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05/02/2025 | FRANCE | N°52500118

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 février 2025, 52500118


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 février 2025








Rejet




M. SOMMER, président






Arrêt n° 118 FS-B


Pourvoi n° J 23-12.773


Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 avril 2023.








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025




La société ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 février 2025

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 118 FS-B

Pourvoi n° J 23-12.773

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 avril 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 FÉVRIER 2025

La société Entreprise Guy Challancin, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-12.773 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [H] [I], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société Samsic transport, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

M. [I] a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Redon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Entreprise Guy Challancin, de la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet, avocat de M. [I], et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 janvier 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Redon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2023), statuant en matière de référé, M. [I] a été engagé en qualité d'ouvrier affecté au nettoyage de rames de métro à compter du 1er avril 2015 par la société Samsic transport (l'entreprise sortante). Il a été en arrêt de travail à compter du 2 février 2021.

2. À compter du 1er septembre 2021, la société Samsic transport a perdu le marché de nettoyage dont elle bénéficiait au profit de la société Entreprise Guy Challancin (l'entreprise entrante).

3. Par lettre du 1er octobre 2021, l'entreprise entrante a informé M. [I] de ce qu'il n'avait pas été transféré dans ses effectifs faute de signature de l'avenant qui lui avait été adressé et qu'il restait salarié de l'entreprise sortante.

4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale en sa formation de référé aux fins de condamnation de l'entreprise entrante à l'intégrer dans ses effectifs à compter du 1er septembre 2021, et subsidiairement qu'il soit dit qu'il reste intégré au sein des effectifs de l'entreprise sortante et que les démarches utiles auprès de la caisse primaire d'assurance maladie soient effectuées pour que ses prestations lui soient versées.

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. L'entreprise entrante fait grief à l'arrêt de juger que le contrat de travail du salarié lui a été transféré à compter du 1er septembre 2021, alors :

« 1°/ que lorsque les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de ce contrat qui ne peut intervenir sans son accord exprès ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'à effet du 1er septembre 2021, la société Guy Challancin avait succédé à la société Samsic transport sur le marché de nettoyage de la ligne 8 du métro parisien et qu'en application de l'article 15 ter de la convention collective de la manutention ferroviaire organisant le transfert conventionnel des contrats de travail en cas de changement de prestataire, la société Guy Challancin avait proposé à M. [I] un avenant à son contrat de travail actant sa reprise; que la cour d'appel a encore constaté que le salarié ne s'était pas présenté pour signer cet avenant de reprise aux dates où il avait été convoqué et ne s'était pas davantage présenté à son poste le jour de la reprise du chantier ; qu'en jugeant néanmoins que le transfert de son contrat de travail au sein de la société Guy Challancin était intervenu ''de plein droit'' en application de la disposition conventionnelle susvisée, lorsqu'en l'absence d'accord exprès du salarié, son contrat de travail n'avait pu être transféré, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1 du code du travail, 1134 devenu 1103 du code civil et 1271 devenu 1329 du code civil ;

2°/ l'ancien article 15 ter, devenu 20.1 de la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 12 juin 2019, dispose que : ''Au cas où, suite à la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché public (ci-après dénommé « marché initial ») en tout ou partie, et ce quel que soit le donneur d'ordres, une activité entrant dans le champ d'application de la présente convention collective serait attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, la continuité des contrats de travail existant au dernier jour du contrat commercial ou du marché précédent des salariés non cadres et cadres d'exploitation jusqu'au coefficient 282,5 du premier employeur affectés à ladite activité depuis au moins 6 mois serait assurée chez l'employeur entrant. Les salariés devant être en situation régulière au regard de la législation du travail, et notamment des dispositions législatives et réglementaires visées aux articles L. 5221-1 et suivants du code du travail ; (...) ; À charge pour cette ou ces entreprise(s) entrante(s) d'assurer les obligations légales et conventionnelles, notamment financières, en matière de gestion des effectifs et d'organisation du travail dans le cadre du nouveau contrat'' ; qu'en affirmant qu'il résulte de cette disposition que le transfert des contrats de travail s'effectue ''de plein droit'' lorsqu'il est subordonné à la conclusion d'un ''nouveau contrat'', la cour d'appel a violé l'article 20.1 de la convention collective du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 12 juin 2019. »

Réponse de la Cour

6. D'abord, le principe selon lequel, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail du salarié ne peut s'opérer qu'avec son accord exprès, ayant été édicté dans le seul intérêt du salarié, sa méconnaissance ne peut être invoquée que par celui-ci.

7. Ensuite, selon l'article 20-1 de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 12 juin 2019, étendue par arrêté du 2 avril 2021, au cas où, suite à la cessation d'un contrat commercial ou d'un marché public (ci-après dénommé « marché initial ») en tout ou partie, et ce quel que soit le donneur d'ordres, une activité entrant dans le champ d'application de la présente convention collective serait attribuée à un titulaire distinct du titulaire antérieur, la continuité des contrats de travail existants au dernier jour du contrat commercial ou du marché précédent des salariés non-cadres et cadres d'exploitation jusqu'au coefficient 282,5 du premier employeur affectés à ladite activité depuis au moins 6 mois serait assurée chez l'employeur entrant, à charge pour cette ou ces entreprise(s) entrante(s) d'assurer les obligations légales et conventionnelles, notamment financières, en matière de gestion des effectifs et d'organisation du travail dans le cadre du nouveau contrat.

