La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2020 | FRANCE | N°20NC01188

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 20NC01188


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 1906526 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête, enregistrée le 4 juin 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 novembre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a retiré son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 1906526 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2020, et un mémoire complémentaire, enregistré le 4 novembre 2020, Mme E... D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906526 du tribunal administratif de Strasbourg du 7 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 31 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire et à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour.

Elle soutient que :

- la décision portant retrait d'un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision en litige méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2020, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... D... est une ressortissante malienne née le 23 février 1989. A la suite de son mariage au Mali avec un ressortissant français le 7 août 2015, qui a été transcrit sur les registres de l'état civil français le 7 septembre 2015, elle est entrée régulièrement en France le 14 décembre 2015 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de type D " vie privée et familiale ", délivré par les autorités consulaires françaises et valable du 7 novembre 2015 au 7 novembre 2016. En sa qualité de conjointe de Français, elle a été mise en possession d'un titre de séjour valable jusqu'au 6 novembre 2017, puis d'une carte de séjour pluriannuelle valable jusqu'au 6 novembre 2019. Le 26 mars 2019, l'intéressée a informé les services de la préfecture du Haut-Rhin qu'elle avait quitté le domicile conjugal à la suite de violences qu'elle aurait subies de la part de son conjoint et que le tribunal de grande instance de Colmar avait rendu, le 20 juillet 2018, une ordonnance de non-conciliation autorisant les époux à introduire une instance de divorce. Après avoir mis à même la requérante de présenter ses observations par courrier du 10 mai 2019, le préfet du Haut-Rhin, par un arrêté du 31 juillet 2019, a retiré le titre de séjour de Mme D..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. La requérante a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 juillet 2019. Elle relève appel du jugement n° 1906526 du 7 novembre 2019, qui rejette sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes des dispositions du deuxième alinéa de l'article L.313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". ".

3. Si Mme D... fait valoir qu'elle a été victime, tout au long de son mariage, de violences conjugales physiques, sexuelles et psychologiques de la part de son époux et de sa belle-mère, il ressort des pièces du dossier que ses plaintes des 15 et 16 mai 2018 ont été classées sans suite par l'autorité judiciaire et que les témoignages et les certificats médicaux, dont elle se prévaut, ne suffisent pas à établir la réalité de ces violences. Il est constant, en revanche, que la juge aux affaires familiales de Colmar, par un jugement du 18 juillet 2019, a prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de la requérante, en relevant, d'une part, que l'intéressée ne rapporte pas la preuve des violences conjugales alléguées et, d'autre part, qu'elle s'est rendue coupable de " violations graves et renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France le 14 décembre 2015 à l'âge de 26 ans. Le divorce avec son époux français a été prononcé le 18 juillet 2019 et aucun enfant n'est issu de cette union. La requérante n'établit pas, par ses seules allégations, qu'elle serait isolée dans son pays d'origine. Si la requérante fait valoir qu'elle vit en concubinage avec un ressortissant français depuis un an et que les intéressés se sont mariés le 7 août 2020, elle ne justifie pas, à la date de la décision en litige, d'une communauté de vie suffisamment ancienne et stable. Les seules circonstances qu'un oncle et une tante vivent en France en région parisienne et qu'elle travaille au sein d'une association comme employée à domicile auprès des personnes âgées et handicapées depuis le 1er avril 2019 ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".

7. En se bornant à faire valoir que son travail auprès des personnes âgées et handicapées est indispensable, Mme D... ne démontre pas que son admission exceptionnelle au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 31 juillet 2019. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

N° 20NC01188 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC01188
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BERNA AVOCATS ASSOCES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-12-08;20nc01188 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award