Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 10 septembre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la rupture de sa période d'essai.
Par un jugement n° 1810439 du 8 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 février 2021, M. C..., représenté par Me Dadi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler la décision du 10 septembre 2018 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la rupture de sa période d'essai ;
3°) de mettre à la charge de la société Neovision Group et de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros, chacun, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de l'inspectrice du travail a été prise par une autorité incompétente, dès lors que son auteur ne bénéficie d'aucune délégation de signature publiée ;
- l'enquête est entachée d'une méconnaissance du principe du contradictoire dont le respect doit être démontré par l'inspecteur du travail ; le courrier de convocation à l'enquête contradictoire en date du 16 août 2018 qui a été produit n'est accompagné d'aucun accusé de réception ; si l'inspection du travail se prévaut d'une attestation de remise de pièces qu'il aurait signée le 3 septembre 2018 lors de son entretien dans le cadre de l'enquête contradictoire, il s'agit d'une attestation signée par son employeur ;
- la fin de sa période d'essai constitue un fait nouveau ayant une incidence sur l'instruction de la demande d'autorisation par l'inspection du travail qui ne pouvait que rejeter la demande de l'employeur dès lors qu'elle ne pouvait plus autoriser la rupture d'une période d'essai qui n'avait plus d'existence à la date à laquelle elle a pris sa décision ; par suite, cette décision est entachée d'une erreur de droit ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, dans un tel cas, la saisine de l'inspection du travail ne peut avoir pour effet de suspendre le contrat de travail, une telle interprétation ayant pour conséquence une potentielle suspension pendant des années de procédure au cours de laquelle le salarié protégé peut perdre sa protection ;
- l'insuffisance professionnelle n'est pas établie dès lors que sa démarche commerciale est conforme à ce que l'on peut attendre d'un salarié à son poste de travail et qu'il conteste la faible prise de rendez-vous ou l'absence de chiffre d'affaires qui lui sont reprochés ;
- la demande de licenciement est en lien direct avec son mandat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2021, la société Neovision Group, représentée par Me Azzouz, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., défenseur syndical, a été recruté par la société Neovision Group, à compter du 16 janvier 2018, en qualité de responsable commercial, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. La période d'essai de quatre mois a été prolongée pour une durée de trois mois, jusqu'au 16 août 2018, conformément aux stipulations de son contrat de travail. Par un courrier du 3 juillet 2018, la société Neovision Group a convoqué M. C... en vue d'une éventuelle rupture de sa période d'essai. Par un courrier du 23 juillet 2018, la société a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de procéder à la rupture de cette période d'essai pour insuffisance professionnelle. Par une décision du 10 septembre 2018, l'inspecteur du travail a autorisé cette rupture. M. C... relève appel du jugement du 8 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
10 septembre 2018 de l'inspecteur du travail.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1221-20 code du travail : " La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. ". Les articles L. 1221-25 et L. 1221-26 du même code prévoient qu'il peut être mis fin à la période d'essai par l'une ou l'autre des parties sans formalité particulière, sous réserve d'un délai de prévenance.
3. D'autre part, en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Selon les dispositions de l'article L. 2411-1 de ce code, cette protection s'étend au salarié investi d'un mandat de défenseur syndical mentionné à l'article L. 1453-4. Ces dispositions s'appliquent à la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur pendant la période d'essai, qui ne peut intervenir qu'après l'obtention d'une autorisation de l'inspecteur de travail. Au regard des dispositions précitées régissant la période d'essai, le contrôle de l'administration n'a pour objectif que de s'assurer que le salarié protégé ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire en lien avec son mandat ou qu'il serait, le cas échéant, victime d'un abus de droit.
4. En premier lieu, M. C... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige, sans apporter d'éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause le bien-fondé du jugement attaqué ce sur point. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montreuil, au point 4 de ce jugement, d'écarter ce moyen.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ". Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de rupture de la période d'essai d'un salarié protégé, de mettre à même ce salarié de prendre connaissance de l'ensemble des pièces mises en avant par l'employeur afin d'établir la matérialité des faits allégués à l'appui de sa demande.
