LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 novembre 2024
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1212 FS-B
Pourvoi n° Q 23-11.720
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024
M. [F] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 23-11.720 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la cour d'appel de Reims (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet François Pinet, avocat de M. [G], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de caisse régionale de Crédit agricole de Champagne-Bourgogne, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, MM. Carillon, Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 14 décembre 2022), M. [G], engagé en qualité d'agent d'opérations rapides par la caisse régionale du Crédit agricole mutuel de Champagne-Bourgogne le 1er juillet 2001, occupait en dernier lieu les fonctions de chargé en gestion de patrimoine.
2. Licencié pour faute le 9 octobre 2020 après réunion du conseil de discipline le 1er octobre 2020, il a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement.
Examen des moyens
Sur le deuxième moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le licenciement prononcé pour cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, en indemnisation du préjudice subi du fait de la privation des avantages accordés aux salariés du groupe Crédit agricole et en réparation de son préjudice moral, alors :
« 1°/ que lorsqu'elle a pour effet de priver le salarié de la possibilité d'assurer utilement sa défense ou est susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision finale de licenciement par l'employeur, l'irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle constitue la violation d'une garantie de fond privant le congédiement ultérieurement prononcé de cause réelle et sérieuse ; que, pour débouter M. [G] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié disposait d'une synthèse établie par l'employeur reprenant l'ensemble des éléments rapportés par les auditeurs dans le rapport, à savoir le nombre de connexions réalisées par M. [G] sur le compte personnel d'une cliente, le nombre de fois où le salarié a pu appeler cette même cliente depuis son téléphone professionnel portable et la période concernée et que "en dépit du défaut effectif de communication par l'employeur du rapport d'audit, en sa version originale, chaque personne, présente à cette commission, a pu discuter des faits qui étaient reprochés au salarié, suffisamment précisés pour permettre l'engagement d'une véritable discussion, comme en atteste la mention du nom de chaque participant, en ce compris celui du salarié et du représentant du personnel qu'il assistait, dans ce compte-rendu" ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que le rapport d'audit sur le fondement duquel l'employeur avait engagé la procédure disciplinaire n'avait été communiqué ni à M. [G] ni aux membres du conseil de discipline, ce dont il résultait que, nonobstant la délivrance d'une note de synthèse, le salarié et le conseil de discipline n'avaient pu discuter ni des modalités de traçage des connexions et des appels, et notamment de la fiabilité du procédé utilisé pour les relever, ni de la temporalité et de la fréquence exacte de ces connexions, que l'intéressé contestait fermement, ce qui avait privé ce dernier de la possibilité d'assurer utilement sa défense, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 13 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, modifiée par l'accord du 18 juillet 2002 ;
2°/ qu'en retenant que "la mention du nom de chaque participant, en ce compris celui du salarié et du représentant du personnel qu'il assistait, dans ce compte-rendu" permettait de tenir pour acquis le fait "qu'en dépit du défaut effectif de communication par l'employeur du rapport d'audit, en sa version originale, chaque personne, présente à cette commission, a pu discuter des faits qui étaient reprochés au salarié, suffisamment précisés pour permettre l'engagement d'une véritable discussion", la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 13 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, modifiée par l'accord du 18 juillet 2002 ;
3°/ qu'en statuant ainsi, cependant que la synthèse établie par l'employeur reprenant l'ensemble des éléments rapportés par les auditeurs dans le rapport -à savoir essentiellement d'avoir consulté abusivement les comptes d'une cliente et d'avoir utilisé abusivement son téléphone portable professionnel pour l'appeler - ne précisait pas que la cliente en question, Mme [Y], était, à l'époque des faits reprochés, sa compagne dans la vie privée, ce qui était de nature à exercer une influence sur la décision du conseil de discipline - dont deux seulement de ses quatre membres s'étaient prononcés en faveur d'un licenciement - et, partant, sur celle de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, ensemble l'article 13 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, modifiée par l'accord du 18 juillet 2002. »
Réponse de la Cour
5. Aux termes de l'article 13 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987 modifiée par l'accord du 18 juillet 2002 relatif au conseil de discipline, il est institué un conseil de discipline chargé, après avoir obligatoirement entendu le directeur général ou son représentant et en sa présence, de formuler un avis sur les sanctions à donner aux fautes professionnelles susceptibles d'entraîner la rétrogradation ou le licenciement des salariés titulaires. L'intéressé recevra communication de son dossier au moins huit jours à l'avance et pourra se faire assister d'un salarié de la caisse régionale choisi par lui et n'appartenant pas au conseil de discipline. Les membres du conseil de discipline auront, dans les mêmes délais, communication du dossier.
