LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 septembre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 750 F-B
Pourvoi n° R 22-13.810
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 SEPTEMBRE 2024
Le syndicat des copropriétaires [Adresse 4], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic, M. [F] [P], exploitant sous l'enseigne Top gestion, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-13.810 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant à Mme [M] [B], épouse [S], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Caillard, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du syndicat des copropriétaires [Adresse 4], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [B], épouse [S], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Caillard, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 janvier 2022), Mme [B], propriétaire d'un lot dépendant d'un immeuble en copropriété, qui a fait l'objet d'un arrêté municipal interdisant l'accès à la cour de la copropriété et au garage de l'immeuble, a assigné le syndicat des copropriétaires [Adresse 4] (le syndicat des copropriétaires) devant un tribunal de grande instance afin qu'il soit condamné à exécuter les travaux de confortement préconisés par un expert et à l'indemniser de sa perte locative et de son trouble de jouissance.
2. Le syndicat des copropriétaires a saisi le juge de la mise en état d'une demande de transmission au tribunal administratif de questions préjudicielles portant sur les limites du domaine public ainsi que d'une demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative après épuisement des voies de recours.
3. Par ordonnance du 19 janvier 2021, dont le syndicat des copropriétaires a relevé appel le 21 avril 2021, le juge de la mise en état l'a débouté de ses demandes.
Recevabilité du pourvoi contestée par la défense
4. Invoquant les articles 380-1, 606, 607 et 608 du code de procédure civile, la défenderesse fait valoir que la décision de sursis ne peut être attaquée par la voie du pourvoi que pour violation de la règle de droit, et qu'en l'espèce, le pourvoi invoque trois critiques qui ne concernent pas les règles gouvernant le sursis à statuer et n'invoquent pas d'excès de pouvoir.
5. Toutefois, l'article 380-1 susvisé ne s'applique qu'aux décisions qui ordonnent un sursis à statuer et non à celles qui rejettent comme en l'espèce une demande de sursis à statuer.
6. Par ailleurs, il résulte des articles 606, 607 et 608 du code de procédure civile, que les jugements rendus en dernier ressort qui, sans mettre fin à l'instance, statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir.
7. Le pourvoi, qui est dirigé contre un arrêt qui n'a pas tranché le principal ni mis fin à l'instance, n'est pas recevable sauf si un excès de pouvoir se trouve caractérisé, ce qu'il convient d'examiner.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de le débouter de son appel et en conséquence de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée l'ayant débouté de ses demandes, alors « que lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité ; qu'après avoir constaté que l'appel formé par le syndicat des copropriétaires tendait à l'annulation de l'ordonnance querellée mais que les conclusions ne contenaient pas de moyens de nullité de celle-ci, la cour d'appel a retenu qu'elle ne pouvait que le débouter de son appel et confirmer l'ordonnance ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les prétentions et moyens des parties, quand elle était saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel-nullité et devait en conséquence statuer au fond, la cour d'appel a violé les articles 561 et 562 alinéa 2 du code de procédure civile, ensemble l'article 549 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
10. Lorsqu'un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité.
11. Pour débouter le syndicat des copropriétaires de son appel et confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état, l'arrêt retient que l'appelant poursuit uniquement l'annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état, qu'il n'invoque aucun des cas dans lesquels l'appel-annulation de droit commun permet d'obtenir l'annulation d'une décision judiciaire, ne développe dans ses écritures aucun motif d'annulation de l'ordonnance et ne demande pas dans le dispositif de réformer cette décision en tout ou partie.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif d'un appel tendant à l'annulation de l'ordonnance ayant rejeté une demande de renvoi d'une question préjudicielle à la juridiction administrative en application de l'article 49 du code de procédure civile, qu'elle devait examiner, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
DÉCLARE le pourvoi recevable ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne Mme [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [B] et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 4] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-quatre.