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11/07/2024 | FRANCE | N°21PA01456

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 11 juillet 2024, 21PA01456


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La Société Générale a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler le courrier du 1er avril 2019 (requête n° 1910417) valant titre exécutoire par lequel l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a mis à sa charge l'obligation de payer une somme résultant de l'acquisition de garanties consécutivement au non-respect des obligations incombant à la société Doux et la décision implicite de rejet de son recours grac

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Générale a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler le courrier du 1er avril 2019 (requête n° 1910417) valant titre exécutoire par lequel l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a mis à sa charge l'obligation de payer une somme résultant de l'acquisition de garanties consécutivement au non-respect des obligations incombant à la société Doux et la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 24 mai 2019 tendant au retrait de ce titre, ainsi que la décision du 9 octobre 2019 (requête n° 1913772) réduisant le montant de l'obligation de payer.

Par un jugement n°s 1910417-1913772 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés les 19 mars et 22 octobre 2021, et les 3 et 16 novembre 2022, la Société Générale, représentée par Me Baumet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1910417-1913772 du 21 janvier 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler les décisions du 1er avril 2019 valant titre exécutoire et du 9 octobre 2019 portant réduction de l'obligation de payer ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 24 mai 2019 tendant au retrait de ce titre ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision du 9 octobre 2019 sont recevables dès lors que sa motivation lui fait grief et qu'elle modifie les motifs de la décision du 1er avril 2019 ;

- les titres de recettes ne sont pas suffisamment motivés dès lors que :

. ni ces titres ni les documents qui y sont joints ni les autres titres de recettes communiqués ne mentionnent le fait générateur, les bases et les modalités de calcul de la créance, notamment la masse des produits en litige ;

. aucune information n'est donnée s'agissant des intérêts, des sanctions et des autres mesures accessoires ;

. ils ne mentionnent aucune période à laquelle ils se rapportent ;

. ils ne précisent pas si des compensations ont été effectuées ou si des mesures d'exécution ont été diligentées ;

- le jugement ne pouvait écarter le moyen tiré du défaut de contradictoire et du respect des droits de la défense dès lors que ces principes ne peuvent être écartés au seul motif que la décision est suffisamment motivée, que la caution est fondée, dans le cadre d'un contrat, à s'assurer que la créance principale est actuelle, liquide et exigible, que tout débiteur doit être mis en mesure de présenter des observations lorsqu'il est l'objet d'un titre exécutoire, ces principes étant au demeurant consacrés par le droit communautaire, et qu'en l'espèce, elle n'a pu faire valoir ses observations du fait du silence observé par FranceAgriMer pendant près d'une année après la demande d'explications du 4 juin 2018 ;

- les contrats de cautionnement qui la lient à FranceAgriMer sont frappés de nullité du fait de la réticence dolosive de ce dernier qui, alors qu'il en était pourtant informé, lui a intentionnellement dissimulé des éléments déterminants à la signature des contrats de cautionnement, à savoir l'existence des contrôles, des enquêtes et des contentieux en cours sur la non-conformité des marchandises, ce qui a ainsi vicié son consentement ;

- les contrats de cautionnement sont dépourvus d'aléa et de cause ;

- les sanctions, fondées sur le b) de l'article 78-1 du règlement n° 612/2009, sont excessives et disproportionnées dès lors que la faute, qui consiste à avoir communiqué des informations erronées, a été commise par la société Doux.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 octobre 2021, 12 novembre 2021, et 3 novembre 2022, FranceAgriMer, représenté par Me Alibert, conclut :

1°) à ce qu'il n'y ait pas lieu à statuer sur la demande à hauteur de 114,27 euros et au rejet du surplus ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de la Société Générale la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 9 octobre 2019, qui réduit le montant de l'obligation de payer la somme mentionnée dans la décision du 1er avril 2019, ne fait pas grief à la société requérante de sorte que ses conclusions à fin d'annulation sont irrecevables, les moyens soulevés contre elle étant en toute hypothèse infondés ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement " OCM unique ") ;

- le règlement (CE) n° 612/2009 de la commission du 7 juillet 2009 portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 282/2012 de la Commission du 28 mars 2012 fixant les modalités communes d'application du régime des garanties pour les produits agricoles ;

- le règlement délégué (UE) n° 907/2014 de la Commission du 11 mars 2014 complétant le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l'apurement des comptes, les garanties et l'utilisation de l'euro ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Baumet, représentant la Société Générale,

