Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme ELMOWAREKont demandé au Tribunal administratif de Paris, sous les numéros 1520914/1-2 et 1700129/1-2, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement nos 1520914/1-2, 1700129/1-2 du 6 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes, après les avoir jointes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 5 et 20 juillet 2017, le 20 décembre 2017 et le 12 mars 2018, M. et Mme ELMOWAREK, représentés par Me Mansart, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1520914/1-2, 1700129/1-2 du 6 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre une somme de 15 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conditions d'application de l'article 155 A du code général des impôts n'étaient pas remplies ;
- il est d'usage de recourir à une cascade de sous-traitants dans les activités d'ingénieur conseil, pour ce type d'opérations industrielles ;
- à compter de 2008, afin de pouvoir développer sa propre activité de consultant directement auprès du groupe Glaxo, M. ELMOWAREKa renoncé à percevoir les rémunérations que devait lui reverser la société Tradeatweb ;
- ils sont en droit de demander le bénéfice de la mesure de tempérament, selon laquelle il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 155 A du code général des impôts lorsque la réalité des services rendus par une personne morale étrangère est établie de façon indiscutable, notamment dans le cadre d'une activité de cabinet telle qu'ingénieur conseil ;
- les sommes perçues par la société Tradeatweb font l'objet d'une double imposition ;
- les dépenses de back-office supportées par la société Tradeatweb et les bénéfices de cette dernière doivent être soustraits des bases d'imposition qui leur ont été assignées.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 septembre 2017 et le 2 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conditions d'application de l'article 155 A du code général des impôts étaient remplies ;
- les explications des requérants quant au contexte des opérations et à la rémunération de M. ELMOWAREKsont peu crédibles ;
- la double imposition alléguée n'est pas établie ;
- les pièces produites ne permettent pas d'établir que la société Tradeatweb aurait supporté en Inde et au Pakistan des dépenses de sous-traitance indissociables des travaux confiés à M. ELMOWAREKet devant être déduites des sommes versées par la société Factea, pour la détermination des montants imposables au nom de M. ELA.ou établie hors de France
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public,
- et les observations de Me Mansart, avocat de M. et Mme ELA.ou établie hors de France
Une note en délibéré, enregistrée le 18 mai 2018, a été présentée par Me Mansart, pour M. et Mme ELA.ou établie hors de France
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un contrat d'assistance signé le 6 avril 2007, les Laboratoires Sterilyo, du groupe GlaxoSmithKline (GSK), ont confié à la société Factea, dont le siège est en France, une mission d' " acheteur investissement " consistant à optimiser les coûts de la construction d'une usine pharmaceutique par le groupe GSK à Saint-Amand-les-Eaux, dans le département du Nord ; que le contrat prévoyait que la mission serait exécutée par M. ELMOWAREK, désigné dans le contrat comme le " délégué " du " prestataire de services ", c'est-à-dire de la société Factea ; que, par un contrat de prestation de services du 6 avril 2007, cette dernière a sous-traité à la société Tradeatweb, dont le siège social est au Liban, la mission qui lui avait été confiée par le groupe GSK ; que ce contrat prévoyait que le consultant qui interviendrait serait M. ELMOWAREK ; que, par un contrat du 30 mars 2007, modifié par un avenant du 30 mars 2008, la société Tradeatweb a sous-traité la mission d'assistance à la SARL Byblos Consulting et Services, implantée en France et dont M. ELMOWAREKest le gérant et l'unique associé ; que dans le cadre de ces différents contrats, M. ELMOWAREKa exécuté de 2007 à 2011 la mission d'assistance au profit du groupe GSK ; qu'à ce titre et en rémunération de ses services, la société Factea a versé à la société Tradeatweb des sommes s'élevant à 107 900 euros, 173 470 euros, 211 962 euros, 184 260 euros et 120 350 euros, respectivement au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 ; que la société Factea a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a estimé que M. ELMOWAREKavait exercé de manière occulte une activité indépendante d'ingénieur consultant au profit du groupe GSK, sous couvert de la société libanaise Tradeatweb ; que, faisant application des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, elle a réintégré dans les revenus de M. et Mme ELMOWAREKles sommes ci-dessus mentionnées, facturées de 2007 à 2011 par la société Tradeatweb à la société Factea ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en résultant, établies au titre des années 2007 à 2011, ont été assorties de la majoration de 80 % prévue par l'article 1728 du code général des impôts, en cas de découverte d'une activité occulte ; que, par la présente requête, M. et Mme ELMOWAREKrelèvent appel du jugement en date du 6 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions et de ces pénalités ;
