Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société VL Trac Bvba, société de droit belge, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 9 septembre 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
des Hauts-de-France lui a infligé une amende administrative d'un montant de 5 000 euros et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2004097 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2022, la société VL Trac Bvba, représentée par Me Martin Danel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 9 septembre 2019 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
des Hauts-de-France lui a infligé une amende administrative d'un montant de 5 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'amende administrative qui lui a été infligée est dépourvue de base légale ;
- le manquement qui lui est reproché n'est pas caractérisé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2023, le ministre du travail, de l'insertion sociale et de l'emploi conclut au rejet de la requête
Il soutient que les moyens soulevés par la société VL Trac Bvba ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 31 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société VL Trac Bvba a fait l'objet, le 10 avril 2028, d'un contrôle effectué par une inspectrice du travail de l'unité départementale du Pas-de-Calais, unité de contrôle Béthune Saint-Omer, diligenté sur l'un de ses chantiers à Lestrem (62). A l'issue de ce contrôle, au cours duquel il a été constaté qu'une nacelle élévatrice de marque étrangère était dépourvue du " marquage CE de conformité " prévu par les dispositions de l'article R. 4313-3 du code du travail, et que la notice d'utilisation de cet équipement n'était pas traduite dans la langue du salarié, de nationalité polonaise, qui l'utilisait, l'inspectrice du travail a, le 23 avril 2018, adressé à cette société une demande, reçue le 26 avril 2018, tendant à ce qu'elle fasse procéder à une vérification de conformité de cet équipement par un organisme accrédité. Estimant que les éléments qui lui avaient été adressés par la société VL Trac Bvba ne correspondaient à l'objet de cette demande, en dépit du délai supplémentaire qui lui avait été accordé, l'inspectrice du travail a rédigé le 8 mars 2019 un rapport, transmis au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France. Après avoir invité la société VL Trac Bvba à présenter ses observations préalables, par un courrier du 14 mai 2019 demeuré sans réponse, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi des Hauts-de-France a pris à l'encontre de cette société, le 9 septembre 2019, une décision lui infligeant une amende administrative de 5 000 euros. La société VL Trac Bvba a formé contre cette décision un recours gracieux, rejeté le 20 décembre 2010, puis a demandé le réexamen de ce recours par un courrier du 20 décembre 2019, dont la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi
des Hauts-de-France a accusé réception par un courrier du 10 janvier 2020, précisant la date à laquelle le silence conservé sur cette demande ferait naître une décision implicite de rejet ainsi que les voies et délais de recours, tout en indiquant que le document produit par la société VL Trac Bvba à l'appui de son courrier ne correspondait pas à la vérification de conformité demandée par l'inspectrice du travail le 23 avril 2018. La société VL Trac Bvba relève appel du jugement du 28 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 septembre 2019.
2. Aux termes de l'article L. 4722-1 du code du travail : " L'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 peut, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, demander à l'employeur de faire procéder à des contrôles techniques, consistant notamment : / 1° A faire vérifier l'état de conformité de ses installations et équipements avec les dispositions qui lui sont applicables ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 4722-5 de ce code, dans sa version applicable au litige : " L'inspecteur du travail ou le contrôleur du travail peut demander à l'employeur de faire vérifier, par un organisme accrédité, la conformité des équipements de travail mentionnés à l'article L. 4321-1 avec les dispositions qui leur sont applicables ". Aux termes de l'article R. 4722-7 du même code : " L'employeur ou le responsable de l'opération mentionnée à l'article L. 4311-3 justifie qu'il a saisi l'organisme accrédité dans les quinze jours suivant la date de demande de vérification. / Il transmet les résultats des vérifications à l'inspection du travail dans les dix jours qui suivent leur réception ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4321-1 du code du travail, qui détermine les installations et équipements susceptibles de faire l'objet du contrôle prévu par
l'article R. 4722-5, cité au point précédent, de ce code : " Les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements destinés à recevoir des travailleurs sont équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, y compris en cas de modification de ces équipements de travail et de ces moyens de protection ". A cet égard, l'article L. 4311-1 du code du travail pose le principe de la conformité à des règles techniques de conception et de construction des équipements de travail mis sur le marché, lesquels sont définis à l'article L. 4311-2 et énumérés par l'article R. 4311-4 de ce code qui mentionne, notamment, les machines et accessoires de levage. L'article R. 4322-1 du code du travail dispose, quant à lui : " Les équipements de travail et moyens de protection, quel que soit leur utilisateur, sont maintenus en état de conformité avec les règles techniques de conception et de construction applicables lors de leur mise en service dans l'établissement, y compris au regard de la notice d'instructions. / (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article L. 4752-2 du code du travail : " Le fait pour l'employeur de ne pas se conformer aux demandes de vérifications, de mesures ou d'analyses prises par l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 en application de l'article L. 4722-1 et aux dispositions réglementaires prises pour l'application du même article, est passible d'une amende maximale de 10 000 euros ".
