LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 novembre 2024
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1093 FS-B
Pourvoi n° R 22-12.499
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 NOVEMBRE 2024
La société SCI Joseph, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], a formé le pourvoi n° R 22-12.499 contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société CCF, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], venant aux droits de la société HSBC Continental Europe, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chevet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SCI Joseph, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société CCF, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Chevet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, M. Delbano, Mmes Grandemange, Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Techer, Latreille, Bonnet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2022), la société HSBC Continental Europe (la banque), aux droits de laquelle vient la société CCF, a fait délivrer à la société SCI Joseph (la société), le 9 juin 2020, un commandement de payer aux fins de saisie-vente puis, le 22 juillet 2020, un commandement de payer valant saisie immobilière.
2. Le 9 septembre 2020, la société a assigné la banque devant un juge de l'exécution à fin de voir annuler ces commandements.
3. Le 12 novembre 2020, la banque a assigné la société à une audience d'orientation devant le juge de l'exécution du même tribunal judiciaire à fin de vente forcée des biens immobiliers saisis.
4. Par jugement du 26 janvier 2021, statuant sur l'assignation du 9 septembre 2020, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable la demande d'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande d'annulation du commandement aux fins de saisie immobilière, alors « que la demande d'annulation du commandement de saisie immobilière, formée par le débiteur avant qu'il ne soit assigné à l'audience d'orientation, est rattachée à la compétence générale du juge de l'exécution et ne se rattache à la procédure de saisie immobilière qu'une fois cette assignation délivrée par le créancier ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable la demande de la société Joseph tendant à l'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière, que toute demande relative à la procédure de saisie immobilière doit être formée dans les conditions prévues aux dispositions procédurales spécifiques à cette procédure, conformément à l'article R. 311-1 du code des procédures civiles d'exécution, et que la société Joseph devait saisir le juge de la saisie immobilière et non le juge de l'exécution selon la procédure de droit commun, peu important que le débiteur ait saisi le juge de l'exécution d'une contestation du commandement de payer valant saisie immobilière avant que le créancier saisissant ne le fasse assigner en vente forcée, la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et l'article R. 311-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution connaît de l'application des dispositions du code des procédures civiles d'exécution dans les conditions prévues par l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire.
7. Selon l'article L. 213-6, alinéas 1 et 3, du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
8. Selon l'article R. 311-1 du code des procédures civiles d'exécution, la procédure de saisie immobilière est régie par les dispositions du livre III relatif à cette procédure et par celles qui ne lui sont pas contraires du livre Ier de ce code.
9. Selon l'article R. 321-1 du même code, la procédure d'exécution est engagée par la signification au débiteur ou au tiers détenteur d'un commandement de payer valant saisie à la requête du créancier poursuivant.
10. Aux termes de l'article R. 321-6 du même code, le commandement de payer valant saisie est publié au fichier immobilier dans un délai de deux mois à compter de sa signification.
11. Selon l'article R. 322-4 du même code, dans les deux mois qui suivent la publication du commandement de payer valant saisie, le créancier poursuivant assigne le débiteur saisi à comparaître devant le juge de l'exécution à une audience d'orientation.
12. Selon l'article R. 322-15 du même code, à l'audience d'orientation, le juge de l'exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.
13. Selon l'article R. 311-5 du même code, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci.
14. Il résulte de la combinaison de ces textes que la procédure de saisie immobilière, engagée par la délivrance d'un commandement de payer valant saisie, se poursuit par l'assignation délivrée au débiteur par le créancier à une audience d'orientation au cours de laquelle le juge de l'exécution connaît, sauf exceptions, de l'ensemble des contestations qui s'élèvent à l'occasion de la procédure et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement.
15. Il en découle que, hors les cas prévus par la loi, telle la demande de vente amiable de l'immeuble saisi prévue à l'article R. 322-20 du code des procédure civiles d'exécution, les contestations et demandes précitées ne peuvent être formées par le débiteur, à peine d'irrecevabilité, qu'à l'audience d'orientation à laquelle ce dernier a été assigné à comparaître, selon les formes prescrites à l'article R. 311-6 du code des procédures civiles d'exécution.
16. La décision déclarant irrecevables les contestations et demandes formées par le débiteur avant l'expiration du délai imparti au créancier pour assigner à l'audience d'orientation, qui n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, ne saurait faire échec à l'examen de ces contestations et demandes si elles étaient à nouveau formées lors de l'audience d'orientation.
17. Une telle règle ne méconnaît pas le droit du débiteur, garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
18. En premier lieu, le débiteur devant, en application des articles R. 321-6 et R. 322-4 du code des procédures civiles d'exécution, être assigné à une audience d'orientation dans le délai maximum de quatre mois suivant la signification du commandement de payer valant saisie, l'examen des contestations et demandes qu'il entend former est seulement différé, dans cette limite de temps, jusqu'à l'audience d'orientation.
19. En deuxième lieu, s'il n'a pas été assigné à une audience d'orientation à l'expiration de ce délai, le débiteur a la faculté de saisir le juge de l'exécution de contestations ou de demandes formées conformément aux dispositions de l'article R. 121-11 du code des procédures civiles d'exécution, par assignation délivrée au créancier poursuivant ainsi qu'aux créanciers inscrits, la procédure suivie devant le juge de l'exécution obéissant, en application de l'article R. 311-1 du code des procédures civiles d'exécution, aux dispositions des articles R. 311-2 et suivants du même code.
20. En dernier lieu, par exception à la règle énoncée au paragraphe 15, le débiteur demeure recevable, dans les cas prévus par la loi, à saisir le juge de l'exécution de demandes, telle la vente amiable de l'immeuble saisi, avant la signification de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation.
21. Par ces motifs de pur droit, substitués à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, le juge de l'exécution ayant été saisi prématurément d'une demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière formée par le débiteur avant que celui-ci n'ait été assigné à l'audience d'orientation, l'arrêt, qui déclare la demande irrecevable, se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société SCI Joseph aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SCI Joseph et la condamne à payer à la société CCF, venant aux droits de la société HSBC Continental Europe, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-quatre.