Vu la requête, enregistrée le 5 août 2006, présentée pour la SOCIETE VITRY HABITAT, dont le siège social est 11 bis rue de la Pépinière à Vitry-le-François (51300), par Me Pautonnier, avocat ;
La SOCIETE VITRY HABITAT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0301793 en date du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à annuler la décision du
8 septembre 2003 par laquelle le maire de Frignicourt a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'édification de quatre logements ;
2°) de faire droit auxdites conclusions ;
3°) de mettre une somme de 1 500 € à la charge de la commune de Frignicourt au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que la décision de refus repose sur une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son auteur a confondu le silo à céréales, qui constitue un établissement classé, et le magasin de stockage d'engrais solides, qui n'est pas une installation classée ;
- que ladite décision est entachée de violation de la loi, dès lors que le site retenu pour la construction litigieuse est à l'extérieur du périmètre d'isolement défini par arrêté préfectoral et que l'arrêté ministériel du 10 janvier 1994, qui prévoit des règles de distance par rapport aux habitations, n'est pas applicable au magasin de stockage d'engrais ;
- que la DRIRE n'a pu légalement fonder son avis défavorable sur le fait que l'étude du stock d'engrais n'a pas été encore examinée dès lors qu'aucune suite n'a été donnée à cette étude ;
- que les divers arguments énoncés à l'encontre du projet par la commune de Frignicourt sont infondés ;
- que, dès lors que le terrain a été classé en zone UB, le permis de construire ne pouvait être refusé sur le fondement des dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à l'arrêté de lotir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2007, présenté pour la commune de Frignicourt, par Me Sammut ;
La commune de Frignicourt conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 € soit mise à la charge de la SOCIETE VITRY HABITAT au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les moyens énoncés par la SOCIETE VITRY HABITAT ne sont pas fondés ;
Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la cour, fixant la clôture de l'instruction au 15 octobre 2007 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 novembre 2007 :
- le rapport de M. Vincent, président,
- et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : « Le permis de construire peut être refusé…si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique » ;
Considérant que, sur le fondement des dispositions susrappelées, le maire de la commune de Frignicourt a, par décision du 8 septembre 2003, refusé le permis de construire demandé par la SOCIETE VITRY HABITAT pour quatre logements en invoquant la circonstance que « le projet se situe dans la première zone d'isolement du silo (334 mètres pour un ordre de pression de 140 m bars) où il ne peut être envisagé la construction de nouveaux logements » ;
Considérant en premier lieu qu'il ressort des écritures de la commune de Frignicourt que, par la motivation susénoncée, le maire a entendu se conformer à l'avis défavorable émis par la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, en vertu duquel l'établissement exploité par la Coopérative Champagne Céréales, situé à proximité et composé notamment de silos à grains et d'un magasin de stockage d'engrais solides, présente un risque lié à l'existence dans ce dernier de cloisons séparatives en bois, de sorte qu'il convenait d'instaurer une zone de sécurité d'un rayon de 334 mètres pour un ordre de pression de 140 m bars et de 736 mètres pour un ordre de pression de 50 m bars, à l'intérieur de laquelle se situait le projet ; que la circonstance que l'arrêté susmentionné, qui doit ce faisant être regardé comme ayant entendu viser l'ensemble constitué par les silos et leurs annexes, ait cité uniquement « le silo », comme il vient d'être dit, alors que l'avis précité estime que les distances de sécurité applicables aux silos, pris isolement, sont respectées en l'espèce eu égard à la réglementation qui leur est propre, est sans incidence sur sa légalité ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'existence d'un risque lié à la propagation d'un incendie se déclarant dans le magasin de stockage d'engrais n'est pas contestable ni contesté dans son principe même ; que la circonstance que l'étude de ce risque, entreprise postérieurement à l'étude initiale des dangers présentés par l'établissement en cause, qui n'y faisait aucune allusion, n'était pas achevée à la date de la décision litigieuse, voire n'aurait jamais été achevée, et que, par voie de conséquence, les zones d'isolement définies par l'avis susrappelé de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement relèvent d'une première évaluation effectuée par ce service en attente d'un examen plus approfondi de la question par l'inspection des installations classées est sans incidence sur le bien-fondé de la décision attaquée ; que la société requérante ne saurait davantage utilement invoquer le fait que le danger présenté par le magasin de stockage résulterait d'une méconnaissance par l'exploitant de la réglementation d'Etat en vigueur sur ce point, dès lors que le maire, dont la décision a au demeurant été prise au nom de la commune, ne peut que se prononcer en fonction de la situation de fait constatée au jour de sa décision, fût-elle la résultante d'une inexécution de ses obligations par l'exploitant de l'installation voisine de la construction envisagée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des vues aériennes de l'établissement présentées par la commune, rapprochées de l'emplacement et des dimensions de la parcelle d'assiette du projet tels qu'ils ressortent du dossier de permis de construire, que, quelle que soit la localisation exacte du magasin de stockage au sein de l'établissement de la Coopérative Champagne Céréales, celui-ci est dans son intégralité situé à moins de 334 mètres du projet ; que, par suite, la SOCIETE VITRY HABITAT ne saurait contester l'exactitude des mentions de la décision attaquée à cet égard ;
Considérant, en quatrième lieu, que les risques mentionnés par l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ont pu être légalement opposés à la demande de la SOCIETE VITRY HABITAT alors même que la parcelle d'assiette du projet en cause est classée en zone constructible du plan local d'urbanisme ;
Considérant, en dernier lieu, que la société requérante ne saurait utilement invoquer les dispositions alors en vigueur de l'article R. 315-39 du code de l'urbanisme, en vertu desquelles le permis de construire ne peut être refusé sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement lorsque le projet respecte les dispositions d'urbanisme du plan local d'urbanisme, dès lors que les dispositions de l'article R. 111-2, seules opposées en l'espèce par la commune, sont antérieures aux dispositions particulières du plan local d'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE VITRY HABITAT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision sus-rappelée du maire de Frignicourt ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a par ailleurs lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à hauteur de 1 000 € aux conclusions de la commune de Frignicourt formées à ce titre ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE VITRY HABITAT est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE VITRY HABITAT versera à la commune de Frignicourt une somme de 1 000 € (mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE VITRY HABITAT et à la commune de Frignicourt.
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06NC01132