Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 22 septembre 2022 de l'autorité consulaire française à Abidjan (Côte d'Ivoire) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant.
Par un jugement n° 2300355 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... le visa demandé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous réserve que l'intéressé justifie d'une inscription pour la prochaine année universitaire.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2024, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que la décision contestée est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, révélée par le manque de sérieux du projet d'études de M. A... et l'absence d'attaches familiales et matérielles en Côte d'Ivoire susceptibles de garantir son retour dans son pays.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Adjacotan, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui délivrer le visa demandé dans un délai de deux mois et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ody a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement n° 2300355 du 27 novembre 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour en qualité d'étudiant et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. A... le visa demandé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous réserve que l'intéressé justifie d'une inscription pour la prochaine année universitaire. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire formé par M. A... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, que la décision implicite de cette commission est réputée rejetée pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Il ressort des pièces du dossier que l'autorité consulaire française en Côte d'Ivoire a refusé de délivrer le visa de long séjour demandé en qualité d'étudiant au double motif qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins autres que les études et que les informations communiquées pour justifier les conditions de séjour sont incomplètes ou ne sont pas fiables.
3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 3 de la même directive précise que l'étudiant au sens de la directive est admis sur le territoire d'un Etat membre pour suivre, à titre d'activité principale, un cycle d'études à plein temps menant à l'obtention d'un titre d'enseignement supérieur reconnu par cet Etat membre. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
4. S'il est possible, pour le ressortissant d'un pays tiers, d'être admis en France et d'y séjourner pour y effectuer des études sur le fondement d'un visa de long séjour dans les mêmes conditions que le titulaire d'une carte de séjour, ainsi que le prévoient les articles L. 312-2 et L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mai 2021, les dispositions relatives aux conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an, telles que précisées par les articles L. 422-1 et suivants du même code et les dispositions règlementaires prises pour leur application, ne sont pas pour autant applicables aux demandes présentées pour l'octroi d'un tel visa.
5. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une telle demande est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
6. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant ivoirien né en 2003, a obtenu son baccalauréat en 2022 et s'est inscrit en première année de bachelor en Business studies, parcours webmarketing et marketing digital, dans un établissement privé, l'institut supérieur Doctorate of business administration, à Paris. Le conseiller de Campus France et le service de coopération et d'action culturelle ont émis un avis défavorable, compte tenu du manque d'intérêt et de connaissance de M. A... pour la formation visée et son projet d'études. Il ressort également des pièces du dossier que la formation dispensée par l'établissement choisi n'est pas inscrite au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et n'est dès lors pas reconnue. En se bornant à se prévaloir de la qualité des enseignements des établissements supérieurs en France, M. A... ne justifie pas de l'intérêt qu'il porte à la formation qu'il entend suivre ni d'un projet professionnel sérieux et cohérent et il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ne pouvait pas suivre une formation équivalente en Côte d'Ivoire. Enfin, M. A... n'apporte aucune précision quant à d'éventuelles attaches familiales et matérielles qu'il aurait en Côte d'Ivoire, alors qu'il est constant que son frère, qui se propose de l'héberger, vit en France sous couvert d'un titre de séjour salarié après avoir effectué ses études supérieures sur le territoire français. Dans ces conditions, en retenant que le projet d'études de M. A... n'était pas sérieux et cohérent et révélait l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins étrangères à ses études, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. En outre, il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal s'est fondé, pour annuler la décision de la commission de recours, sur le motif que cette décision était entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
9. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
10. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas dans lesquels un visa de long séjour en vue de déposer une demande d'asile en France peut être refusé, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises, saisies d'une telle demande, disposent, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'un large pouvoir d'appréciation et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public, tel que le détournement de l'objet du visa, mais aussi sur toute considération d'intérêt général.
11. Il s'ensuit que lorsqu'une telle décision de refus de visa est fondée sur l'un de ces motifs et permet d'identifier, dans les circonstances de l'espèce, les raisons de ce refus, elle doit être regardée comme étant suffisamment motivée en droit comme en fait.
12. Ainsi qu'il est énoncé au point 2, il ressort de l'accusé de réception du recours administratif préalable obligatoire formé par M. A... devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, que la décision implicite de cette commission est réputée rejetée pour les mêmes motifs que ceux de la décision consulaire. Il ressort des pièces du dossier que l'autorité consulaire française en Côte d'Ivoire a refusé de délivrer le visa de long séjour demandé en qualité d'étudiant au motif, notamment, qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins autres que les études. Ces mentions permettaient à l'intéressé d'identifier les considérations de droit et de fait motivant ce refus, compte-tenu des pièces qu'il avait produites à l'appui de sa demande de visa, et, en conséquence, de discuter utilement ces motifs, de sorte que cette décision satisfait à l'exigence de motivation qui découle des dispositions mentionnées ci-dessus de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité d'étudiant.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui annule le jugement du tribunal administratif et rejette la demande de M. A... devant les premiers juges, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300355 du 27 novembre 2023 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé de délivrer à M. A... un visa de long séjour et les conclusions présentées par M. A... devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
S. DEGOMMIER Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24NT00144