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de Franceen rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie hors de Franceoù elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A " ; que les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ou établie hors de Francene trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte ;
3. Considérant que le contrat de prestation de services du 6 avril 2007 conclu entre les sociétés Factea et Tradeatweb a pour objet les prestations rendues par le consultant F...A..., lesquelles apparaissent ainsi comme l'élément central du contrat ; que si le forfait journalier de 830 euros hors taxes facturé par la société Tradeatweb en exécution du contrat ne correspond pas seulement à la rémunération de M. MOWAREKmais inclut également des dépenses de " back office " supportées par la société Tradeatweb, réglées par elle à la société indienne Consolated Engeneering Services et à la société pakistanaise Blink, il résulte des pièces du dossier que ces prestations de back office, qui consistaient à concevoir des logiciels informatiques analysant les offres de prix des fournisseurs du groupe GSK afin de déceler la meilleure offre, étaient nécessaires à l'accomplissement de la mission de M. ELMOWAREK, lequel était ingénieur chargé des achats pour le projet conduit par le groupe GSK à Saint-Amand-les-Eaux ; que, dans ces conditions, l'administration établit que le service rendu par M. ELMOWAREKconstitue la composante essentielle de la prestation facturée par la société Tradeatweb et que cette facturation ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière ;
4. Considérant qu'il résulte d'une attestation en date du 11 juillet 2012 établie par le gérant de la société Tradeatweb, produite par les requérants eux-mêmes et d'une réponse, en date du 22 janvier 2013, de l'administration fiscale libanaise à un droit de communication exercé par l'administration fiscale française, que la société Tradeatweb exerçait une activité de cabinet d'ingénieur conseil ; que si les requérants produisent devant la Cour deux attestations qu'ils ont obtenues auprès du ministère des finances libanais, établies les 7 août 2017 et 8 mars 2018, ces documents se bornent à indiquer succinctement que la société Tradeatweb " avait pratiqué une activité commerciale comme l'achat et la vente de programmes informatiques " et que " l'activité prépondérante de la société est une activité commerciale " et ne comportent aucune indication chiffrée ; qu'ils ne permettent donc pas d'établir que cette activité commerciale aurait été prépondérante par rapport à l'activité d'ingénieur conseil ; que si les requérants produisent également une attestation du 4 mars 2015 du commissaire aux comptes de la société Tradeatweb faisant apparaître des " activités commerciales " générant des chiffres d'affaires plus importants que ceux de l'activité d'ingénieur conseil, ce document, qui ne précise pas la nature des activités commerciales en cause, ne présente pas un caractère probant suffisant pour établir l'existence d'une activité commerciale prépondérante ; que, dans ces conditions, M. ELMOWAREKn'établit pas, comme les dispositions précitées de l'article 155 A lui en font l'obligation, que la société Tradeatweb aurait exercé, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; que la circonstance que les services rendus par cette société au profit du groupe GSK n'auraient pas représenté la majeure partie de son chiffre d'affaires est sans incidence sur la possibilité d'appliquer, en l'espèce, les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, l'une des trois conditions prévues par les dispositions précitées du I de l'article 155 A du code général des impôts étant remplie, l'administration était fondée à mettre en oeuvre les dispositions en cause pour imposer au nom de M. ELMOWAREKles sommes versées par la société Factea à la société Tradeatweb ; que la circonstance qu'il serait d'usage de recourir à une cascade de sous-traitants dans les activités d'ingénieur conseil n'a aucune incidence en l'espèce sur la possibilité d'appliquer l'article 155 A du code général des impôts ; qu'il en va de même du fait qu'à compter de 2008, afin de pouvoir développer sa propre activité de consultant directement auprès du groupe Glaxo, M. ELMOWAREKaurait renoncé à percevoir les rémunérations que devait lui reverser la société Tradeatweb, l'application de l'article 155 A n'étant pas subordonnée à l'appréhension effective des rémunérations par le prestataire des services rendus en France ;
