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04/12/2024 | FRANCE | N°52401251

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 décembre 2024, 52401251


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 4 décembre 2024








Cassation partielle sans renvoi




M. SOMMER, président






Arrêt n° 1251 FS-B


Pourvoi n° J 23-11.485








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______________

__________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 DÉCEMBRE 2024


La société Alsachimie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-11.485 contre deux ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 4 décembre 2024

Cassation partielle sans renvoi

M. SOMMER, président

Arrêt n° 1251 FS-B

Pourvoi n° J 23-11.485

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 DÉCEMBRE 2024

La société Alsachimie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-11.485 contre deux jugements rendus les 26 septembre et 20 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Mulhouse (section industrie), dans le litige l'opposant à M. [G] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Alsachimie, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mme Le Quellec, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon les jugements attaqués (conseil de prud'hommes de Mulhouse, 26 septembre 2022 et 20 décembre 2022), rendus en dernier ressort, M. [N] a été engagé en qualité d'opérateur logistique par la société Rhodia Polyamide, aux droits de laquelle vient la société Alsachimie, suivant contrat de travail du 22 novembre 2007.

2. Le 4 octobre 2021, le salarié a transmis à son employeur un certificat médical faisant état de la maladie de son enfant et a été absent les 4 et 5 octobre 2021 pour garder celui-ci.

3. Le 16 novembre 2021, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief au jugement du 20 décembre 2022 de déclarer les demandes du salarié recevables et bien fondées, de dire et juger que le maintien du salaire doit être effectif pour les journées des 4 et 5 octobre 2021 et de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de salaire, outre congés payés afférents, alors :

« 1°/ qu'en application de la règle specialia generalibus derogant, le texte particulier doit s'appliquer par exception à la règle générale ; que l'article L. 1226-23 du code du travail, dans sa version applicable issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, prévoit que "le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire" ; que l'article L. 1225-61 du code du travail dispose que "le salarié bénéficie d'un congé non rémunéré en cas de maladie ou d'accident, constatés par certificat médical, d'un enfant de moins de seize ans dont il assume la charge au sens de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale. La durée de ce congé est au maximum de trois jours par an. Elle est portée à cinq jours si l'enfant est âgé de moins d'un an ou si le salarié assume la charge de trois enfants ou plus âgés de moins de seize ans" ; qu'il en résulte que lorsque le salarié doit s'absenter en raison de la maladie de son enfant, il a droit au congé non rémunéré d'une durée maximale de trois jours prévu par l'article L. 1225-61, et non au maintien intégral de son salaire, cette hypothèse particulière n'étant pas prévue par l'article L. 1226-23 ; qu'au cas présent, il résulte des constatations du jugement que M. [N] a été absent les 4 et 5 octobre 2021 et qu'il a fourni, pour justifier de ses absences, un certificat médical du 4 octobre 2021 établissant que "l'état de santé de l'enfant [O] [N] nécessite la présence de son père Monsieur [N] à domicile, pour une surveillance, pendant une période de 2 jours, à compter du lundi 4 octobre 2021" ; qu'en refusant néanmoins d'appliquer les dispositions de l'article L. 1225-61 du code du travail pour considérer que M. [N] avait droit au maintien de salaire au titre de ses journées d'absence des 4 et 5 octobre 2021, le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 1225-61 du code du travail, ensemble le principe "specialia generalibus derogant", selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales ;

2°/ subsidiairement, que l'article L. 1226-23 du code du travail, dans sa version applicable issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, prévoit que "le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire" ; qu'aucune disposition de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ne se réfère au principe de "législation à droit constant" ; qu'en se référant néanmoins au principe de recodification à droit constant pour faire application des anciennes dispositions de l'article 616 du code civil local codifiées à l'article L. 1226-23 du code du travail par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 et en déduire que M. [N] avait droit au maintien de salaire au titre de ses journées d'absence des 4 et 5 octobre 2021, cependant que ces dispositions avaient été ultérieurement modifiées par la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, de sorte que le conseil de prud'hommes n'était plus fondé à se référer à une interprétation jurisprudentielle des dispositions antérieures à la loi nouvelle applicable à M. [N], le conseil de prud'hommes a violé l'article L. 1226-23 dans sa version applicable au litige issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, ensemble l'article 2 du code civil ;

3°/ qu'en tout état de cause, l'article L. 1226-23 du code du travail, dans sa version applicable issue de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, prévoit que "le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire" ; que l'application de ces dispositions suppose que le salarié a été empêché d'effectuer sa prestation de travail pour une cause qui lui était personnelle ; que ce texte n'est donc pas applicable dans l'hypothèse où l'absence du salarié est causée par la maladie de son enfant ; qu'en décidant néanmoins que M. [N] avait droit au maintien de son salaire pour les journées du 4 et 5 octobre 2021, après avoir constaté que les absences du salarié avaient été motivées par la maladie de son enfant, ce dont il aurait dû déduire que les dispositions susvisées n'étaient pas applicables, le conseil de prud'hommes, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article L. 1226-23 du code du travail, ensemble l'article 12 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La recodification du code du travail, est, sauf dispositions expresses contraires, intervenue à droit constant.

