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19/06/2024 | FRANCE | N°52400659

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 juin 2024, 52400659


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 juin 2024








Cassation partielle




M. SOMMER, président






Arrêt n° 659 FS-B


Pourvoi n° W 22-14.643








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JUIN 2024


Mme [V] [P] [I] [T] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-14.643 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 juin 2024

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 659 FS-B

Pourvoi n° W 22-14.643

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 JUIN 2024

Mme [V] [P] [I] [T] [G], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 22-14.643 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 2), dans le litige l'opposant à la société Atalian propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Atalian propreté Sud Ouest, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [I] [T] [G], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Atalian propreté, et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, MM. Flores, Leblanc, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles 1015-1, alinéa 3, du code de procédure civile et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 21 janvier 2022) Mme [I] [T] [G] a été engagée en qualité d'agent de service de propreté le 14 octobre 2009 par la société A2BK. Son contrat a été transféré successivement à la société TFN propreté Sud Ouest puis à la société Elior, enfin à la société Atalian propreté Sud Ouest aux droits de laquelle est venue la société Atalian propreté.

2. Contestant l'application par l'employeur de la déduction forfaitaire spécifique (la DFS) pour le calcul de ses charges sociales, elle a saisi le 30 novembre 2017 la juridiction prud'homale de demandes en nullité de la clause du contrat de travail prévoyant l'application d'une telle déduction, en remboursement de frais professionnels et en paiement de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Il est statué sur ce moyen après avis de la deuxième chambre civile, sollicité en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile.

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à faire juger que la clause de son contrat de travail relative à la déduction forfaitaire pour frais professionnels était nulle et de nul effet, à ordonner à l'employeur de lui remettre l'ensemble de ses bulletins de salaires rectifiés depuis décembre 2013 sous astreinte et de sa demande en paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et d'une prime de blanchissage, alors « que l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'ouvre la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels qu'aux professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, qui vise les ouvriers du bâtiment auxquels sont assimilés les ouvriers de nettoyage de locaux à la condition qu'ils travaillent sur plusieurs chantiers pour le compte d'un même employeur ; qu'en jugeant que la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels était applicable aux ouvriers de nettoyage travaillant sur un seul site au visa d'une lettre ministérielle du 28 novembre 2012 dépourvue de valeur réglementaire, la cour d'appel a violé l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, et l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions antérieures à l'ordonnance n° 2018-474 du 12 juin 2018, les articles 2 et 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, et l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts :

4. Selon le premier de ces textes, ne peut être opérée sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

5. Selon le deuxième, l'indemnisation de tels frais peut s'effectuer sur la base d'allocations forfaitaires, l'employeur se trouvant autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par cet arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet.

6. Selon le troisième, les professions prévues à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents, peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique, dont le taux est calculé selon les dispositions de l'article 5 précité.

7. Selon le dernier, les contribuables exerçant les professions désignées dans un tableau ont droit à une déduction supplémentaire pour frais professionnels, calculée d'après les taux indiqués audit tableau. Parmi ces professions figure, à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier, celle des ouvriers en bâtiment auxquels ont été assimilés par la doctrine fiscale les ouvriers du nettoyage et de la propreté, bien que ces derniers ne figurent pas expressément sur la liste de l'article 5 de l'annexe IV, pour autant qu'ils travaillent dans les mêmes conditions que les ouvriers du bâtiment.

8. Il résulte de l'avis de la deuxième chambre civile (Civ. 2e, 21 mars 2024, n° 22-14.643), que la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels prévue à l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 susvisé, n'est applicable aux salariés des entreprises de nettoyage que s'ils travaillent sur plusieurs sites pour le compte d'un même employeur.

9. Pour dire que la clause du contrat de travail par laquelle la salariée a accepté le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels n'encourait aucune nullité et débouter la salariée de ses demandes subséquentes, l'arrêt relève, d'abord, qu'il ressort des pièces produites qu'une lettre ministérielle conjointe du ministre des affaires sociales et du ministre de l'économie et des finances du 8 novembre 2012 a donné pour instructions aux Urssaf de ne pas procéder à des redressements lorsque l'abattement forfaitaire est appliqué aux employés de nettoyage « monosites », lesquels doivent bénéficier du même régime que les employés « multisites ».

10. Il retient, ensuite, que la notion de « chantiers » visée à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts pour les ouvriers du bâtiment ne renvoie pas à une notion de multi-affectations sur les sites des clients mais a pour but de distinguer les salariés affectés au siège même de l'entreprise de ceux affectés sur le site d'un client. Il retient encore que les agents de nettoyage tels la salariée, même affectés sur un seul site (ou « chantier ») exposent en effet des frais de déplacement particuliers, notamment en raison d'horaires décalés, que n'exposent pas des salariés travaillant au siège de leur entreprise ou leur établissement.

11. L'arrêt constate qu'en contrepartie, le taux de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, initialement de 10 %, a été fixé à 9 % au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2013 puis à 8 % au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014, comme le mentionne la lettre interministérielle précitée.

12. La cour d'appel en a déduit que la salariée n'était pas fondée à réclamer la modification de ses bulletins de paie dans le sens d'une suppression de la DFS et pouvait tout au plus réclamer une rectification du taux appliqué, ce qu'elle n'a pas fait.

13. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la salariée ne travaillait que sur un seul site, ce dont elle aurait dû déduire que la clause de son contrat de travail la soumettant à la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels était nulle et, partant, que cette déduction ne pouvait lui être appliquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [I] [T] [G] de sa demande en nullité de la clause du contrat de travail portant sur l'application de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels, de sa demande subséquente tendant à la remise des bulletins de salaires rectifiés depuis décembre 2013, de ses demandes en paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et au titre de la prime de blanchissage, l'arrêt rendu le 21 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Atalian propreté aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Atalian propreté et la condamne à payer à Mme [I] [T] [G] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400659
Date de la décision : 19/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Abattement pour frais professionnels - Arrêté du 20 décembre 2002 - Déduction forfaitaire spécifique - Champ d'application - Cas - Salariés des entreprises de nettoyage

La déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels prévue à l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, n'est applicable aux salariés des entreprises de nettoyage, assimilés aux ouvriers en bâtiment visés à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, que s'ils travaillent sur plusieurs sites pour le compte d'un même employeur


Références :

impôts.
Article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005 : article 5 de l'annexe IV du code général des
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 21 janvier 2022

Sur l'application de la déduction forfaire spécifique pour frais professionnels aux salariés des entreprises de nettoyage, à rapprocher : 2e Civ., 20 janvier 2012, pourvoi n° 10-26092, (cassation partielle sans renvoi) ;

2e Civ., 6 octobre 2016, pourvoi n° 15-25435, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 jui. 2024, pourvoi n°52400659


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400659
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