- et les observations de Me Alibert, représentant FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. La société Doux a bénéficié de l'attribution par FranceAgriMer de restitutions à l'exportation de l'Union européenne pour la commercialisation de viande de volaille congelée hors des pays de l'Union, qui ont donné lieu au versement d'avances par cet organisme. Ces restitutions lui ont été accordées en contrepartie de garanties qu'elle a fournies sous la forme de cautions qui lui ont été consenties par la Société Générale. Estimant que la société Doux n'avait pas respecté les obligations relatives à la qualité des marchandises objet de ces exportations, FranceAgriMer a regardé comme acquise la garantie s'y rapportant, en application de l'article 28 du règlement d'exécution (UE) 282/2012 de la Commission du 28 mars 2012, et demandé à cette société le paiement de cette garantie ainsi que les pénalités et sanctions correspondantes, par divers titres exécutoires émis au cours des années 2013, 2014 et 2015, que cette société a contestés auprès du tribunal administratif de Rennes. Constatant, consécutivement aux décisions de ce tribunal, que la société Doux n'avait pas procédé au paiement des sommes restant dues dans le délai imparti, FranceAgriMer a informé la Société Générale, par des courriers des 4 juin et 15 octobre 2018, que celle-ci était redevable, en sa qualité de caution solidaire de la société Doux, de la somme de 7 587 346,26 euros restant due par cette dernière société. Par une lettre du 1er avril 2019 valant titre exécutoire, FranceAgriMer a mis à la charge de la Société Générale l'obligation de payer la somme de 7 587 346,26 euros sur le fondement de l'article 28 du règlement d'exécution (UE) n°282/2012. La Société Générale a demandé le retrait de ce titre exécutoire par un recours gracieux du 24 mai 2019. Par une décision du 9 octobre 2019, FranceAgriMer a retranché, du montant de sa créance initiale, une somme de 114,27 euros, réduisant ainsi le montant de l'obligation de paiement à la somme de 7 578 231,99 euros. La Société Générale a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de la lettre du 1er avril 2019 valant titre exécutoire et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 24 mai 2019 tendant au retrait de ce titre, ainsi que de la décision du 9 octobre 2019 réduisant le montant de l'obligation de payer. Elle relève appel du jugement du 21 janvier 2021 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes et doit être regardée comme demandant que soit prononcée la décharge de cette dernière somme.

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, FranceAgriMer a, par une décision du 9 octobre 2019, partiellement fait droit au recours gracieux formé par la Société Générale contre le titre exécutoire du 1er avril 2019 en réduisant son montant de 7 587 346,26 euros à 7 578 231,99 euros, soit une réduction de 114,27 euros, motif pris d'une prise en compte erronée des sanctions. Toutefois, cette décision, qui rejette partiellement le recours gracieux et maintient à la charge de la Société Générale une somme de 7 578 231,99 euros, revêt un caractère défavorable. La Société Générale avait ainsi intérêt à agir contre cette décision qui lui faisait grief. Il s'ensuit qu'elle est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevable pour ce motif sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu pour la Cour de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions dirigées à l'encontre de la décision du 9 octobre 2019 et par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

En ce qui concerne les textes applicables :

