Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2013, présentée pour M. B... E..., demeurant..., par Me Beyreuther Minkov, avocat au barreau de Paris ; M. E... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1107810 du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a déclaré irrecevable sa demande de naturalisation ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui accorder la nationalité française dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le refus de sa demande de naturalisation a été pris par une autorité incompétente ;
- la décision contestée est entachée d'erreurs de droit et de fait, ainsi que d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision n'est motivée que par un séjour " partiellement " irrégulier en France dès
lors qu'il était demandeur d'asile de 2002 à 2003 et justifie d'une résidence habituelle en France de plus de cinq ans ;
- la décision comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une extrême gravité et parfaitement disproportionnée dans la mesure où il ne peut retourner en Turquie sans mettre sa vie en danger ;
- la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et privée, contraire à l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
- il y a lieu d'ordonner la production de son entier dossier ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- la requête n'est pas recevable en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; elle ne comporte aucune critique du jugement attaqué ni de moyen d'appel ;
- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée manque en fait ;
- M. E... a obtenu la régularisation de sa situation le 14 décembre 2007 et ne pouvait justifier de cinq ans de stage régulier en France à la date de la décision contestée ;
- la décision déclarant irrecevable sa demande d'acquisition de la nationalité française n'est pas de nature à porter atteinte à sa vie familiale ;
- le requérant n'a pas sollicité la communication de son dossier auprès de ses services et l'ensemble des documents relatifs aux motifs litigieux a déjà été produit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;
Vu le décret n° 2010-1444 du 25 novembre 2010 relatif aux attributions du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2013 :
- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;
1. Considérant que M. E..., de nationalité turque, interjette appel du jugement du 9 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration constatant l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant que, par décret du 15 juillet 2009, publié au Journal officiel du 16 juillet suivant, M. D... a été nommé directeur de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; que par décision du 28 février 2011, publiée au Journal officiel du 3 mars 2011, et par décision du 11 mars 2011, publiée au Journal officiel du 16 mars 2011, M. D... a régulièrement donné délégation à Mme C... A..., signataire de la décision contestée, pour signer une telle décision ; que, par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 20 juin 2011 a été signée par une autorité incompétente ;
En ce qui concerne la légalité interne :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 21-17 du code civil : " Sous réserve des exceptions prévues aux articles 21-18, 21-19 et 21-20, la naturalisation ne peut être accordée qu'à l'étranger justifiant d'une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande " ;
4. Considérant que, par sa décision du 20 juin 2011, le ministre a déclaré irrecevable la demande de naturalisation de M. E..., en application des dispositions précitées de l'article 21-17 du code civil, au motif que le requérant ne justifiait pas, à la date de sa demande de naturalisation, de cinq années de résidence régulière en France ;
5. Considérant qu'un étranger en situation irrégulière au regard des dispositions relatives au séjour et au travail des étrangers ne peut être regardé comme remplissant la condition de résidence posée par les dispositions précitées de l'article 21-17 du code civil ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas sérieusement contesté que si M. E..., entré en France en 2001, a été admis provisoirement au séjour en qualité de demandeur d'asile en 2002 et 2003, sa situation n'a été régularisée qu'au 14 décembre 2007, par la délivrance d'un titre de séjour, date à compter de laquelle la période de résidence habituelle de cinq ans, exigée à l'article 21-17 du code civil, a pu commencer à courir ; qu'il ressort des pièces du dossier que la durée de cinq ans de résidence régulière en France, n'était pas écoulée à la date à laquelle il a déposé sa demande de naturalisation ; que, dans ces conditions, l'intéressé ne peut être regardé comme satisfaisant à la condition prévue par les dispositions précitées ; que le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a pu, dès lors, constater l'irrecevabilité de sa demande de naturalisation, sans entacher sa décision ni d'erreur de droit, ni d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation ;
6. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, qui est, par nature, dépourvue d'effet sur la présence de la personne sur le territoire français et sur ses liens avec les membres de sa famille, et qui n'est dès lors pas susceptible de porter atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressé ; que M. E... ne peut davantage utilement invoquer les risques ou les dangers encourus en cas de retour en Turquie eu égard aux effets de cette décision ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par le ministre de l'intérieur, et sans qu'il y ait davantage lieu de procéder à la mesure d'instruction sollicitée, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. E..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte qu'il présente ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2013, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 décembre 2013.
Le président-assesseur,
J.-F. MILLET
Le président-rapporteur,
B. ISELIN
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 13NT01314