Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie des Fontaines a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 15 janvier 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé le regroupement de la pharmacie du Soleil et de la pharmacie de la Poste, sises à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, au sein d'un nouveau local situé dans cette même commune, ensemble la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté son recours hiérarchique contre la décision du 15 janvier 2020.
Par un jugement n° 2002713 du 13 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de la SELARL Pharmacie des Fontaines.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 décembre 2022 et 7 avril 2023, la SELARL Pharmacie des Fontaines, représentée par Me Daver et Me Fontaine, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 13 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler la décision du 15 janvier 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé le regroupement de la pharmacie du Soleil et de la pharmacie de la Poste ;
3°) de rejeter toute demande présentée par la pharmacie de la Laouve ;
4°) de mettre à la charge de la partie succombante la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'elle a été déposée par la personne morale exploitant la pharmacie des Fontaines, agissant par l'intermédiaire de son représentant légal, et qu'elle justifie d'un intérêt à agir ;
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique et résultant de ce que l'agence régionale de santé n'a pas examiné les incidences du départ des deux officines sur la desserte officinale du quartier d'implantation d'origine ;
- les dispositions des articles L. 5125-3-1 et L. 5125-3-2 du code de la santé publique ont été méconnues dès lors qu'il a été considéré, à tort, que le déplacement effectué l'était au sein du même quartier, la délimitation du quartier opérée par l'agence régionale de santé ne présentant aucune unité géographique, ne reposant sur aucune population résidente à proximité, et étant dépourvue de toute cohérence ;
- la décision méconnaît le 1° de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique dès lors qu'il n'existe aucune liaison de bus entre les locaux d'origine et le nouveau local, que les deux officines regroupées étaient bien en charge d'une population importante qui va être impactée par leur départ, et qu'en présence d'allongements significatifs du temps de parcours pour rejoindre la pharmacie de la Basilique ou celle issue du regroupement et du fait de conditions d'accès non optimales, le tribunal ne pouvait pas admettre la possibilité de quitter le centre-ville ;
- les 1° et 2° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique ont également été méconnus en ce qui concerne l'optimisation de la desserte, d'une part, en raison de l'absence d'un accès aisé, d'autre part, de l'absence d'accès facilité, et, enfin, de l'absence de transport en commun reliant les anciens locaux au nouveau ;
- le 3° de cet article a également été méconnu s'agissant de la justification d'une population résidente concernée directement par le projet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2023, la SELARL pharmacie de la Laouve, représentée par Me Thiebaut, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle a été formée par la SELARL pharmacie des Fontaines qui n'a aucune existence légale ;
- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Un courrier du 7 avril 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.
Par une ordonnance du 28 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2023 après clôture de l'instruction, présenté par l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Daver, représentant la SELARL pharmacie des Fontaines,
- et les observations de Me Persico, subsituant Me Thiebaut, représentant la SELARL pharmacie de la Laouve.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 15 janvier 2020, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé le regroupement de la pharmacie du Soleil et de la pharmacie de la Poste, situées à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, au sein d'un nouveau local situé dans cette même commune, chemin de Prugnon. Par la présente requête, la pharmacie des Fontaines relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté son recours hiérarchique.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-1 de ce code : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. Le directeur général de l'agence régionale de santé mentionne dans l'arrêté prévu au cinquième alinéa de l'article L. 5125-18 le nom des voies, des limites naturelles ou des infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier ". Aux termes de l'article L. 5125-3-2 dudit code : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées aux articles L. 164-1 à L. 164-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs ". Et aux termes de l'article L. 5125-3-3 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 5125-3-2, le caractère optimal de la réponse aux besoins de la population résidente est apprécié au regard des seules conditions prévues aux 1° et 2° du même article dans les cas suivants : 1° Le transfert d'une officine au sein d'un même quartier, ou au sein d'une même commune lorsqu'elle est la seule officine présente au sein de cette commune ; 2° Le regroupement d'officines d'un même quartier au sein de ce dernier ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent, expressément rappelées au point 2 du jugement attaqué, que le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu par l'article L. 5125-3 du code de la santé publique doit être apprécié, en toute hypothèse, en tenant compte des conditions d'accès à la nouvelle officine, des conditions d'accessibilité mentionnées aux articles L. 164-1 à L. 164-3 du code de la construction et de l'habitation ainsi que des conditions minimales d'installation prévues par décret, et, seulement dans l'hypothèse où le regroupement d'officines d'un même quartier est effectué dans un nouveau local situé à l'extérieur du quartier d'origine, au regard des conditions d'approvisionnement de la population.
4. Pour écarter le moyen tiré de ce que, par la décision attaquée autorisant le regroupement de la pharmacie du Soleil et de la pharmacie de la Poste dans un nouveau local situé chemin de Prugnon sur le territoire de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, l'agence régionale de santé n'a pas examiné les incidences du départ des deux officines sur la desserte du quartier d'implantation, le tribunal administratif de Toulon a jugé que l'implantation du nouveau local devait être regardée comme étant réalisée à l'intérieur du même quartier que celui dans lequel étaient situées les deux officines, à savoir le quartier dit du centre-ville. Puis, tirant les conséquences de cette qualification, il a expressément écarté, comme étant inopérant, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui aurait été commise au regard du critère de l'approvisionnement de la population. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, il ressort de la décision attaquée que le directeur général de l'agence régionale de santé, après avoir délimité le quartier d'implantation de l'officine créée par regroupement de la pharmacie du Soleil et de la pharmacie de la Poste, " au Nord par l'A8, à l'Est par la D28/Chemin Rouge, au Sud par la voie de chemin de fer et à l'Ouest par la voie de chemin de fer/Chemin des Fontaines/DN7/D560/ruisseau des Fontaines ", a considéré qu'il s'agissait du même quartier que celui d'origine, à savoir le centre-ville de la commune de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume.