6. Aux termes de l'article L. 1225-61 du code du travail, le salarié bénéficie d'un congé non rémunéré en cas de maladie ou d'accident, constatés par certificat médical, d'un enfant de moins de seize ans dont il assume la charge au sens de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale. La durée de ce congé est au maximum de trois jours par an. Elle est portée à cinq jours si l'enfant est âgé de moins d'un an ou si le salarié assume la charge de trois enfants ou plus âgés de moins de seize ans.

7. L'application de ce texte ne fait pas obstacle à celles des dispositions plus favorables de l'article L. 1226-23 du code du travail, applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, selon lesquelles le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire.

8. Le conseil de prud'hommes, qui a constaté que le salarié avait été absent afin de garder un enfant malade, a pu décider que cette absence constituait une cause personnelle indépendante de la volonté du salarié justifiant le maintien du salaire.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait grief au jugement du 20 décembre 2022 de déclarer les demandes du salarié recevables et bien fondées et de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre des congés payés afférents au salaire des journées des 4 et 5 octobre 2021, alors « que le temps de travail effectif s'entend du temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que sauf exceptions strictement encadrées par le législateur, la rémunération, qui sert d'assiette à l'indemnité de congé payé, s'entend de celle versée au salarié en contrepartie d'un travail effectif ; que si l'article L. 1226-23 du code du travail prévoit, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, que "le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire", il n'assimile pas cette période d'absence du salarié à un temps de travail effectif ouvrant droit à congés payés ; qu'il en résulte que les sommes versées en application de ce texte n'entrent pas dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congé payé ; qu'en condamnant néanmoins la société Alsachimie à payer à M. [N] une somme de 31,65 ¿ bruts au titre des congés payés afférents à la somme versée en application de l'article L. 1226-23 du code du travail, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé, ensemble les articles L. 3121-1, L. 3141-3, L. 3141-4, L. 3141-5, L. 3141-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1226-23 du code du travail :

11. Si selon l'article L. 1226-23 du code du travail, applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, une garantie de salaire est instaurée en cas d'absence pour une cause personnelle indépendante de la volonté du salarié et pour une durée relativement sans importance, ce texte n'assimile pas, pour la détermination des droits à congés payés, cette période d'absence à un temps de travail effectif.

12. Pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre des congés payés pour la période d'absence relevant de l'article L. 1226-13 du code du travail, le jugement retient que la demande de rappel de salaire doit être assortie des congés payés afférents.

13. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif du jugement statuant sur les dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur et non remises en cause.

17. Il y a lieu de condamner l'employeur, qui succombe pour l'essentiel, aux dépens.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Alsachimie à payer à M. [N] la somme de 31,65 euros brut au titre des congés payés afférents au rappel de salaire, le jugement rendu le 20 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Mulhouse ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de M. [N] en paiement de la somme de 31,65 euros brut au titre des congés payés afférents au rappel de salaire ;

Condamne la société Alsachimie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alsachimie et la condamne à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401251
Date de la décision : 04/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi

Analyses

ALSACE-MOSELLE - Contrat de travail - Suspension - Maintien de la rémunération - Conditions - Détermination - Applications diverses - Garde d'enfant malade

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Suspension - Maintien de la rémunération - Alsace-Moselle - Disposition de droit local - Conditions - Détermination - Applications diverses - Garde d'enfant malade ALSACE-MOSELLE - Contrat de travail - Suspension - Maintien de la rémunération - Conditions - Détermination - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Suspension - Maintien de la rémunération - Alsace-Moselle - Disposition de droit local - Conditions - Détermination - Applications diverses - Portée

La recodification du code du travail, est, sauf dispositions expresses contraires, intervenue à droit constant. Aux termes de l'article L. 1225-61 du code du travail, le salarié bénéficie d'un congé non rémunéré en cas de maladie ou d'accident, constatés par certificat médical, d'un enfant de moins de seize ans dont il assume la charge au sens de l'article L. 513-1 du code de la sécurité sociale. La durée de ce congé est au maximum de trois jours par an. Elle est portée à cinq jours si l'enfant est âgé de moins d'un an ou si le salarié assume la charge de trois enfants ou plus âgés de moins de seize ans. L'application de ce texte ne fait pas obstacle à celles des dispositions plus favorables de l'article L. 1226-23 du code du travail, applicable aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, selon lesquelles le salarié dont le contrat de travail est suspendu pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance a droit au maintien de son salaire. Justifie légalement sa décision de maintenir le salaire du salarié absent afin de garder un enfant malade le conseil de prud'hommes qui décide que cette absence constitue une cause personnelle indépendante de la volonté du salarié


Références :

Articles L. 1225-61 et L. 1226-23 du code du travail.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Mulhouse, 20 décembre 2022

Sur les conditions particulières pour le maintien de la rémunération en cas d'absence du salarié dans les départements d'Alsace-Moselle, à rapprocher : Soc., 15 mars 2017, pourvoi n° 15-16676, Bull. 2017, V, n° 48 (rejet), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 déc. 2024, pourvoi n°52401251


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401251
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