5. En premier lieu, la société VL Trac Bvba soutient que la sanction qui lui a été infligée est dépourvue de base légale, dès lors que le défaut d'établissement d'un rapport de conformité d'une nacelle de chantier ne correspond à aucune des infractions énumérées par l'article L. 8115-1 du code du travail qui, visé dans la décision contestée, sanctionne certains manquements relatifs à la durée du temps de travail, à la rémunération des travailleurs et aux dispositions relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement des salariés. Toutefois, il résulte des termes mêmes de la décision contestée du 9 septembre 2019 que l'amende infligée à la société VL Trac Bvba est en réalité fondée sur les dispositions, citées au point précédent, de l'article L. 4752-2 du code du travail, également mentionné dans cette décision, et sanctionne le fait pour la société VL Trac Bvba de ne pas s'être conformée à la demande que lui avait adressée l'inspectrice du travail le 23 avril 2018 en application des dispositions de l'article L. 4722-1 du code du travail, tendant à ce qu'elle fasse procéder par un organisme accrédité à une vérification de conformité d'un équipement de travail. Par ailleurs, la nacelle élévatrice en cause était au nombre des machines et instruments de levage susceptibles de faire l'objet, en application des dispositions citées au point 3, de la demande de vérification de conformité prévue par ce même article L. 4722-1. Il s'ensuit que le moyen tiré par la société VL Trac Bvba du défaut de base légale de la sanction qui lui a été infligée doit être écarté.
6. En second lieu, la société VL Trac Bvba soutient que la décision contestée ne pouvait légalement se fonder sur le motif selon lequel elle n'avait " pas procédé à la vérification requise par un organisme accrédité " demandée par l'inspectrice du travail, dès lors qu'elle a justifié de la conformité de l'équipement en produisant, par un courrier du 19 juillet 2018, le rapport d'examen avant mise en service de l'équipement établi le 3 juillet 2018 par un organisme belge titulaire d'une accréditation présentant une valeur juridique équivalente à celle des accréditations délivrées en France. Toutefois, si l'auteur de ce rapport conclut que, lors de la vérification de la nacelle élévatrice, " aucun problème n'a été constaté " et que l'utilisation du matériel ne peut être poursuivi, ce document, intitulé " rapport de l'examen avant (re)mise en service de votre (vos) appareil(s) de levage, de manutention et EPL ", énonce dans le paragraphe intitulé " principes généraux " que " Nos contrôles n'ont pas pour objet la vérification de la conception du matériel, le contrôle de la conformité avec les prescriptions de mise en sécurité prescrites par le code du travail ". Par suite, ce rapport ne peut être regardé comme ayant eu pour objet de vérifier, conformément à la demande de l'inspectrice du travail, l'état de conformité de la nacelle élévatrice avec les dispositions applicables à cet équipement, au sens des dispositions du 1° de l'article L. 4722-1 du code du travail, et, notamment, aux règles techniques de conception et de construction prévues par les dispositions de l'article L. 4311-1 de ce code, ainsi qu'à l'obligation, résultant des dispositions des articles L. 4311-2 et R. 4322-1 du même code, de maintenir les équipements dans cet état de conformité. Si la société VL Trac Bvba fait, en outre, valoir qu'elle a également produit un rapport réalisé par l'APAVE, dont il n'est pas contesté qu'il correspondait aux vérifications demandées par l'inspectrice du travail, il résulte de l'instruction que ce rapport n'a été établi qu'à la suite de vérifications réalisées en février et mars 2020, à la suite d'une demande formulée par la société appelante auprès de l'APAVE en janvier 2020, qu'il a été signé le 20 juin 2020 et que l'ensemble de ces éléments était postérieur tant à l'expiration du second délai de quinze jours, expirant le 15 juin 2018, imparti à cette société par l'inspectrice du travail pour saisir un organisme accrédité, qu'à l'intervention de la décision contestée du 9 septembre 2019, date à laquelle le manquement sanctionné était constitué.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société VL Trac Bvba n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société VL Trac Bvba est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société VL Trac Bvba et au ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience publique du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
Signé : D. Bureau
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier La République mande et ordonne au ministre du travail et de l'emploi ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 22DA02470