Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 avril 2024 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant cinq ans.
Par un jugement n° 2404190 du 7 mai 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 juin 2024, M. A..., représenté par Me Boudjemaa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté contesté ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à partir de cette notification ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- entré en France en 2017, et en couple avec une ressortissante française, il est père de deux filles nées en 2019 et 2020 ; il a été incarcéré du 20 juin 2023 au 2 mai 2024 ;
- l'arrêté contesté, et notamment la mesure d'éloignement, ne sont pas motivés au regard de sa vie privée et familiale en particulier ;
- il y a eu défaut d'examen particulier de sa situation ;
- son droit au respect de la vie privée et familiale et l'article 3-1 de de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnus ; les liens d'attaches et de filiation dont il dispose sur le territoire français doivent primer sur la notion de menace à l'ordre public ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu en particulier du conflit armé au Cameroun ;
- l'interdiction de retour pour une période de cinq ans porte atteinte de manière disproportionnée à sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses enfants ; des circonstances humanitaires, tenant à la rupture des liens avec ses enfants et sa compagne, y font obstacle ; le projet de M. B... d'instaurer un " devoir de visite " des pères dans les familles dites monoparentales est méconnu.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
M. A... ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Picard, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant camerounais né le 5 mars 1990 est entré irrégulièrement en France le 31 décembre 2017. Il relève appel d'un jugement du 7 mai 2024 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon, qui a également renvoyé à une formation collégiale les conclusions présentées par M. A... contre l'arrêté du préfet de la Loire du 25 avril 2024 en tant qu'il lui refusait la délivrance d'un titre de séjour, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions prises par ce même arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant cinq ans.
Sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de séjour :
2. Le refus de titre de séjour, qui comporte les considérations de droit et de fait en constituant le fondement, est motivé et a été pris après examen particulier de la situation particulière de M. A.... Aucune irrégularité ne saurait être retenue à cet égard.
3 Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
4. M. A... est père de deux enfants de nationalité française, Louna et Kenzo, nés respectivement les 2 mai 2019 et 9 décembre 2020. Les pièces versées aux débats, constituées essentiellement de factures isolées se rapportant pour plusieurs à des articles dont rien ne permet de dire qu'ils seraient destinés à des enfants, et de photos de l'intéressé avec ses enfants, principalement datées de 2024, ne suffisent pas à établir qu'il aurait effectivement contribué à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans, malgré sa condamnation à une peine de prison de dix mois ferme par un jugement du tribunal correctionnel de Roanne du 22 mai 2023. Le moyen ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
5. L'arrêté contesté qui, comme il vient d'être dit, est motivé s'agissant du refus de séjour, retient, après prise en compte de la situation personnelle et familiale de l'intéressé, l'absence d'atteinte par la mesure d'éloignement aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'apparaît ainsi pas que l'obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, ne serait pas motivée.
6. Comme l'a rappelé le tribunal, rien ne permet de dire que la mesure d'éloignement aurait été prise sans examen préalable approfondi de la situation personnelle de M. A....
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. Par les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal, et alors que M. A..., qui a également été condamné par des jugements du tribunal correctionnel de Roanne des 8 juin 2021 et 22 mai 2023, respectivement, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits d'" usage de stupéfiants ", de " rébellion " et d'" outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique ", et à dix mois fermes d'emprisonnement pour des faits de violence aggravée, n'a pas été respectueux de l'ordre public, le moyen tiré d'une violation des dispositions ci-dessus doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. M. A... fait valoir que, étant originaire des régions nord-ouest/sud-est du Cameroun, où existent d'importants problèmes d'insécurité, sa vie, comme celle de ses enfants en cas de visite, seraient gravement mises en danger. Toutefois, et alors que toutes les régions du Cameroun ne sont pas soumises aux mêmes problèmes d'insécurité, aucun des éléments produits par M. A... ne permet de tenir pour réellement avérés les motifs de ses craintes comme le caractère personnel et actuel des risques invoqués. Aucune méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être reconnue.
Sur l'interdiction de retour pendant cinq ans :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public ". Et aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. Comme il a été vu plus haut, il n'apparaît pas que M. A..., qui a fait l'objet de trois condamnations pénales, aurait effectivement contribué à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants français. Dès lors, et en dépit de l'appel du président de la République à instaurer un droit de visite des pères dans les familles monoparentales, des difficultés auxquelles, du fait de son absence, se trouverait confrontée son épouse, et de son éloignement géographique, aucune circonstance humanitaire n'est ici caractérisée. Dès lors, et par adoption pour le surplus des motifs du tribunal, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
13. En second lieu, les moyens tirés de l'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé et de la méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants doivent, en toute hypothèse, être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés plus haut.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.
DÉCIDE
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit Larcher, présidente assesseure ;
Mme Boffy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le président, rapporteur,
V-M. Picard
La présidente assesseure,
A. Duguit-Larcher
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01614
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