4. D'une part, aux termes de l'article 162 du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 : " 1. Dans la mesure requise pour permettre la réalisation des exportations sur la base des cours ou des prix du marché mondial et dans les limites découlant des accords conclus conformément à l'article 300 du traité, la différence entre ces cours ou ces prix et les prix de la Communauté peut être couverte par une restitution à l'exportation : a) pour les produits des secteurs suivants exportés en l'état : (...) / viii) viande de volaille (...) ". Aux termes de l'article 1er du règlement (CE) n° 612/2009 de la Commission du 7 juillet 2009 : " Le présent règlement établit, sans préjudice de dispositions dérogatoires prévues dans la réglementation communautaire particulière à certains produits, les modalités communes d'application du régime de restitutions à l'exportation, ci-après dénommées " restitutions ", prévu : / a) pour les produits des secteurs visés à l'article 162, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1234/2007 (...) ". Aux termes de l'article 7 du même règlement : " 1. Sans préjudice des dispositions des articles 15 et 27, le paiement de la restitution est subordonné à la production de la preuve que les produits pour lesquels la déclaration d'exportation a été acceptée ont, au plus tard dans un délai de soixante jours à compter de cette acceptation, quitté en l'état le territoire douanier de la Communauté. (...) ". Aux termes de l'article 25 de ce règlement : " 1. Par dérogation à l'article 15 et sans préjudice de l'article 27, une partie de la restitution est payée sur demande de l'exportateur dès que la preuve est apportée que le produit a quitté le territoire douanier de la Communauté. (...) ". Aux termes de l'article 28 de ce règlement : " 1. Aucune restitution n'est octroyée lorsque les produits ne sont pas de qualité saine, loyale et marchande le jour d'acceptation de la déclaration d'exportation. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 31 du règlement (CE) n° 612/2009 de la Commission du 7 juillet 2009 : " 1. Sur demande de l'exportateur, les États membres avancent tout ou partie du montant de la restitution, dès l'acceptation de la déclaration d'exportation, à condition que soit constituée une garantie dont le montant est égal au montant de cette avance, majoré de 10 %. (...) ". Aux termes de l'article 3 du règlement d'exécution (UE) n° 282/2012 de la Commission du 28 mars 2012 : " Au sens du présent règlement on entend par : / a) " garantie ", l'assurance qu'un montant sera payé ou restera acquis à l'autorité compétente si une obligation déterminée n'est pas remplie (...) ". Aux termes de l'article 4 du même règlement : " La garantie doit être constituée par ou pour le compte de la personne responsable du paiement d'un montant si une obligation n'est pas remplie. ". Aux termes de l'article 7 de ce règlement : " 1. Une garantie peut être constituée : (...) / b) sous forme de caution, telle qu'elle est définie à l'article 15, paragraphe 1. (...) ". Aux termes de l'article 15 de ce règlement : " (...) La caution s'engage en fournissant une garantie écrite. / 2. La garantie écrite doit au moins : / a) préciser l'obligation ou, s'il s'agit d'une garantie globale, le(s) type(s) d'obligations dont le respect est garanti par le paiement d'une somme d'argent ; / b) indiquer le montant maximal pour lequel la caution s'engage ; / c) spécifier que la caution s'engage, conjointement et solidairement avec la personne qui doit respecter l'obligation, à payer, dans les trente jours suivant la demande de l'autorité compétente et dans les limites de la garantie, toute somme due, lorsqu'une garantie reste acquise. (...) ".

6. Enfin, aux termes de l'article 18 du règlement d'exécution (UE) n° 282/2012 de la Commission du 28 mars 2012, applicable lorsque la restitution a fait l'objet d'une avance : " 1. La garantie est libérée si : / a) le droit à l'octroi définitif du montant avancé a été établi ; ou si / b) l'avance a été remboursée, augmentée du pourcentage prévu dans la réglementation spécifique de l'Union. / 2. Dès que le délai pour prouver le droit à l'octroi définitif du montant avancé a été dépassé sans que la preuve du droit soit fournie, l'autorité compétente applique immédiatement la procédure prévue à l'article 28. (...) ". Aux termes de l'article 28 du même règlement : " 1. Lorsque l'autorité compétente a connaissance des éléments entraînant l'acquisition de la garantie en totalité ou en partie, elle demande sans tarder à l'intéressé le paiement du montant de la garantie acquise, ce paiement devant être effectué dans un délai maximal de trente jours à compter du jour de la réception de la demande. / Au cas où le paiement n'a pas été effectué dans le délai prescrit, l'autorité compétente : (...) / b) exige sans tarder que la caution visée à l'article 7, paragraphe 1, point b), procède au paiement, ce paiement devant être effectué dans un délai maximal de trente jours à compter le jour de la réception de la demande (...) ".

En ce qui concerne les moyens soulevés par la Société Générale :

7. En premier lieu, il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

8. Les conclusions tendant à l'annulation de la décision de FranceAgriMer du 9 octobre 2019 rejetant partiellement son recours gracieux contre la décision du 1er avril 2019 doivent ainsi être regardées comme dirigées non pas contre la décision de rejet de son recours administratif mais contre cette décision du 1er avril 2019 en tant qu'elle porte sur l'obligation de paiement d'une somme de 7 578 231,99 euros après rectification consécutive à la décision du 9 octobre 2019.

9. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés du défaut de motivation et de l'absence de la procédure contradictoire entachant la décision du 9 octobre 2019 ne peuvent qu'être écartés.

10. La Société Générale soutient en deuxième lieu que le titre de recettes contesté du 1er avril 2019 n'est pas suffisamment motivé, en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique qui dispose que " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ", dès lors que ne sont mentionnés ni le fait générateur de la créance, à savoir la nature de l'absence de respect de la réglementation communautaire par la société Doux, ni des informations déterminantes, telles que la masse des produits en litige, permettant de vérifier la base et les modalités de calcul de la créance, ni les information relatives aux intérêts, sanctions et autres mesures accessoires ni les périodes auxquelles se rapporte le titre contesté ni les compensations éventuellement effectuées ni le cas échéant les mesures d'exécution diligentées.

