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22/10/2020 | FRANCE | N°19-15985

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 octobre 2020, 19-15985


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1137 FS-P+B+I

Pourvoi n° T 19-15.985

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

1°/ La société Legalcy avocats conseils, société civile

professionnelle, dont le siège est 14 place Henri Dunant, 16000 Angoulême,

2°/ M. E... Y..., domicilié 14 place Henri Dunant, 16000 Angoulême, agi...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 1137 FS-P+B+I

Pourvoi n° T 19-15.985

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

1°/ La société Legalcy avocats conseils, société civile professionnelle, dont le siège est 14 place Henri Dunant, 16000 Angoulême,

2°/ M. E... Y..., domicilié 14 place Henri Dunant, 16000 Angoulême, agissant en qualité de gérant de la société Legalcy avocats conseils,

ont formé le pourvoi n° T 19-15.985 contre l'ordonnance de taxe rendue le 5 mars 2019 par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux, dans le litige les opposant à M. M... R..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Talabardon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la société Legalcy avocats conseils et de M. Y..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Talabardon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, Maunand, Leroy-Gissinger, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Girard, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Bordeaux, 5 mars 2019), le 11 avril 2017, M. R... a conclu avec la société Legalcy avocats conseils, avocat au barreau de la Charente (l'avocat), une convention d'honoraires en vue de la défense de ses intérêts dans une procédure juridictionnelle.

2. Après avoir acquitté trois factures pour un montant total de 4 200 euros TTC, il a refusé de régler deux nouvelles factures d'un montant de 1 800 euros TTC chacune et a porté sa contestation devant le bâtonnier de l'ordre.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Legalcy avocats conseils fait grief à l'ordonnance de fixer le montant global de ses honoraires à la somme de 2 200 euros TTC et de l'inviter à restituer à M. R... la somme de 2 000 euros à titre de trop-perçu, alors « que tenu de faire respecter et de respecter lui-même la contradiction, le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que la convention d'honoraires aurait été inapplicable en raison du dessaisissement de l'avocat avant l'achèvement de sa mission, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, quand M. R... n'avait ni comparu ni soutenu un tel moyen dans sa lettre de saisine, la juridiction du premier président a méconnu les exigences de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

5. En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience.

6. Pour dire y avoir lieu d'arbitrer le temps passé par l'avocat au soutien des intérêts de M. R..., comme le taux horaire de sa rémunération, en considération non pas des stipulations de la convention d'honoraires conclue entre les parties, mais des critères fixés par l'article 10, alinéa 4, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, l'ordonnance énonce que le mandat du conseil ayant pris fin avant l'achèvement de sa mission, les parties ne peuvent plus se prévaloir des stipulations de cette convention.

7. En statuant ainsi, alors que M. R... n'était pas présent à l'audience et qu'il ne ressort ni de la décision ni des pièces du dossier de procédure que la partie présente ait été, au préalable, invitée à formuler ses observations sur le moyen relevé d'office, pris de la caducité de la convention d'honoraires, la juridiction du premier président a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 mars 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne M. R... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société civile professionnelle Legalcy avocats conseils et M. Y...

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir fixé l'honoraire dû par M. R... à la SCP Legalcy et Me Y... à la somme de 2.200 € TTC, et d'avoir « invité » ces derniers à restituer la somme de 2.000 € à titre de trop-perçu d'honoraires,