6. M. C... fait valoir, d'une part, que le courrier de convocation à l'entretien avec l'inspecteur du travail, en date du 16 août 2018, n'était pas accompagné d'un accusé de réception. Toutefois, alors que les dispositions précitées n'imposent pas une telle formalité, M. C... ne conteste pas avoir reçu ce courrier qui mentionnait que l'intéressé pouvait se faire assister par un représentant de son syndicat, que la demande formulée par son employeur lui était adressée afin de préparer cette enquête et que l'ensemble des pièces jointes à la demande de l'employeur étaient consultables dans les bureaux de l'inspection du travail. En outre, il est constant que M. C... a été entendu lors de l'enquête contradictoire qui s'est tenue le 3 septembre 2018. D'autre part, la circonstance que le mémoire en défense de l'administration en première instance indiquait, à tort, que M. C... avait attesté avoir reçu les pièces annexées par l'employeur à l'appui de sa demande, alors que l'attestation produite était relative à une remise de documents par l'inspecteur du travail à M. B..., dirigeant de la société Neovision Group, n'est pas davantage de nature à caractériser une méconnaissance du principe du contradictoire, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que C... n'aurait pas été à même de prendre connaissance des documents produits par son employeur. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait entachée d'une méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté en toutes ses branches.
7. En troisième lieu, lorsque l'employeur saisit l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de mettre fin à la période d'essai d'un salarié investi de fonctions représentatives, ce qu'il lui appartient de faire dans les meilleurs délais et, à tout le moins, avant le terme de la période d'essai, ce terme se trouve alors prorogé dans l'attente de la décision de l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, du ministre.
8. Il ressort des pièces du dossier que le contrat de travail conclu entre M. C... et la société Neovision Group le 16 janvier 2018 prévoyait une période d'essai de quatre mois de travail effectif, prolongée, en cas de suspension, pour une durée équivalente à cette suspension quel qu'en soit le motif, et pouvant être renouvelée une fois pour une durée de trois mois. Le 24 avril 2018, la société informait l'intéressé de la reconduction de sa période d'essai, jusqu'au 16 août 2018. Il n'est en outre pas contesté que M. C... a bénéficié de la réduction du temps de travail et de dix jours de congés payés, ce qui a eu pour effet de reporter le terme de sa période d'essai au
5 septembre 2018. Par un courrier du 23 juillet 2018, reçu le 26 juillet suivant, soit avant le terme de sa période d'essai, la société Neovision Group a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de mettre fin à la période d'essai de M. C.... Si ce dernier soutient que la décision de l'inspection du travail du 10 septembre 2018 est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'elle est intervenue postérieurement à l'issue de sa période d'essai, il découle du principe exposé au point précédent que la saisine de l'inspection du travail a eu pour conséquence de proroger la période d'essai de M. C... jusqu'à l'intervention de la décision de l'administration.
M. C... n'est par suite pas fondé à soutenir que l'inspecteur du travail ne pouvait plus autoriser la rupture d'une période d'essai qui n'avait plus d'existence. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
9. En quatrième lieu, M. C... soutient que l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée n'est pas établie. Toutefois, dès lors que la faiblesse de sa démarche commerciale et l'absence de chiffre d'affaires réalisé sur une période de près de sept mois ressortent des pièces du dossier, aucun abus de droit ne saurait être retenu à l'encontre de son employeur.
10. Enfin, M. C... soutient que la décision de mettre un terme à sa période d'essai est liée à son mandat dont la société Neovision Group n'a eu connaissance qu'en prenant attache avec son ancien employeur, qui l'aurait informée de l'existence d'une procédure prud'homale. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'après avoir accusé réception du courrier le convoquant à un entretien préalable, M. C... a fait parvenir un courrier au président de la société, l'informant de l'envoi par la DIRECCTE d'une lettre relative à son mandat, de ce qu'il pourrait être amené à soumettre des demandes d'absence et s'engageant à ce que l'exercice de son mandat extérieur ne gêne pas l'exercice de ses fonctions. En réponse à ce courrier, il a été notamment indiqué à M. C... que la société connaissait l'existence de son mandat syndical, évoqué lors de son embauche, et lui a rappelé l'existence d'un outil afin de poser des heures de délégation. Par suite, il n'est pas établi que M. C... serait victime d'une mesure discriminatoire et que la demande de mettre fin à sa période d'essai présenterait un lien avec son mandat.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Neovision Group, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, les sommes demandées par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par la société Neovision Group au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Neovision Group sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. A... C..., à la société Neovision Group et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Copie en sera adressée, pour information, à la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
- M. Philippe Delage, président,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2025.
La rapporteure,
M. JULLIARD
Le président,
Ph. DELAGE
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N° 08PA04258
2
N° 21PA00844