6. Considérant que M. et Mme ELMOWAREKdemandent le bénéfice de la mesure de tempérament, prévue notamment par une instruction du 1er août 2001 publiée dans la documentation administrative de base 5 B-641 n° 13, selon laquelle " il n'y a pas lieu non plus, en principe, d'appliquer l'article 155 A du code général des impôts lorsque la réalité des services rendus par une personne morale étrangère est établie de façon indiscutable, notamment dans le cadre d'une activité de cabinet " telle qu'ingénieur conseil ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3 qui précède que les services ont été rendus pour l'essentiel par M. ELMOWAREKet que la facturation par la société libanaise Tradeatweb ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière ; que, dès lors, les requérants ne peuvent revendiquer le bénéfice de cette instruction ;
7. Considérant qu'il est constant que M. ELMOWAREKn'a pas déclaré en France les rémunérations versées par la société Tradeatweb ; qu'ainsi qu'il a été dit, il soutient lui-même avoir renoncé à percevoir ces rémunérations à compter de l'année 2008 ; que le moyen tiré de ce que ces sommes seraient doublement imposées en France, une fois au titre du droit commun, en tant que rémunérations déclarées, une autre fois sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts, doit dès lors être écarté ; que, par ailleurs, la circonstance que ces sommes feraient l'objet d'une double imposition économique, en France, au nom de M. et Mme ELMOWAREKet au Liban, au nom de la société Tradeatweb, n'a aucune incidence sur le bien-fondé des impositions assignées à M. et Mme ELMOWAREK ;
8. Considérant, en revanche, que les requérants sont fondés à soutenir que les sommes perçues par la société Tradeatweb ne sont imposables entre leurs mains que dans la mesure où elles couvrent le service rendu par M. ELMOWAREK ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, le forfait journalier de 830 euros hors taxes facturé par la société Tradeatweb à la société Factea ne couvre pas seulement les rémunérations de M. EL MOWAREK mais également des dépenses de back-office, réglées par la société Tradeatweb à la société indienne Consolated Engeneering Services puis à la société pakistanaise Blink ; que les requérants justifient notamment par la production des contrats passés entre la société Tradeatweb et ces deux sociétés, et des factures établies par celles-ci, que ces dépenses se sont élevées à 71 263 euros, 90 195 euros, 94 402 euros, 81 778 euros et 13 568 euros, respectivement au titre des années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011 ; qu'il convient en conséquence de déduire ces sommes des bases d'imposition, s'élevant à 107 900 euros, 173 470 euros, 211 962 euros, 184 260 euros et 120 350 euros, assignées au titre des mêmes années à M. et Mme ELMOWAREK ;
9. Considérant que les requérants demandent également que le bénéfice de la société Tradeatweb soit soustrait des bases d'imposition qui leur ont été assignées ; qu'ils évaluent forfaitairement ce bénéfice à 25 % du chiffre d'affaires réalisé avec la société Factea, sans fournir toutefois aucun élément de nature à justifier ce pourcentage ; que leur demande sur ce point ne peut dès lors qu'être rejetée ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme ELMOWAREKsont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas réduit les bases d'imposition qui leur ont été assignées, à concurrence des sommes mentionnées au point 8 ;
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme ELMOWAREKau titre des années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011, s'élevant respectivement à 107 900 euros, 173 470 euros, 211 962 euros, 184 260 euros et 120 350 euros, sont réduites respectivement des sommes de 71 263 euros, 90 195 euros, 94 402 euros, 81 778 euros et 13 568 euros.
Article 2 : Il est accordé à M. et Mme ELMOWAREKune décharge, en droits et pénalités, correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement nos 1520914/1-2-1700129/1-2 du 6 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. et Mme ELMOWAREKau titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme ELMOWAREKest rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme ELMOWAREKet au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique ouest).
Délibéré après l'audience du 17 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA02260