LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 octobre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1001 FP-B
Pourvoi n° W 22-15.908
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 OCTOBRE 2024
Mme [V] [M], épouse [B], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-15.908 contre l'arrêt rendu le 4 mars 2022 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : invalidité), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol et Mme Chevet, conseillers référendaires, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [M], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Chevet, conseiller référendaire co-rapporteur, Mmes Durin-Karsenty, Renault-Malignac, Isola, conseillers doyens, MM. Martin, Leblanc, Mmes Chauve, Vendryes, MM. Pédron, Waguette, conseillers, M. Cardini, Mmes Dudit, Brouzes, Philippart, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 4 mars 2022), la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne (la caisse) a versé à Mme [M] (l'assurée), au titre de l'assurance maladie, des indemnités journalières jusqu'au 1er décembre 2015.
2. Contestant la cessation du versement de ses indemnités journalières, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale, qui, par jugement du 5 octobre 2020, a déclaré son état de santé incompatible avec la reprise d'une activité professionnelle quelconque et invité l'assurée à demander la régularisation de son dossier auprès de la caisse. Des indemnités journalières lui ont été versées rétroactivement du 1er décembre 2015 au 12 juillet 2017 et du 5 juin 2018 au 30 juin 2020.
3. Parallèlement, la caisse a refusé, le 25 novembre 2016, de lui verser une pension d'invalidité à la date du 18 octobre 2016.
4. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de l'incapacité.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. L'assurée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à l'attribution d'une pension d'invalidité à la date du 30 juin 2020, alors « que le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir invité préalablement les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la cour a soulevé d'office le moyen tiré de ce que l'assurée n'avait pas soumis au préalable sa demande de reconnaissance d'un état d'invalidité à la date du 30 juin 2020 à la caisse ; qu'elle n'a pas invité préalablement les parties à présenter leurs observations, violant ainsi l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
8. En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience.
9. Pour déclarer irrecevable la demande tendant à l'attribution d'une pension d'invalidité à la date du 30 juin 2020, l'arrêt constate que l'assurée n'a pas soumis cette demande préalablement à la caisse.
10. En statuant ainsi, alors que l'assurée, dispensée de comparaître, n'était pas présente à l'audience et qu'il ne ressort pas de la décision qu'elle ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de sa demande, la Cour nationale a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de Mme [M] tendant à la reconnaissance d'un état d'invalidité à la date du 30 juin 2020, date de cessation des droits à indemnités journalières, l'arrêt rendu le 4 mars 2022, entre les parties, par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Lot-et-Garonne à verser à Mme [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du vingt-quatre octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.