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11/04/2023 | FRANCE | N°22PA01762

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 11 avril 2023, 22PA01762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'avis à tiers détenteur en date du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin pour un montant de 1 605,64 euros ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1902158 du 24 novembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2022, Mme C..., représentée par Me Lacroix, de

mande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902158 du 24 novembre 2021 du Tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'avis à tiers détenteur en date du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin pour un montant de 1 605,64 euros ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1902158 du 24 novembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2022, Mme C..., représentée par Me Lacroix, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902158 du 24 novembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 605,64 euros résultant de l'avis de saisie administrative à tiers détenteur en date du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Lacroix au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- faute de justificatifs de l'émission des titres de recette, de leurs dates et des modalités de leurs notifications, la trésorerie municipale de Pantin n'établit pas que les créances énumérées par l'avis à tiers détenteur du 20 janvier 2019 n'auraient pas été établies dans un délai n'excédant pas cinq années à compter de leur fait générateur et qu'elles ne seraient ainsi pas prescrites ;

- si le bordereau de situation produit par la trésorerie municipale de Pantin fait état d'actes interruptifs du délai de prescription, ces derniers ne peuvent être pris en considération en l'absence de justification des titres de recette ;

- la trésorerie municipale de Pantin n'établit pas lui avoir régulièrement notifié les mesures conservatoires dont elle se prévaut pour justifier de l'interruption de la prescription de son action ; dans ces conditions, l'action de la trésorerie municipale de Pantin est prescrite.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2022, la direction générale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier du 9 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office les moyens d'ordre public suivants :

1) En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions de première instance tendant à l'annulation de la saisie administrative à tiers détenteur du 20 janvier 2019 : en application de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, le contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales relève de la compétence du juge de l'exécution tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances relève de celle du juge administratif compétent pour en connaître sur le fond (Tribunal des conflits, 14 juin 2021, n° 4212). Le moyen d'ordre public envisagé est tiré de ce que la contestation de l'avis de saisie administrative à tiers détenteur du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin tirée de la prescription de l'action en recouvrement portait sur l'exigibilité de la somme réclamée, qu'elle devait par conséquent être portée devant le juge de l'exécution et qu'ainsi la juridiction administrative est incompétente pour en connaître.

2) En ce qui concerne le bien-fondé du jugement en tant qu'il a statué sur les conclusions de la requête contestant le bien-fondé de la créance : selon l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, " l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Pour contester le bien-fondé de la somme qu'elle avait été mise en demeure de payer par un courrier dont elle avait été avisée le 31 janvier 2017, l'intéressée a saisi le tribunal administratif le 27 février 2019 d'une demande qui tendait à la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 605,64 euros résultant de l'avis de saisie administrative à tiers détenteur du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin. Le moyen d'ordre public envisagé est tiré de ce que, à cette date du 27 février 2019, le délai raisonnable d'un an prévu par la jurisprudence Czabaj du Conseil d'État (13 juillet 2016, n° 87763) qui a couru à compter du 31 janvier 2017, date à laquelle l'intéressée a été avisée de la mise en demeure de payer qui doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée, était expiré et qu'ainsi les conclusions de première instance tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 605,64 euros ont été présentées tardivement par Mme C....

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 14 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'avis de saisie administrative à tiers détenteur du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin pour un montant de 1 605,64 euros représentant des factures de prestations périscolaires non réglées pour la période de mars 2009 à septembre 2010 ainsi que la décharge de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement du 24 novembre 2021, dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. Mme C... doit être regardée comme demandant également l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 20 janvier 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable en l'espèce : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. 2° La contestation qui porte sur la régularité d'un acte de poursuite est présentée selon les modalités prévues à l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. (...) ".;

3. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction résultant de la loi du 28 décembre 2017 : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances, amendes, condamnations pécuniaires et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / [...] / Les contestations relatives au recouvrement ne peuvent pas remettre en cause le bien-fondé de la créance. Elles peuvent porter : / 1° Sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° A l'exclusion des amendes et condamnations pécuniaires, sur l'obligation au paiement, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués et sur l'exigibilité de la somme réclamée. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés dans le cas prévu au 1° devant le juge de l'exécution. Dans les cas prévus au 2°, ils sont portés: / [...] / c) Pour les créances non fiscales des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, devant le juge de l'exécution. "

4. Il ressort de ces dispositions que l'ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l'exécution, tandis que le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond.

5. Mme C..., qui soutient devant la Cour que l'action en recouvrement diligentée à son encontre pour un montant de 1 605,64 euros correspondant au montant des factures de prestations périscolaires non réglées pour la période de mars 2009 à septembre 2010 est tardive au motif que la trésorerie municipale de Pantin ne justifie pas avoir procédé à des actes interruptifs du délai de prescription ni qu'ils lui auraient été régulièrement notifiés, doit être regardée comme reprenant en appel ses conclusions tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin. De telles conclusions portant ainsi sur l'exigibilité de la créance et la régularité de l'opération de recouvrement, non sur le bien-fondé de la créance, relèvent du contentieux du recouvrement dont le juge de l'exécution est compétent pour en connaître.

6. Il y a lieu, dès lors, d'annuler pour irrégularité le jugement du 24 novembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil, en tant que, par ce jugement le tribunal a statué sur les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin pour le motif tiré de la prescription de l'action en recouvrement, sans opposer à ces conclusions l'incompétence de la juridiction administrative.

7. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 20 janvier 2019 et par la voie de l'effet dévolutif sur le bien-fondé de la créance.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'avis à tiers détenteur du 20 janvier 2019 :

8. Ainsi qu'il est énoncé aux points 4 et 5, le litige relatif à cet acte de poursuites ne relève pas de la juridiction administrative et il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions dirigées contre ce dernier comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur le bien-fondé de la créance :

9. Il ressort des dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, citées au point 2, que l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de cette créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.

10. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

11. La trésorerie municipale de Pantin produit pour la première fois en appel l'avis de réception du pli recommandé contenant une mise en demeure de payer la somme en litige adressée à Mme C... portant la mention " présenté / avisé le 31 janvier 2017 " et sur lequel la case " pli avisé et non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, était cochée. Compte tenu de ces mentions précises, claires et concordantes, la mise en demeure de payer doit être regardée comme ayant été régulièrement notifiée à Mme C.... Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette mise en demeure, qui est le premier acte de poursuite porté à la connaissance de l'intéressée, comportait la mention des voies et délais de recours. Dans ces conditions, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait Mme C..., elle ne pouvait exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable qui ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle la mise en demeure lui a été régulièrement notifiée. Il s'ensuit que les conclusions de Mme C... tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 605,64 euros, enregistrées au greffe du Tribunal administratif de Montreuil le 27 février 2019, étaient tardives et, par suite, irrecevables.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 605,64 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

13. L'Etat n'étant pas la partie perdante à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge la somme que demande Me Lacroix, avocat de Mme C..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 novembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin.

Article 2 : La demande de Mme C... tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 20 janvier 2019 émis par la trésorerie municipale de Pantin est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaitre.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la direction générale des finances publiques de la Seine-Saint-Denis (trésorerie municipale de Pantin).

Copie en sera adressée à la commune de Pantin.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

La rapporteure,

V. B... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01762 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01762
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET LEGITIA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-11;22pa01762 ?
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