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12/06/2024 | FRANCE | N°52400594

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 juin 2024, 52400594


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 juin 2024








Rejet




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 594 F-B


Pourvoi n° S 22-24.598




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________

________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024


La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-24.598 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 juin 2024

Rejet

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 594 F-B

Pourvoi n° S 22-24.598

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024

La société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-24.598 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [P] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société La Poste, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2022), M. [Z] a été engagé en qualité de manutentionnaire/trieur par la société La Poste le 3 avril 2001. Il exerçait ses fonctions sur le site de la plateforme industrielle courrier Paris Sud [Localité 3].

2. Il a saisi le 27 septembre 2013 la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de sommes au titre du complément poste.

3. Il a par ailleurs exercé son droit de retrait du 31 mars au 9 avril 2020 et a formé devant la cour d'appel une demande de paiement des salaires correspondant aux retenues effectuées au titre de l'exercice de son droit de retrait.

4. Le syndicat Sud des services postaux (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à payer diverses sommes au syndicat

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le second moyen qui est irrecevable.

Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à payer diverses sommes au salarié

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaire correspondant aux retenues injustifiées opérées au titre de l'exercice de son droit de retrait, outre les congés payés correspondants, de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral étant résulté de la violation de son droit de retrait et de dommages-intérêts pour l'exécution déloyale du contrat de travail, ainsi qu'une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'exercice de son droit de retrait par le salarié suppose qu'il ait un motif raisonnable de juger menacées sa vie, sa santé ou sa sécurité ; que tel n'est pas le cas lorsqu'en l'état d'une pandémie, l'employeur justifie avoir mis en oeuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, et l'avoir informé et préparé notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel ; qu'en jugeant fondé l'exercice par chacun des salariés demandeurs, de son droit de retrait dans un cadre collectif sans rechercher, comme l'y invitait La Poste, si elle n'avait pas, à l'époque de l'exercice de ce droit - du 31 mars au 9 ou au 10 avril 2020 - et compte tenu des connaissances scientifiques et des recommandations nationales de l'époque, mis en oeuvre les mesures prescrites par les autorités de telle sorte que le salarié, nonobstant les dangers avérés du virus et l'exercice de son droit d'alerte par le CHSCT, n'avait aucun motif légitime de croire en un danger imminent pour sa santé et sa sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 et 7 du décret n° 2011619 du décret du 31 mai 2011. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article 6 du décret n° 2011-619 du 31 mai 2011, tout agent de La Poste peut se retirer d'une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

8. La cour d'appel a constaté que le 17 mars 2020, dans le contexte sanitaire de la pandémie de covid-19 et d'incertitudes et d'interrogations sur les modes de transmission du virus, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (le CHSCT) avait alerté l'employeur de l'existence d'un danger grave et imminent au sein de l'établissement, plusieurs mesures de prévention n'étant pas appliquées ou ne pouvant être appliquées.

9. Elle a ensuite relevé que les salariés n'avaient pas disposé de masques avant le 8 avril 2020, que la distribution de gel hydroalcoolique n'avait été mise en place que le 26 mars et les essuie-mains papier le 10 avril, que la distance d'un mètre ne pouvait pas être toujours respectée et que l'alerte du CHSCT avait été levée le 10 avril 2020 après que l'employeur avait mis en place des mesures correctives.

10. Après avoir justement rappelé que l'appréciation de la légitimité de l'exercice du droit de retrait ne consistait pas à rechercher si l'employeur avait commis un manquement mais à déterminer si, au moment de l'exercice de ce droit, le salarié avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, la cour d'appel a estimé que le salarié avait un motif de penser que sa situation de travail présentait un tel danger, sans être tenue de rechercher si l'employeur avait mis en oeuvre les mesures prescrites par les autorités gouvernementales au regard des connaissances scientifiques et des recommandations nationales.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société La Poste aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer à M. [Z] la somme de 750 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400594
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Situation de travail présentant un danger grave et imminent pour la santé du travailleur - Droits d'alerte et de retrait - Droit de retrait - Exercice - Légitimité - Conditions - Motif raisonnable de quitter le poste de travail - Cas - Pandémie - Respect par l'employeur des mesures prescrites par les autorités gouvernementales - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Défaut d'exécution - Droit de retrait du salarié - Exercice - Conditions - Situation de travail présentant un danger grave et imminent pour la santé du salarié - Motif raisonnable de quitter le poste de travail - Cas - Pandémie - Respect par l'employeur des mesures prescrites par les autorités gouvernementales - Portée

Le respect par l'employeur des mesures prescrites par les autorités gouvernementales à l'occasion d'une pandémie, au regard des connaissances scientifiques et des recommandations nationales, n'exclut pas la légitimité de l'exercice de son droit de retrait par un salarié qui justifie d'un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé


Références :

Articles L. 4131-1, L. 4131-3 et L. 4132-1 du code du travail

décret n° 2011-619 du 31 mai 2011 relatif à la santé et à la sécurité au travail à la société La Poste.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 octobre 2022

Sur l'exercice par le salarié de son droit de retrait, à rapprocher : Soc., 23 avril 2003, pourvoi n° 01-44806, Bull. 2003, V, n° 136 (rejet), et les arrêts cités ;

Soc., 9 octobre 2013, pourvoi n° 12-22288, Bull. 2013, V, n° 227 (2) (Rejet) ;

Soc., 25 novembre 2015, pourvoi n° 14-21272, Bull. 2015, V, n° 241 (1) (Rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jui. 2024, pourvoi n°52400594


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400594
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