8. Il en résulte qu'en l'absence de dispositions prévoyant, vis-à-vis des salariés concernés, une procédure particulière pour la reprise de leur contrat de travail par le nouveau titulaire du marché, leur accord à ce changement d'employeur n'est soumis à aucune forme particulière.

9. L'arrêt constate, d'une part, que la société entrante a informé le salarié du transfert de son contrat de travail à compter du 1er septembre 2021 et l'a invité à se présenter auprès de son service de ressources humaines pour la signature d'un « avenant à son contrat », mais que ce dernier, en arrêt de travail depuis le 2 février 2021, ne s'était pas présenté aux dates auxquelles il avait été convoqué pour signer cet avenant de reprise, d'autre part, qu'il avait adressé à l'entreprise entrante ses arrêts maladie afin qu'elle puisse transmettre les éléments nécessaires à la caisse primaire d'assurance-maladie pour le maintien des indemnités journalières et soutenait que son contrat de travail avait été transféré en application des dispositions conventionnelles précitées.

10. Il en résulte que le salarié avait accepté la poursuite de son contrat de travail avec l'entreprise entrante laquelle ne pouvait se prévaloir de l'absence de signature de l'avenant qui lui avait été proposé pour s'opposer à la continuité du contrat de travail.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle dit que le contrat du salarié a été transféré à la société entrante à compter du 1er septembre 2021.

Sur le moyen du pourvoi provoqué

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes dirigées contre l'entreprise entrante, alors « que la cassation à intervenir, le cas échéant, sur le pourvoi principal, entraînera la cassation par voie de conséquence du rejet des demandes dirigées contre la société Samsic transport. »

Réponse de la Cour

13. Le moyen du pourvoi principal étant rejeté, le grief tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois, tant principal que provoqué ;

Condamne la société Entreprise Guy Challancin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Entreprise Guy Challancin à payer à la SCP Anne Sevaux et Paul Mathonnet la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500118
Date de la décision : 05/02/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Conventions diverses - Convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 12 juin 2019, étendue par arrêté du 2 avril 2021 - Article 20-1 - Changement de prestataire - Transfert du salarié - Continuation du contrat de travail - Conditions - Accord exprès du salarié - Nécessité - Forme - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Continuation du contrat de travail - Conditions - Application volontaire - Accord exprès du salarié - Nécessité - Méconnaissance - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Continuation du contrat de travail - Conditions - Application volontaire - Accord exprès du salarié - Nécessité - Forme - Détermination - Portée

D'abord, le principe selon lequel, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail du salarié ne peut s'opérer qu'avec son accord exprès, ayant été édicté dans le seul intérêt du salarié, sa méconnaissance ne peut être invoquée que par celui-ci. Ensuite, il résulte de l'article 20-1 de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 12 juin 2019, étendue par arrêté du 2 avril 2021, qu'en l'absence de dispositions prévoyant, vis-à-vis des salariés concernés, une procédure particulière pour la reprise de leur contrat de travail par le nouveau titulaire du marché, leur accord à ce changement d'employeur n'est soumis à aucune forme particulière. Doit en conséquence être approuvé l'arrêt qui a retenu que le contrat de travail du salarié avait été transféré à l'entreprise entrante après avoir constaté qu'il avait adressé à cette dernière ses arrêts maladie afin qu'elle puisse transmettre les éléments nécessaires à la caisse primaire d'assurance maladie pour le maintien des indemnités journalières et soutenait que son contrat de travail avait été transféré en application des dispositions conventionnelles précitées, ce dont il résultait qu'il avait accepté la poursuite de son contrat de travail avec l'entreprise entrante laquelle ne pouvait se prévaloir de l'absence de signature de l'avenant qui lui avait été proposé pour s'opposer à la continuité du contrat de travail


Références :

Article 20-1 de la convention collective nationale du personnel des entreprises de manutention ferroviaire et travaux connexes du 12 juin 2019, étendue par arrêté du 2 avril 2021

article L. 1224-1 du code du travail.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 janvier 2023

Sur la nécessité d'un accord du salarié relativement au transfert de son contrat de travail intervenu en application de dispositions conventionnelles, à rapprocher : Soc., 12 septembre 2018, pourvoi n° 16-28407, (cassation) ; Soc., 12 juin 2019, pourvoi n° 17-21013, (rejet). Sur l'invocation possible par le seul salarié de son absence d'accord au transfert conventionnel en dehors des cas d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail : Soc., 12 juin 2019, pourvoi n° 17-21013, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 fév. 2025, pourvoi n°52500118


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500118
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