LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1234 FS-B
Pourvoi n° J 22-21.693
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024
La société Keolis [Localité 3] mobilités, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-21.693 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à M. [E] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Keolis [Localité 3] mobilités, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [T], et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Bouvier, Bérard, M. Dieu, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom avocat général, et Mme Dumont , greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 juillet 2022) statuant en matière de référé, M. [T] a été engagé en qualité d'agent commercial de conduite le 4 juillet 2005 par la société Twisto devenue Kéolis [Localité 3] mobilités (la société). Il exerçait des fonctions d'agent commercial de conduite-vérificateur aux derniers temps de la relation de travail.
2. Convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 16 avril 2021, le salarié a été licencié, le 20 mai 2021, pour faute grave.
3. Soutenant que son employeur était informé de sa qualité de conseiller du salarié avant la tenue du conseil de discipline prévue par la convention collective applicable et que l'employeur aurait dû solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale en référé, le 30 septembre 2021, aux fins d'ordonner sa réintégration sur le fondement d'un trouble manifestement illicite.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche, réunis
Enoncé des moyens
5. Par le premier moyen, la société fait grief à l'arrêt d'ordonner la réintégration du salarié dans son poste d'agent commercial de conduite vérificateur et de la condamner à lui payer certaines sommes à titre de provisions sur salaires et sur dommages-intérêts pour préjudice moral, alors « que ne constitue pas un trouble manifestement illicite le licenciement notifié à un salarié protégé sans saisine de l'inspection du travail dès lors qu'à la date de l'entretien préalable, l'employeur n'était pas informé du mandat de conseiller du salarié de l'intéressé ; qu'il importe peu que l'employeur en ait eu connaissance entre l'entretien préalable et la comparution du salarié devant le conseil de discipline appelé à donner son avis, en vertu de dispositions conventionnelles, sur le licenciement disciplinaire envisagé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que lors de l'entretien préalable en date du 16 avril 2021, le salarié n'avait pas informé son employeur de son mandat de conseiller du salarié ; qu'en affirmant que le licenciement notifié le 20 mai 2021 sans autorisation de l'inspecteur du travail constituait un trouble manifestement illicite dès lors que l'employeur avait été avisé de la désignation du salarié par courrier du préfet du Calvados reçu le 4 mai 2021, soit avant l'audition du salarié devant le conseil de discipline le 7 mai 2021, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-6 du code du travail . »
6. Par le second moyen, la société fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour se prévaloir de la protection attachée au mandat de conseiller du salarié mentionné par l'article L. 2411-1, 16°, du code du travail, le salarié doit, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, avoir informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l'employeur en avait alors connaissance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable qui s'était tenu le 16 avril 2021 et que l'employeur n'avait eu l'information du mandat du salarié que postérieurement, par courrier du Préfet du Calvados, reçu le 4 mai 2021 ; que néanmoins, pour considérer que l'employeur devait solliciter de l'inspection du travail une autorisation de licenciement, la cour d'appel a retenu que des auditions du salarié avaient eu lieu devant le conseil de discipline postérieurement à l'entretien préalable, les 30 avril et le 7 mai 2021, et qu'en ce que ces auditions avaient, en vertu des dispositions conventionnelles applicables, le même objet que l'entretien préalable, il y avait lieu de se placer à la date de la dernière audition, soit le 7 mai, pour déterminer si l'employeur était informé de l'existence du mandat du salarié ; qu'en statuant par de tels motifs, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-1, 16°, L. 1232-14 et L. 2411-21 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte des articles L. 1232-14 et L. 2411-21 du code du travail que le licenciement du conseiller du salarié ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.
8. La Cour de cassation juge que pour se prévaloir de la protection attachée à son mandat de conseiller du salarié mentionné par l'article L. 2411-1, 16°, du code du travail, le salarié doit, au plus tard lors de l'entretien préalable au licenciement, ou, s'il s'agit d'une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l'acte de rupture, avoir informé l'employeur de l'existence de ce mandat ou rapporter la preuve que l'employeur en avait alors connaissance (Soc., 14 septembre 2012, pourvoi n° 11-21.307, Bull. 2012, V, n° 230 ; Soc., 26 mars 2013, pourvoi n° 11-28.269, Bull. 2013, V, n° 84 ; Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-12.982, Bull. 2016, V, n° 143) .
9. Il en résulte qu'un employeur, informé de l'existence d'un mandat extérieur du salarié au plus tard lors du dernier entretien, préalable au licenciement, imposé par une disposition de la convention collective applicable, doit saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation administrative de licenciement.
10. Ayant constaté que l'employeur avait été informé le 4 mai 2021 de la désignation de M. [T] comme conseiller du salarié et que le dernier entretien, préalable au licenciement, requis par la procédure conventionnelle applicable, avait eu lieu le 7 mai 2021, lors de la comparution du salarié devant le conseil de discipline, la cour d'appel en a exactement déduit que le licenciement du salarié, le 20 mai 2021, sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, constituait un trouble manifestement illicite.
11.Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Keolis [Localité 3] mobilités aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Keolis [Localité 3] mobilités et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.