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment des vues aériennes produites par les parties, que l'emplacement de la nouvelle officine autorisée par l'arrêté en litige est situé au Nord de la zone dont il s'agit, plus précisément entre la route départementale 560 et le ruisseau des fontaines qui en constitue une limite naturelle, ainsi que l'autorisent les dispositions citées au point 2 de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique. S'il est constant que ce secteur est constitué d'une zone commerciale séparée du secteur résidentiel, au Sud, par la voie départementale précitée, il se situe néanmoins à proximité immédiate non seulement d'un établissement d'enseignement mais également de secteurs pavillonnaires situés tant à l'Ouest qu'au Sud de cette voie, qui ne constitue pas une limite infranchissable dès lors qu'elle est bordée par un cheminement et des passages piétons permettant un accès à pieds depuis le Sud du quartier, selon un temps de trajet, entre le site d'origine des officines et l'implantation du local de regroupement, compris entre dix et quatorze minutes seulement selon les plans produits par la pharmacie de la Laouve ainsi que les vues aériennes précisant les temps de parcours produits en première instance par l'agence régionale de santé. S'il est par conséquent exact qu'au sein du périmètre ainsi délimité, coexistent un secteur pavillonnaire, un secteur à vocation commerciale et un secteur à forte densité d'habitat, ces secteurs se jouxtent et ne sont pas séparés par des limites naturelles ou des obstacles urbains infranchissables. Il en résulte que rien ne faisait obstacle à ce que le directeur de l'agence régionale de santé regarde le quartier dont il s'agit comme constituant un ensemble suffisamment cohérent correspondant à une unité géographique au sens de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique. Au demeurant, si la société requérante soutient que la route départementale 560 aurait dû être retenue comme limite du quartier en lieu et place du ruisseau des fontaines, un tel choix aurait eu pour effet d'exclure du périmètre une zone géographique trop faible, tant au Nord qu'à l'Ouest de ladite voie, pour être qualifiée de quartier distinct au sens des dispositions précitées, alors même qu'elle comporte en partie, ainsi qu'il a été dit, une zone pavillonnaire. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation et par une exacte application des dispositions de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique que le directeur de l'agence régionale de santé, qui a pris en compte et correctement apprécié la présence d'une population résidente sur l'ensemble du secteur, a considéré que le lieu d'implantation de l'officine créée par le regroupement de la pharmacie du Soleil et de la pharmacie de la Poste est situé dans le même quartier que celui d'origine de ces établissements.
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'agence régionale de santé n'aurait pas pris en compte les conditions d'approvisionnement en médicaments de la population est inopérant et ne peut qu'être écarté.
8. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que le regroupement d'officines autorisé par l'arrêté en litige permet d'assurer une meilleure répartition de l'offre de service sur le territoire communal, notamment au Nord de celui-ci, sans obérer l'approvisionnement en médicaments de la population résidant plus au Sud, et notamment à proximité immédiate des précédents lieux d'implantation de la pharmacie du soleil et de la pharmacie de la Poste, dès lors que ses habitants auront toujours accès à la pharmacie de la Basilique, située à seulement
deux minutes à pied de celles-ci, voire même à la pharmacie appelante, située à seulement
cinq minutes à pied. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 1° de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique et du 3° de l'article L. 5125-3-2 de ce même code ne peut qu'être écarté.
9. En deuxième lieu, s'il est constant que l'officine créée par l'effet du regroupement autorisé par la décision attaquée n'est pas desservie par un réseau de transport en commun, il ressort des pièces du dossier que l'accès à celle-ci doit être regardé comme suffisamment aisé, au sens des dispositions citées au point 2 du 1° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique, eu égard tant à sa visibilité qu'aux aménagements dédiés aux piétons jusqu'à l'entrée du site d'implantation ou encore à la création de vingt-sept places de stationnement dont
trois accessibles aux personnes à mobilité réduite selon les affirmations, non contredites sur ce point, de la pharmacie de la Laouve. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.
10. Enfin, en troisième et dernier lieu, si l'appelante entend se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 5125-3-2 du code de la santé publique, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir, que la SELARL pharmacie des Fontaines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2020 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur a autorisé le regroupement de la pharmacie du Soleil et de la pharmacie de la Poste, ensemble la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a rejeté son recours hiérarchique.
Sur les frais d'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la pharmacie de la Laouve et de l'agence régionale de santé, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme demandée par la SELARL pharmacie des Fontaines au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SELARL pharmacie des Fontaines la somme de 2 000 euros à verser à la SELARL pharmacie de la Laouve en application des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL pharmacie des Fontaines est rejetée.
Article 2 : La SELARL pharmacie des Fontaines versera une somme de 2 000 euros à la SELARL pharmacie de la Laouve en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL pharmacie des Fontaines, à l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la SELARL pharmacie de la Laouve.
Copie en sera adressée au ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.
N° 22MA02991 2