Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme G... et D... F..., Mme C... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2020 par lequel le maire de Bégard (Côtes-d'Armor) a délivré au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Botlézan un permis de construire pour la réalisation de la couverture d'une fumière et d'un parc d'attente ainsi que pour la régularisation d'une stabulation de génisses.
Par un jugement n° 2005884 du 14 avril 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 26 octobre 2020 du maire de Bégard.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 juin 2023 et 29 janvier 2024, le GAEC de Botlézan, représenté par Me Aveline Boquet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 avril 2023 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... et autres devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme G... et D... F..., H... Mme C... A... et H... Mme E... A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- l'habitation de M. et Mme F... est à plus de 50 mètres du projet et ne méconnait pas le règlement sanitaire départemental ; il pouvait être dérogé aux règles de distance entre le projet de construction, qui ne porte pas sur certains bâtiments préexistants, et les habitations les plus proches sur le fondement de l'article L. 111-3 du code rural eu égard aux attestations présentées ;
- les autres moyens soulevés en première instance n'étaient pas de nature à fonder l'annulation demandée du permis de construire.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 décembre 2023 et le 28 mai 2024, M. et Mme G... et D... F..., Mme C... A... et Mme E... A..., représentés par Me Metais-Mouries, concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du GAEC de Botlézan une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens soulevés par le GAEC ne sont pas fondés ;
- en tout état de cause, l'arrêté doit être annulé au vu des moyens soulevé en première instance, dont celui tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- les observations de Me Aveline Boquet, représentant le GAEC de Botlézan, et de Me Metais-Mouries, représentant M. et Mme F... et Mmes A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 octobre 2020, le maire de Bégard (Côtes-d'Armor) a accordé au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de Botlézan un permis de construire permettant la couverture d'une fumière et un parc d'attente pour animaux ainsi que la régularisation d'une stabulation de génisses au 11 Hent Penn Lann. À la demande de M. et Mme F..., H... Mme C... A... et H... Mme E... A... le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 26 octobre 2020 par un jugement du 14 avril 2023. Le GAEC de Botlézan relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ".
3. Aux termes de l'article " 153. 4 - Règles générales d'implantation des bâtiments neufs " du règlement sanitaire départemental des Côtes-d'Armor dans sa rédaction applicable au litige : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune (...) l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : Tous les élevages sur lisier ne peuvent être implantés à moins de 100 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers (...). / (...) Les élevages qui ne sont pas sur lisier ne peuvent être implantés : / (...) pour tous les autres élevages, à une distance inférieure à 50 mètres. ".
4. Les dispositions des règlements sanitaires départementaux ne peuvent être utilement invoquées au soutien de la contestation de la légalité d'un permis de construire que lorsqu'elles concernent l'implantation des constructions, leur destination, leur nature, leur architecture, leurs dimensions, leur assainissement et l'aménagement de leurs abords au sens des dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et photographies produits, qu'en méconnaissance de l'article 153.4 du règlement sanitaire départemental des Côtes-d'Armor, la construction autorisée litigieuse destinée à héberger une stabulation de génisses sur paille est située à moins de 50 mètres de la maison d'habitation de M. et Mme F.... Si le Gaec de Botlézan se prévaut du fait que les propriétaires de cette maison, ainsi que les autres habitants les plus proches de ses locaux d'exploitation, ont accepté une dérogation à ces règles de distance, les documents qu'il produit sont des courriers datés du 23 décembre 2004 portant sur d'autres bâtiments que ceux autorisés en 2020. Si le courrier signé par M. et Mme B... F... évoque également des bâtiments " en projet ", ce même document mentionne de manière limitative les bâtiments et ouvrages concernés, au titre desquels ne figure pas la stabulation de génisses autorisée en 2020 et qui n'existait pas à cet endroit. Par suite, l'autorisation contestée du maire de Bégard est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental des Côtes-d'Armor.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. / (...) Il peut être dérogé aux règles du premier alinéa, sous réserve de l'accord des parties concernées, par la création d'une servitude grevant les immeubles concernés par la dérogation, dès lors qu'ils font l'objet d'un changement de destination ou de l'extension d'un bâtiment agricole existant dans les cas prévus par l'alinéa précédent. ".
7. Il résulte de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.
8. Le GAEC de Botlézan ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche dès lors que celles-ci régissent la situation d'un projet de construction d'une habitation et d'immeubles habituellement occupés par des tiers, ce qui n'est pas la situation en l'espèce qui concerne l'édification d'un bâtiment d'élevage. Par ailleurs et en tout état de cause il n'est pas établi l'existence d'une servitude grevant les constructions proches habituellement habitées par des tiers. Par suite, le moyen inopérant tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC de Botlézan n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 26 octobre 2020 du maire de Bégard.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par le GAEC de Botlézan. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme G... et D... F..., Mme C... A... et Mme E... A....
D E C I D E :
Article 1er : La requête du GAEC de Botlézan est rejetée.
Article 2 : Le GAEC de Botlézan versera à M. et Mme G... et D... F..., à Mme C... A... et à Mme E... A... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC de Botlézan, à Mme C... A..., désignée représentante unique pour l'ensemble des défendeurs, en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la commune de Bégard.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23NT01774