11. En relevant que la Société Générale s'est portée caution personnelle et solidaire des obligations souscrites par la société Doux envers FranceAgriMer et que cette dernière société n'a pas exécuté ses obligations, la décision contestée énonce de façon suffisamment précise le fait générateur de la créance sans qu'il lui soit besoin de préciser la nature des non-conformités reprochées à la société Doux, à savoir le non-respect par les produits de la teneur en eau. Pour le même motif, ne sont pas plus de nature à entacher la décision d'une insuffisance de motivation l'absence de précisions sur la masse des poulets, les non-conformités reprochées à la société Doux ne concernant au demeurant que leur teneur en eau et non leur masse, ou sur les dates de contrôles, les déclarations d'exportation et les déclarations rectificatives, ces informations étant en outre sans lien avec le fait générateur. La décision est également accompagnée de la copie des actes de caution, d'un tableau récapitulatif mentionnant les références des actes de caution et des titres de perception et le montant correspondant pour chacun, ainsi que de la copie du courrier d'appréhension des cautions du 15 octobre 2018, ce qui permettait à la Société Générale de comprendre les modalités de calcul des sommes demandées. Ces dernières ne couvrant pas les sanctions imposées à la société Doux, en dépit de la formule portée sur les actes de caution, ni les intérêts, majorations et autres accessoires, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que ces éléments n'auraient pas été portées à sa connaissance ou qu'elle n'aurait pas été informée des périodes concernées. S'agissant enfin de la branche du moyen relative au défaut de communication des informations sur les compensations et les mesures d'exécution, elle n'est pas assortie de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté.

12. La Société Générale soutient en troisième lieu que la procédure suivie par FranceAgriMer a méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire. Outre que la branche du moyen relative à la méconnaissance du droit communautaire est, en tout état de cause, dépourvue de précision, la décision contestée, qui est fondée sur le contrat de cautionnement conclu entre la Société Générale et FranceAgrimer, n'est pas au nombre des décisions administratives individuelles de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration pour lesquelles l'article L. 122-1 du même code prévoit qu'elles sont précédées d'une procédure contradictoire, la Société Générale ayant en tout état de cause pu à plusieurs reprises faire valoir ses observations avant l'édiction de la décision contestée ainsi qu'en témoignent les échanges de courriers entre le 27 juin et le 3 juillet 2018.

13. Si la Société Générale soutient en quatrième lieu que les contrats de cautionnement, par lesquels elle est liée à FranceAgriMer, sont frappés de nullité du fait que ce dernier a intentionnellement omis de lui communiquer des informations déterminantes telles que l'existence des contrôles, des enquêtes et des contentieux en cours sur la non-conformité des marchandises, il ne ressort en tout état de cause d'aucune pièce du dossier que FranceAgriMer aurait intentionnellement dissimulé à la Société Générale ces informations avant la signature des contrats de cautionnement par lesquels cette dernière s'est engagée à payer sans pouvoir soulever le bénéfice de discussion toute somme dont la société Doux pourrait être redevable au titre des règlements communautaires à la suite de ses demandes de versement d'avances sur restitution à l'exportation, alors qu'il n'est pas contesté que la Société Générale n'a pas sollicité d'informations au moment de la signature de ces actes de cautionnement et que ce n'est qu'en 2017, soit plusieurs années après, que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé le dépassement de la teneur en eau des poulets congelés et surgelés ne satisfaisait pas à l'exigence de qualité saine, loyale et marchande des produits, et que si FranceAgrimer, à la suite de contrôles des marchandises en douane, a remis en cause des exportations ponctuelles et émis des titres de recette dès le mois de mars 2013, elle ignorait alors l'importance des non-conformités. Ainsi, il existait bien un aléa sur les engagements souscrits par la Société Générale et les contrats de cautionnement n'étaient pas dépourvus de cause.

14. Si la Société Générale soutient en dernier lieu que les sanctions, fondées sur le b) de l'article 48-1 du règlement n° 612/2009, sont excessives et disproportionnées, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le relève le jugement contesté, que le montant du titre exécutoire du 1er avril 2019 modifié par la décision du 9 octobre 2019, ne comporte aucune sanction.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la Société Générale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Société Générale demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la Société Générale une somme de 2 000 euros à verser à FranceAgriMer sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 21 janvier 2021 est annulé en tant qu'il rejeté les conclusions de la Société Générale dirigées contre la décision du 9 octobre 2019.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 9 octobre 2019 présentées par la Société Générale devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : La Société Générale versera une somme de 2 000 euros à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Générale et à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01456
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : BAUMET;BAUMET;SCP GOUTAL & ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;21pa01456 ?
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