6. Il en résulte que l'employeur n'a nullement l'obligation de remettre au salarié et aux membres du conseil de discipline, l'intégralité d'un rapport d'enquête interne diligentée pour établir la matérialité des faits reprochés au salarié, dès lors qu'il communique un dossier contenant les éléments suffisamment précis pour permettre un débat contradictoire.
7. La cour d'appel a d'abord constaté que chacun des membres du conseil de discipline disposait d'une synthèse établie par l'employeur reprenant, d'une part, l'ensemble des éléments rapportés par les auditeurs dans leur rapport, à savoir le nombre de connexions réalisées par le salarié sur le compte personnel de la cliente, le nombre de fois où le salarié avait pu appeler cette même cliente depuis son téléphone professionnel portable ainsi que la période concernée, d'autre part, le compte rendu de l'entretien du salarié avec le responsable de l'audit.
8. Elle a ensuite relevé que le salarié était assisté devant le conseil de discipline par le représentant du personnel qui l'avait assisté la veille, lors de l'entretien préalable et qu'il ressortait du compte rendu de cette commission de discipline, que chaque personne présente lors de la réunion, en ce compris le salarié et le représentant du personnel, avait pu discuter des faits reprochés au salarié qui étaient suffisamment précisés pour permettre l'engagement d'une véritable discussion.
9. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait qu'aucune irrégularité dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par la convention collective n'avait été commise, le salarié et les membres du conseil de discipline ayant reçu communication du dossier conformément aux dispositions conventionnelles, la cour d'appel, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, ni de répondre à des moyens inopérants a légalement justifié sa décision.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, alors « que lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ; que selon l'article 13 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987 modifiée par l'accord du 18 juillet 2002 relatif au conseil de discipline, "le conseil de discipline est chargé de formuler un avis sur les sanctions à donner aux fautes professionnelles susceptibles d'entraîner la rétrogradation ou le licenciement du personnel titulaire. L'agent recevra communication de son dossier au moins huit jours à l'avance et pourra se faire assister d'un salarié de la caisse régionale choisi par lui. Les membres du conseil de discipline auront, dans les mêmes délais, communication du dossier" ; que, pour débouter M. [G] de sa demande en paiement d'une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt retient que "dès lors qu'il n'a pas été privé de droits de sa défense devant la commission de discipline, bien que l'employeur n'ait pas communiqué le rapport d'audit, sur son support manuscrit, mais que le document transmis à la commission de discipline a permis une véritable discussion des griefs formés à l'encontre du salarié, M. [G] prétend vainement au bénéfice de dommages-intérêts sur le fondement d'une irrégularité de la procédure" ; qu'en se déterminant ainsi par un motif inopérant tiré de l'absence de privation des droits de la défense et sans rechercher si l'irrégularité de la procédure constatée - résultant de communication du dossier à M. [G] et aux membres du conseil de discipline au moins huit jours à l'avance - n'avait pas causé au salarié un préjudice autre que celui né de cette privation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1235-2 du code du travail, ensemble l'article 13 de la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987, modifiée par l'accord du 18 juillet 2002. »
Réponse de la Cour
12. Selon l'article L. 1235-2, alinéa 5, du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
13. Ayant fait ressortir que le salarié ne pouvait se prévaloir d'aucune irrégularité de procédure, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait prétendre au bénéfice de dommages-intérêts.
14. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [G] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.