Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 12 août 2024 par lequel la préfète de l'Essonne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2407809, en date du 13 janvier 2025, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2025 sous le n° 25VE00240, M. B..., représentée par Me Abderrezak, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Essonne, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en le munissant d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen ;
5°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'omissions à statuer ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation, et méconnait l'autorité de la chose jugée ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée en ce que par un jugement du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 26 janvier 2022 et a enjoint à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, sa situation personnelle n'ayant pas changé depuis ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'ayant bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " salarié " et n'ayant pas changé d'activité professionnelle depuis lors, il était nécessairement en possession d'une autorisation de travail qui ne lui a cependant pas été notifiée, et la préfète ne pouvait dès lors exiger qu'il produise une nouvelle autorisation de travail ;
- elle est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'à la demande des services préfectoraux, il a déposé une nouvelle demande d'autorisation de travail le 26 juillet 2024, qui était en cours d'instruction à la date de l'arrêté contesté et qui lui a été accordée le 30 septembre 2024 ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels d'admission au séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Un mémoire présenté pour la préfète de l'Essonne a été enregistré le 11 mars 2025 et n'a pas été communiqué.
II. Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2025 sous le n° 25VE00241, M. B..., représenté par Me Abderrezak, avocat, demande à la cour :
1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté pris par la préfète de l'Essonne en date du 12 août 2024 en tant qu'il rejette sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
2°) d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans l'attente du réexamen de sa situation, dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Essonne de supprimer la mention de la mesure d'éloignement prise à son encontre du système d'information Schengen ;
4°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors qu'il s'agit d'une décision portant refus de renouvellement de titre de séjour, cas dans lequel l'urgence est présumée, et que cette décision le met en situation de perdre son emploi ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, pour les mêmes moyens que ceux énoncés à l'appui des conclusions de la requête n° 25VE00240.
La requête a été communiquée le 25 février 2025 à la préfète de l'Essonne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Even,
- et les observations de Me Girod représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain, né le 25 février 1986 à Akka Ighane, est entré en France le 2 septembre 2015 muni d'un visa de court-séjour valable jusqu'au 24 septembre 2015. Il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié le 15 février 2021. Par un arrêté du 26 janvier 2022, le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement n° 2201726 en date du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté et enjoint au préfet du Val-d'Oise de délivrer à M. B... un titre de séjour l'autorisant à travailler. L'intéressé a, en exécution de cette décision, bénéficié d'une carte de séjour portant la mention " salarié ", valable du 22 février 2023 au 21 février 2024, dont il a sollicité le renouvellement le 19 décembre 2023. Par un arrêté du 12 août 2024, la préfète de l'Essonne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par une requête n° 25VE00240, M. B... relève appel du jugement du 13 janvier 2025 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par une requête n° 25VE00241, il demande à la cour de suspendre l'exécution de cet arrêté en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour.
2. Les requêtes nos 25VE00240 et 25VE00241 concernent la situation d'un même requérant et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y'a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 25VE00240 :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, ces stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
5. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que la préfète de l'Essonne a examiné d'office si M. B... remplissait les conditions pour bénéficier d'une mesure de régularisation, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose à cet effet, estimant que l'intéressé ne rapportait pas la preuve que sa situation répondrait à des considérations humanitaires ou exceptionnelles. M. B... se prévaut à cet égard de l'ancienneté de sa présence en France et de son insertion professionnelle. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France le 2 septembre 2015, date depuis laquelle il réside sur le territoire français de manière continue. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... exerce en qualité de boulanger pour le compte de la SAS Opéra Baconnet depuis le 18 octobre 2018, dans un premier temps sous contrat à durée déterminée, puis sous contrat à durée indéterminée et à temps plein depuis le 18 octobre 2019. Le requérant justifie par ailleurs de sa qualification pour cet emploi, démontrée d'une part par les bulletins d'évaluation pédagogique de la formation en boulangerie-pâtisserie suivie à l'Institut des compétences hôtelières d'Agadir entre 2011 et 2013, et d'autre part par la production d'une attestation rédigée par son employeur. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. B... suit avec assiduité les formations civiques et linguistiques dispensées par les services de l'OFII. Dans ces conditions, en refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour en qualité de salarié, au titre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, la préfète de l'Essonne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour en date du 12 août 2024 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la préfète de l'Essonne délivre à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " Elle implique également que le signalement de M. B... soit effacé du système d'information Schengen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de l'Essonne, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ainsi que de procéder à l'effacement du signalement dont M. B... fait l'objet du système d'information Schengen, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la requête n° 25VE00241 :
9. Le présent arrêt réglant l'affaire au fond, les conclusions de la requête n° 25VE00241 à fin de suspension sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 25VE00241.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 2407809 du 13 janvier 2025 et l'arrêté de la préfète de l'Essonne du 12 août 2024 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète de l'Essonne de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.
Article 4 : Il est enjoint à la préfète de l'Essonne de faire effacer du système d'information Schengen, le signalement de M. B..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 25VE00240 est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à la préfète de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2025, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Mornet, présidente assesseure,
Mme Aventino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.
Le président-rapporteur,
B. Even
La présidente assesseure,
G. Mornet
La greffière,
I. Szymanski
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
2
Nos 25VE00240, 25VE00241