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08/04/2025 | FRANCE | N°23VE01974

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 08 avril 2025, 23VE01974


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société Orange à lui verser la somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des suspensions de fonctions décidées par la société Orange à son encontre de mars 2013 à septembre 2019.



Par un jugement n° 2011714 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de Mme B....



Pr

océdure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 août 2023, Mme B..., représentée par Me Sou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la société Orange à lui verser la somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des suspensions de fonctions décidées par la société Orange à son encontre de mars 2013 à septembre 2019.

Par un jugement n° 2011714 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2023, Mme B..., représentée par Me Soulard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de juger que la société Orange a commis une faute en lui retirant toutes fonctions entre le 13 mars 2013 et le 1er septembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Orange a commis une faute en la laissant cinq ans et demi sans aucune activité ;

- la société Orange a essayé de la licencier sans respecter la procédure prévue en matière de contrat de travail ; si elle avait procédé de la sorte, le ministère de l'économie aurait pris un arrêté de fin de détachement rapidement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2025, la société Orange, représentée par Me Naugès, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 91-48 du 14 janvier 1991 modifiant le décret n°67-715 du 16 août 1967 ;

- le décret n° 2006-96 du 1er février 2006 ;

- le décret n° 2009-63 modifié du 16 janvier 2009 ;

- le décret n° 2018-608 du 13 juillet 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pilven,

- les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique,

- et les observations de Mme B....

Une note en délibéré présentée pour Mme B... a été enregistrée le 25 mars 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ingénieure générale des mines, demande la condamnation de la société Orange à l'indemniser en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la suspension de fonctions que lui a infligée la société Orange à compter du 13 mars 2013 et jusqu'à septembre 2019. Mme B... relève appel du jugement du 22 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à cette condamnation.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 20 du décret n° 2006-96 du 1er février 2006 : " (...) Les ingénieurs des télécommunications en position d'activité à France Télécom ou en position de détachement au sein de France Télécom ou de ses filiales sont rattachés pour leur gestion au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie et détachés d'office auprès de France Télécom ou de ses filiales pour une durée de quinze ans. " Aux termes de l'article 44 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom : " (...) les fonctionnaires relevant de statuts interministériels ou de corps d'administration centrale restent soumis aux dispositions de leurs statuts particuliers. Ces statuts particuliers prévoient les conditions spécifiques dans lesquelles les fonctionnaires concernés peuvent être mis à la disposition de l'exploitant public de France Télécom ou de leurs filiales, notamment par voie de détachement d'office ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme B..., ingénieure des télécommunications, détachée dans un emploi supérieur de la société France Télécom et placée en position hors cadres, par un arrêté du 3 octobre 2002, à compter du 1er août 2002, bénéficiait depuis cette dernière date d'un contrat de travail et était régie par la convention collective nationale des Télécommunications et par la convention commune La Poste-France Télécom. A la suite de l'intervention du décret du 1er février 2006, modifiant le décret n° 67-715 relatif au statut particulier du corps des ingénieurs des télécommunications, elle a été réintégrée pour ordre dans son corps d'origine et placée en position de détachement dans des emplois supérieurs de la société France Télécom à compter du 1er février 2006, par arrêté du 2 novembre 2006. Par arrêté du 21 novembre 2006, elle a été placée en position de détachement d'office auprès de la société France Telecom ou de ses filiales pour une durée de 15 ans à compter du 3 février 2006. L'arrêté n° 19-018 du 11 janvier 2019 adopté sur le fondement du décret du 16 janvier 2009, portant statut particulier du corps des ingénieurs des mines, modifié par le décret du 13 juillet 2018, l'a en outre maintenue, de plein droit et sans limitation de durée, dans cette position. Sur le fondement de ces dispositions, Mme B... ne se trouvait plus, à compter du 1er février 2006, dans une position hors cadres mais était placée dans celle du détachement d'office sur un emploi supérieur au sein de la société Orange en conservant sa qualité de fonctionnaire, et ne pouvait dès lors plus se prévaloir du contrat de travail ayant pris effet depuis le 1er août 2002. Dès lors, le moyen tiré de ce que Mme B... aurait fait l'objet de la part de la société Orange, par sa décision du 13 mars 2013 de cessation anticipée de détachement et de demande de réintégration auprès du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, d'un licenciement déguisé de la part de cette société ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions : " Il peut être mis fin au détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant soit à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, soit de l'administration d'origine. / Lorsqu'il est mis fin au détachement à la demande de l'administration ou de l'organisme d'accueil, le fonctionnaire continue, si son administration d'origine ne peut le réintégrer immédiatement, à être rémunéré par l'administration ou l'organisme d'accueil jusqu'à ce qu'il soit réintégré, à la première vacance, dans son administration d'origine. / Le fonctionnaire peut également demander qu'il soit mis fin à son détachement avant le terme fixé par l'arrêté le prononçant. Il cesse d'être rémunéré si son administration ne peut le réintégrer immédiatement : il est alors placé en position de disponibilité jusqu'à ce qu'intervienne sa réintégration à l'une des trois premières vacances dans son grade ". Il résulte de ces dispositions que l'administration d'origine, en tant qu'autorité investie du pouvoir de nomination, est seule compétente pour mettre fin au détachement avant le terme fixé. Saisie d'une demande en ce sens de l'organisme d'accueil, elle est tenue d'y faire droit.

5. Il résulte de l'instruction que Mme B... était placée en position de détachement au sein de la société Orange. Ce détachement pouvait prendre fin avant l'expiration du terme fixé à la demande de la société Orange, organisme d'accueil. Il appartenait alors au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, saisi de cette demande, de mettre fin à ce détachement et d'affecter Mme B... sur de nouvelles fonctions. Ainsi, à compter du 13 mars 2013, date à laquelle elle a décidé de mettre fin de manière anticipée au détachement de Mme B..., la société Orange avait pour seule obligation de la rémunérer jusqu'à sa réintégration dans son administration d'origine. Dès lors que la société Orange a saisi en temps utile le ministère de l'économie et des finances pour mettre fin au détachement de Mme B... tout en continuant de la rémunérer dans l'attente de sa réintégration, elle ne peut être regardée comme fautive du fait qu'elle n'ait pas reçu de nouvelles fonctions. Par suite, Mme B..., qui n'a au demeurant pas formé de demande indemnitaire à l'encontre de l'Etat, n'est pas fondée à soutenir que la société Orange aurait commis une faute en la privant d'affectation à compter du 13 mars 2013 et jusqu'au 1er septembre 2018.

6. Il résulte de ce qui précède et, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa demande indemnitaire, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. La société Orange n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros à verser à la société Orange sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera la somme de 1 500 euros à la société Orange en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Etienvre, président de chambre,

M. Pilven, président-assesseur,

Mme Pham, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.

Le rapporteur,

J-E. PilvenLe président,

F. EtienvreLa greffière,

S. Diabouga

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 23VE01974002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01974
Date de la décision : 08/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ETIENVRE
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : AARPI MCDERMOTT WILL & EMERY

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-08;23ve01974 ?
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