LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 302 FS-B
Pourvoi n° C 23-10.467
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
L'association [3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 23-10.467 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [N] [O],
2°/ à M. [M] [P],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
3°/ à la Ville de [Localité 5], représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité, [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Mme [O] et M. [P], ont formé, par un mémoire déposé au greffe un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de l'association [3], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [O] et de M. [P], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 5], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. David, conseiller faisant fonction de doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2022), M. [P] et Mme [O] (les bailleurs), propriétaires d'un local à usage d'habitation situé à [Localité 5], l'ont donné à bail à l'association [3] (la locataire).
2. Estimant constituée une infraction aux dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, la Ville de [Localité 5] a, les 15 et 19 janvier 2018, assigné les bailleurs et la locataire devant le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés, pour obtenir leur condamnation in solidum au paiement d'une amende civile.
Sur le moyen relevé d'office
3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les principes de personnalité et d'individualisation de la peine qui en découlent et les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation :
4. Selon l'avant-dernier de ces textes, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.
5. Selon le dernier, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile.
6. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014 ; 3e Civ., 9 novembre 2022, pourvois n° 21-20.464, 21-20.814, publié), son prononcé est soumis aux principes de personnalité et d'individualisation de la peine, qui font obstacle, en la matière, à toute condamnation in solidum.
7. Pour condamner in solidum les bailleurs et la locataire à payer une même amende civile à la Ville de [Localité 5], l'arrêt retient que l'infraction de changement d'usage sans autorisation préalable est caractérisée à l'encontre, tant des bailleurs, que de la locataire.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi principal et du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il reçoit M. [P], Mme [O] et l'association [3] en leurs appels respectifs, et rejette la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise, l'arrêt rendu le 15 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour de Paris, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.