La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2024 | FRANCE | N°42400261

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mai 2024, 42400261


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FB






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 15 mai 2024








Cassation partielle




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 261 F-B


Pourvoi n° H 23-13.990








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________





ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 MAI 2024


La société Amarris holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Amarris fin...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 mai 2024

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 261 F-B

Pourvoi n° H 23-13.990

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 MAI 2024

La société Amarris holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Amarris finance, a formé le pourvoi n° H 23-13.990 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société Smartpush, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Amarris holding, venant aux droits de la société Amarris finance, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Smartpush, après débats en l'audience publique du 19 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société Amarris holding, venant aux droits de la société Amarris finance, de sa reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 janvier 2023), le 5 décembre 2018, la société Amarris finance, aux droits de laquelle vient la société Amarris holding (la société Amarris), qui exerce une activité dans le domaine de la comptabilité et des services associés à destination des entreprises, a conclu avec la société Smartpush, spécialisée dans le développement d'applications digitales pour les entreprises, un contrat prévoyant la mise à la disposition de la première, par la seconde, d'une plate-forme technologique et de prestations informatiques associées, destinées à lui permettre de faire bénéficier ses salariés et ses clients d'un comité d'entreprise externalisé.

3. Le 31 août 2020, après plusieurs reports de la date de mise en service de la plate-forme, la société Amarris a notifié la résolution du contrat à la société Smartpush et a sollicité la restitution des sommes qu'elle avait versées en exécution du contrat.

4. En retour, la société Smartpush a assigné la société Amarris afin de la voir, à titre principal, condamner à exécuter le contrat. La société Amarris l'a parallèlement assignée afin de voir constater la résolution du contrat. Les deux instances ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Amarris fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du contrat du 5 décembre 2018 aux torts partagés des parties et de rejeter ses demandes indemnitaires et l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ que les obligations contractuelles ne peuvent être modifiées que par un accord de volontés des parties au contrat ; qu'en se fondant sur l'intervention de la société Amarris sur l'interface de programmation applicative (API) en cours de projet, pour juger que "la société Amarris ne peut sérieusement prétendre qu'aucune obligation technique ne lui incombait", cependant qu'elle constatait elle-même que selon le contrat conclu entre les parties "aucune obligation technique ou mise à disposition ne lui est imposée aux termes de ce contrat", ce dont il résultait que seule une modification de cet accord, par les parties, pouvait mettre à la charge de la société Amarris une telle obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101, 1103 et 1193 du code civil ;

2°/ qu'un professionnel ne peut être déchargé de son devoir de conseil en considération des compétences personnelles de son client ; qu'en retenant, pour écarter tout manquement de la société Smartpush à son devoir de conseil, que "la société Amarris bénéficie d'un service informatique disposant manifestement des compétences nécessaires", quand la société Smartpush aurait dû, quelles que soient les compétences de son client, l'aviser en amont de la conclusion du contrat de ses besoins techniques nécessaires à l'exécution de sa prestation, notamment s'agissant de l'API qu'elle devait fournir pour la mise en production du projet, la cour d'appel a violé l'article 1231-1 du code civil ;

3°/ qu'il incombe au vendeur professionnel de démontrer qu'il s'est acquitté de son devoir de conseil ; qu'en relevant, pour écarter tout manquement de la société Smartpush à son devoir de conseil, que la société Amarris ne se prévalait d'aucune pièce probante de nature à établir ce manquement, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. D'une part, sous le couvert d'un grief infondé de manque de base légale, le moyen, pris en sa première branche, ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la volonté commune des parties que soit mise à la charge de la société Amarris le développement de l'interface de programmation applicative (API).

7. D'autre part, ayant relevé que la teneur des échanges de mails entre les parties établissait que la société Amarris bénéficiait d'un service informatique disposant des compétences nécessaires pour apprécier le pré-requis induit par l'organisation technique choisie par les parties pour la livraison du service commandé à la société Smartpush et que la société Amarris ne justifiait pas avoir formulé de reproche à cet égard ni sollicité l'aide de son cocontractant, ce dont il résulte que la compétence de la société Amarris lui permettait d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens et services qui lui étaient fournis, la cour d'appel a pu retenir qu'aucun manquement au devoir de conseil de la société Smartpush n'était caractérisé.

8. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, qui critique un motif surabondant, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société Amarris fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires et l'ensemble de ses demandes, alors « que lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procurées l'une à l'autre ; qu'en se fondant sur la circonstance que la résolution devait être prononcée "aux torts partagés" pour exclure toute restitution entre les parties, notamment des sommes que la société Amarris avait versées en exécution du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1229 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1229 du code civil :

10. Selon ce texte, la résolution met fin au contrat. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre.

11. Pour rejeter la demande de la société Amarris en restitution des sommes versées en exécution du contrat, soit 62 640 euros TTC, l'arrêt retient qu'au regard des manquements précédemment caractérisés, il convient, en application des articles 1227 et 1228 du code civil, de prononcer la résolution du contrat aux torts partagés des sociétés Smartpush et Amarris, sans qu'il y ait lieu à restitution.

12. En statuant ainsi, alors que l'admission de torts partagés ne fait pas obstacle aux restitutions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

13. La société Amarris fait le même grief à l'arrêt, alors « que la résolution d'un contrat aux torts partagés ne peut exclure toute indemnisation que si les créances de responsabilité de chacune des parties à l'égard de l'autre sont d'un égal montant et s'éteignent par conséquent par compensation ; qu'en se bornant à retenir, pour exclure toute indemnisation, que les deux parties avaient commis des fautes, et que la résolution devait être prononcée "aux torts partagés", sans rechercher ni la gravité des fautes ayant entraîné la résolution du contrat et la part de responsabilité incombant à chaque partie, ni l'importance des préjudices respectivement subis de ce fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1231-1 et 1231-2 du code civil, ensemble l'article 1347-1 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-1 du code civil :

14. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

15. Pour rejeter la demande de dommages et intérêts de la société Amarris, l'arrêt retient qu'au regard des manquements précédemment caractérisés, il convient de prononcer la résolution du contrat aux torts partagés des sociétés Smartpush et Amarris, sans qu'il y ait lieu à indemnisation des parties.

16. En se déterminant ainsi, sans rechercher ni la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résolution du contrat eu égard à la gravité des fautes retenues ni l'importance du préjudice subi par chacune, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la résolution du contrat du 5 décembre 2018 aux torts partagés des sociétés Smartpush et Amarris finance, l'arrêt rendu le 26 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Smartpush aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Smartpush et la condamne à payer à la société Amarris holding la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400261
Date de la décision : 15/05/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Résolution - Résolution judiciaire - Résolution du contrat aux torts partagés des parties - Restitution - Possibilité

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Résolution - Résolution judiciaire - Effets - Restitutions - Détermination

Il résulte de l'article 1229 du code civil que le prononcé de la résolution du contrat aux torts partagés des parties ne fait pas obstacle aux restitutions


Références :

Article 1229 du code civil.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 janvier 2023

Sur les restitutions faisant suite à la résolution d'un contrat, à rapprocher : Com., 18 janvier 2023, pourvoi n° 21-16812, Bull., (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mai. 2024, pourvoi n°42400261


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400261
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award