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12/06/2024 | FRANCE | N°52400635

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400635


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Rejet




M. SOMMER, président






Arrêt n° 635 FS-B


Pourvoi n° M 22-10.011








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




A

RRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


La société Esso société anonyme française (Esso saf), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-10.011 contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2021 par l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Rejet

M. SOMMER, président

Arrêt n° 635 FS-B

Pourvoi n° M 22-10.011

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

La société Esso société anonyme française (Esso saf), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-10.011 contre l'arrêt rendu le 2 novembre 2021 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ au directeur général des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Esso saf, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine et du directeur général des finances publiques, les plaidoiries de Me Stoclet et Me Froger ainsi que l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 mai 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Bouvier, Bérard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 novembre 2021), la société Mobil oil française, aux droits de laquelle est venue la société Esso saf (la société), a déposé, au titre de son exercice clos au 31 décembre 2000, une déclaration relative à la participation de ses salariés aux résultats de l'entreprise, sur laquelle elle a retranché de son résultat net avant impôts la quote-part de ses droits dans le résultat de deux sociétés en participation dont elle était associée. L'attestation prévue à l'article L. 442-13 du code du travail, alors en vigueur, lui a été délivrée par l'inspecteur des impôts le 13 décembre 2001.

2. Le comité central d'entreprise de la société Mobil oil française (le comité d'entreprise) et le syndicat CGT Force ouvrière (le syndicat) ont saisi l'administration fiscale d'une demande de rectification de cette attestation afin que soit intégrée la quote-part de résultat non incluse dans la déclaration. Par décision du 27 mai 2002, le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine a rejeté cette demande.

3. A la requête du comité d'entreprise et du syndicat, par jugement du 3 décembre 2008, devenu définitif, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'administration fiscale de refus de modifier l'attestation initiale.

4. Le 12 janvier 2012, le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine a établi une attestation rectificative conforme au jugement du tribunal administratif du 3 décembre 2008.

5. Par jugement du 17 juillet 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande d'annulation de cette décision formée par la société. Par arrêt du 17 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Versailles, après annulation du jugement, a rejeté la demande de la société. Sur pourvoi de celle-ci, par décision du 21 juillet 2017, le Conseil d'Etat a sursis à statuer jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel était l'ordre de juridiction compétent pour connaître du litige.

6. Par décision du 11 décembre 2017, le Tribunal des conflits (TC., 11 décembre 2017, n° 17-04.104, Bull. 2017, TC n° 11) a décidé que la juridiction judiciaire était compétente pour connaître du litige né de l'action tendant à l'annulation de l'attestation rectificative du 12 janvier 2012 délivrée à la société par l'administration fiscale.

7. Par arrêt du 26 avril 2018, le Conseil d'Etat (CE, 26 avril 2018, n° 396196) a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 17 novembre 2015 et le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 juillet 2014.

8. Le 9 février 2018, la société a fait assigner le directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine devant le tribunal judiciaire afin, notamment, d'obtenir l'annulation de l'attestation rectificative du 12 janvier 2012.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de la débouter de l'intégralité de ses demandes tendant, notamment, à l'annulation de l'attestation rectificative n° 990 du 12 janvier 2012, alors :

« 1°/ que l'attestation établie en application l'article L. 442-13 du code du travail est une décision créatrice de droit ; que son retrait ne peut dès lors intervenir que dans un délai de quatre mois suivant l'intervention de la décision si elle est illégale et doit être motivé en application des articles 1 et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la modification des actes administratifs alors applicable ; qu'en retenant que l'attestation établie en application de l'article L. 442-13 du code du travail ne constituait pas une décision créatrice de droit, pour en déduire qu'elle pouvait être retirée à tout moment et que l'attestation rectificative n'avait pas à être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, la cour a violé les articles 1 et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, ensemble l'article L. 442-13 du code du travail, devenu L. 3326-1 du même code ;

2°/ qu'en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, devenu l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées, notamment, les décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; qu'en décidant que l'attestation rectificative du 12 janvier 2012 n'avait pas à être motivée, aux motifs qu'elle ne constituait pas l'octroi d'un quelconque avantage et était simplement déclarative, tandis que les mentions de cette attestation interdisaient à la société Esso SAF de se prévaloir de l'attestation du 13 décembre 2001 fixant le bénéfice devant être pris en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

11. En application des articles L. 442-1 et L. 442-2 du code du travail, alors applicables, les entreprises qui emploient habituellement au moins cinquante salariés doivent constituer une réserve spéciale de participation des salariés aux résultats de l'entreprise, laquelle est calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise.

12. L'article L. 442-13, alinéa 1er, du code du travail, alors applicable, dispose que le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges nés de l'application du présent chapitre.

13. Aux termes de l'article R. 442-22 du même code, alors applicable, sur demande de l'entreprise, l'attestation du montant du bénéfice net et des capitaux propres est établie soit par le commissaire aux comptes, soit par l'inspecteur des impôts. Dans ce dernier cas, la demande doit être accompagnée d'un état annexe rempli par l'entreprise conformément à un modèle arrêté par le ministre chargé de l'économie et des finances. L'attestation est délivrée par l'inspecteur des impôts dans les trois mois qui suivent celui de la demande de l'entreprise ou, si la déclaration fiscale des résultats afférents à l'exercice considéré est souscrite après la présentation de cette demande, dans les trois mois qui suivent celui du dépôt de cette déclaration. Lorsque aucune demande d'attestation n'a été présentée six mois après la clôture d'un exercice, l'inspecteur du travail peut se substituer à l'entreprise pour obtenir cette attestation. Toute modification d'assiette du bénéfice net intervenue après la délivrance d'une attestation donne lieu à l'établissement d'une attestation rectificative établie dans les mêmes conditions que l'attestation initiale.

14. Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, l'attestation délivrée par l'inspecteur des impôts en application de l'article L. 442-13, alinéa 1er, du code du travail a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice et des capitaux propres déclarés à l'administration et celui utilisé par l'entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation des salariés (CE, 5 décembre 1984, n° 36337, publié au recueil Lebon).

15. D'abord, la cour d'appel a retenu à bon droit que, pour établir l'attestation en application de l'article L. 442-13 alors applicable, l'inspecteur des impôts vérifie la cohérence des données chiffrées transmises par l'entreprise avec celles figurant sur ses déclarations fiscales sans disposer de pouvoir d'appréciation sur la situation de l'entreprise, en sorte que cette attestation est un acte recognitif et ne constitue pas l'octroi d'un quelconque avantage.

16. Ensuite, la cour d'appel en a exactement déduit que l'attestation rectificative établie le 12 janvier 2012 n'avait, ni retiré ou abrogé une décision créatrice de droits, ni refusé un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, de sorte que, d'une part, la règle selon laquelle l'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision n'était pas applicable et que, d'autre part, l'administration fiscale, pour établir cette attestation rectificative, n'était pas soumise à l'exigence de motivation prévue par l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors applicable.

17. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

18. La société fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en application de l'article R. 442-5 du code du travail, le bénéfice net des associés des entreprises soumises au régime fiscal des sociétés de personnes, parmi lesquelles les sociétés de participation, est calculé sans tenir compte de la quote-part du résultat de ces entreprises qui leur revient, ni de l'impôt qui correspond à ce résultat ; que la société Esso saf faisait valoir que, en application du 2° de l'article R. 442-5 du code du travail, la quote-part du résultat des sociétés en participation Activités lubrifiants et Activités Fuels, que la société Mobil oil française avait constituées avec la société BP France, ne devait pas être prise en compte pour déterminer le résultat net de la société Mobil oil française servant de base au calcul de la réserve de participation ; qu'en jugeant que l'article R. 442-5 du code du travail doit être interprété comme concernant strictement des entreprises remplissant elles-mêmes les conditions de mise en oeuvre de la réserve de participation des salariés et que les sociétés en participation, étant dépourvues de personnalité morale et ne pouvant embaucher des salariés, ne sont pas soumises à l'obligation de constituer une réserve de participation, de sorte qu'elles n'entreraient pas dans le champ d'application de l'article R. 442-5 du code du travail, la cour d'appel a violé ce texte ».

Réponse de la Cour

19. Aux termes de l'article L. 442-1, alinéa 1er, du code du travail, alors applicable, toute entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés, quelles que soient la nature de son activité et sa forme juridique, est soumise aux obligations de la présente section, destinées à garantir le droit de ses salariés à participer aux résultats de l'entreprise.

20. L'article L. 442-2 du même code, alors applicable, dispose que « Dans les entreprises mentionnées à l'article L. 442-1, une réserve spéciale de participation des salariés doit être constituée comme suit : 1. Les sommes affectées à cette réserve spéciale sont, après clôture des comptes de l'exercice, calculées sur le bénéfice réalisé (...), tel qu'il est retenu pour être imposé au taux de droit commun de l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés (...) ; 2. Une déduction représentant la rémunération au taux de 5 p. 100 des capitaux propres de l'entreprise est opérée sur le bénéfice net ainsi défini (...). 4. La réserve spéciale de participation des salariés est égale à la moitié du chiffre obtenu en appliquant au résultat des opérations effectuées conformément aux dispositions des alinéas 2 et 3 ci-dessus le rapport des salaires à la valeur ajoutée de l'entreprise (...) ».

21. L'article R. 442-5, 2°, du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2001-703 du 31 juillet 2001, alors applicable, prévoit que le bénéfice net des associés des entreprises soumises au régime fiscal des sociétés de personnes est calculé sans tenir compte de la quote-part du résultat de ces entreprises qui leur revient, ni de l'impôt qui correspond à ce résultat.

22. Les dispositions légales et réglementaires relatives à la participation obligatoire des salariés aux résultats de l'entreprise étant d'ordre public absolu, la règle édictée par l'article R. 442-5, 2°, précité, qui a pour objet de répartir les bénéfices pris en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation entre la société de personnes et ses associés, ne concerne que les sociétés de personnes qui sont elles-mêmes soumises à la participation.

23. Pour leur régime fiscal, les sociétés en participation relèvent de l'article 8 du code général des impôts relatif aux sociétés de personnes.

24. Toutefois, en application de l'article 1871 du code civil, les sociétés en participation ne sont pas des personnes morales. Il en résulte que, ne pouvant avoir la qualité d'employeur, elles ne sont pas soumises aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise.

25. Il en résulte que, pour le calcul du bénéfice net de l'entreprise tenue de constituer une réserve spéciale de participation, il y a lieu de tenir compte de la quote-part des résultats des sociétés en participation dont elle est associée.

26. La cour d'appel, qui a constaté que l'administration fiscale avait, dans l'attestation rectificative du 12 janvier 2012, inclus la quote-part des résultats bénéficiaires des sociétés en participation dont la société était associée, en a déduit à bon droit que la demande d'annulation de cette attestation devait être rejetée.

27. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Esso société anonyme française aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Esso société anonyme française et la condamne à payer au directeur départemental des finances publiques des Hauts-de-Seine, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, et au directeur général des finances publiques la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400635
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 02 novembre 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400635


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400635
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