AUX MOTIFS QUE sur la validité de la convention d'honoraires, s'il est constant que si M. M... R... a confié à la société Legalcy ses intérêts dans un litige relatif au congé pour vendre que lui avait adressé son bailleur le mandat du conseil a pris fin avant l'achèvement de la mission si bien que les parties ne peuvent se prévaloir des dispositions de la convention ; que, sur les diligences mises en compte, il appartient donc à la juridiction de l'honoraire d'arbitrer tant le temps passé que le taux horaire en considération des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et des dispositions du RIN, étant précisé que, conformément au droit commun de la preuve, il appartient au conseil de justifier des diligences accomplies ; que M. M... R... estime que les temps décomptés par le conseil sont manifestement exagérés compte tenu de la difficulté relative de son dossier ; que le conseil verse aux débats une fiche horaire au terme de laquelle il arrête le temps passé sur le dossier M. M... R... à 32 heures ; qu'au vu des pièces versées aux débats, qui restent peu nombreuses, il apparaît que les temps décomptés sont très généreux ; que c'est ainsi qu'on relèvera que la mise au point de l'assignation est facturée plus de 10 heures et que si le document en question comporte 16 pages, l'historique du dossier et le rappel des textes applicables (copier/coller) en occupe plus de 10 et le dispositif les deux dernières ; qu'on relèvera également au 11 mai 2017 et au 24 juillet 2017 la mise en compte de 6 heures pour rédaction d'actes, sans autres précisions, que rien ne vient justifier ; que par ailleurs, il convient d'observer que le moindre courrier ou courriel de transmission est facturé sur la base de 10 minutes du temps du conseil, ce qui n'est pas justifié ; qu'en considération de ces éléments, s'agissant d'un dossier de difficulté très moyenne, qui a donné lieu à la date de la rupture des relations entre les parties à la rédaction d'une assignation et d'un jeu de conclusions, rendez-vous et courriers compris, il conviendra d'arbitrer le temps passé à 10 heures ; que, sur le taux horaire, la fiche horaire révèle que l'essentiel du travail est l'oeuvre d'un collaborateur et que le cabinet décompte au même taux, le travail juridique mais également le travail plus "administratif" (courriers, courriels et communications téléphoniques) ; que le taux horaire sera arbitré à 200 € HT, soit 220 € TTC ; que, sur le montant de l'honoraire dû et le compte des parties, le montant dû ressort ainsi à 200 € x 10 h = 2.200 € TTC ; que M. M... R... ayant réglé 4.200 € (la consultation du 6 mars 2017 ayant été réglée après service rendu et avant la signature de la convention n'entre pas dans le calcul), le conseil devra lui restituer une somme de 2.000 €.

1°- ALORS QUE tenu de faire respecter et de respecter lui-même la contradiction, le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen pris de ce que la convention d'honoraires aurait été inapplicable en raison du dessaisissement de l'avocat avant l'achèvement de sa mission, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations, quand M. R... n'avait ni comparu ni soutenu un tel moyen dans sa lettre de saisine, la juridiction du premier président a méconnu les exigences de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2° - ALORS QUE la SCP Legalcy et M. Y... faisaient valoir (conclusions, p. 13) que les honoraires déjà réglés par Monsieur R... l'avaient été après service rendu de sorte qu'ils n'étaient pas susceptibles d'être remis en cause ; qu'en statuant comme ci-dessus, et en ordonnant la restitution d'une partie de ces honoraires sans répondre à ces conclusions, la juridiction du premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3° - ALORS QU'il résulte de la fiche de diligences produite par la SCP Legalcy que la rédaction de l'assignation a été facturée pour 4 heures ; qu'il en résulte encore que plusieurs courriers ou courriels ont été facturés pour 5 minutes (19 avril, 11 mai) ; qu'en retenant que la mise au point de l'assignation avait été facturée « plus de 10 heures » et que le moindre courrier ou courriel était facturé sur la base de 10 minutes, la cour d'appel a dénaturé le document susvisé et violé l'article 1192 du code civil ;

4° - ALORS, en tout état de cause, QUE le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, applicable aux prestations d'avocat, est de 20 % ; qu'en arbitrant le taux horaire à 200 € HT, soit 220 € TTC, puis en décidant que le montant total des honoraires dus s'élève à « 200 € x 10 h = 2.200 € TTC », la juridiction du premier président a violé l'article 278 du code général des impôts.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-15985
Date de la décision : 22/10/2020
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Procédure orale - Moyens - Moyens contradictoirement débattus - Présomption - Partie non comparante - Application (non)

PROCEDURE CIVILE - Droits de la défense - Principe de la contradiction - Violation - Moyen soulevé d'office - Observations préalables des parties - Défaut

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. En procédure orale, il ne peut être présumé qu'un moyen relevé d'office par le juge a été débattu contradictoirement, dès lors qu'une partie n'était pas présente à l'audience


Références :

Article 16 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 05 mars 2019

A rapprocher :2e Civ., 21 février 2013, pourvoi n° 11-27051, Bull. 2013, II, n° 39 (cassation) ;2e Civ., 10 juillet 2008, pourvoi n° 07-13027, Bull. 2008, II, n° 180 (rejet) ;2e Civ., 17 avril 2008, pourvoi n° 08-60374, Bull. 2008, II, n° 90 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 oct. 2020, pourvoi n°19-15985, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15985
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