant, d'autre part, que la commune de Beaumont La Ronce, qui reconnaît l'absence sur les lieux d'un point d'eau normalisé à une distance maximale de 400 mètres permettant une défense efficace contre l'incendie, invoque l'existence d'un " point d'eau naturel d'un volume minimum de 60 m3 " dont la propriété de M. G...serait dotée ; que toutefois il ne résulte pas de pièces du dossier que l'étang dont il s'agit, qui se situe en réalité sur la propriété d'un voisin, comporterait les caractéristiques et aménagements propres à son utilisation effective par les services d'incendie et de secours ;
13. Considérant, enfin, que la commune de Beaumont La Ronce se prévaut de ce que M. G...se serait engagé à créer sur son fond, outre une aire de retournement utilisable par les véhicules incendie, un bassin de retenue d'eau de 150 m3 qui " sera rempli par les eaux pluviales de l'habitation à l'aide d'une pompe de relevage et éventuellement d'un complément par le réseau d'eau potable privé " ; que toutefois, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande que M. G...a déposée en ce sens le 4 mai 2016 aurait fait l'objet d'un permis de construire modificatif susceptible de régulariser son projet sur ce point ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le maire de Beaumont La Ronce ne pouvait délivrer un permis de construire à M. G...sans méconnaître les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et celles de l'article N2 du plan local d'urbanisme de cette commune ; que compte tenu de ces motifs, qui sont les seuls susceptibles, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de cette autorisation, il n'y a pas lieu de prononcer un sursis à statuer dans les conditions prévues à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; que M. D...et MlleC... sont dès lors fondés à demander l'annulation de cette autorisation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D...et MlleC..., qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de parties perdantes, la somme que demande M. G...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. G... le versement d'une somme au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 14 juin 2016 est annulé.
Article 2 : Le permis de construire du 11 février 2014 est annulé.
Article 3 : Les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. F... G...ainsi que celles de M. D...et Mlle C...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...G..., à Mlle I...C..., à M. B...D...et à la commune de Beaumont La Ronce.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2018.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des Territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02720