LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 décembre 2023
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1263 F-B
Pourvoi n° X 21-25.887
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023
M. [N] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-25.887 contre l'arrêt rendu le 27 septembre 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R], de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 septembre 2021), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires de M. [R].
2. M. [R] a contesté la saisie devant un juge de l'exécution.
3. Ce juge de l'exécution a déclaré prescrite l'action de M. [R] et a validé la saisie.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses conclusions tendant à voir déclarer les conclusions de la banque irrecevables, d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions sauf celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, et statuant à nouveau, de rejeter la demande de mainlevée de la saisie-attribution, de déclarer irrecevable l'exception de nullité de l'acte de cautionnement et de déclarer irrecevable la demande de condamnation de la banque à la somme de 234 070,43 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'à peine d'irrecevabilité de ses conclusions, relevée d'office, l'intimé doit, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant, remettre ses conclusions au greffe ; que pour rejeter l'irrecevabilité soulevée par M. [R] à l'encontre des conclusions notifiées par la banque le 29 mars 2021, l'arrêt retient qu'il appartenait [...] à M. [R] de saisir le président de chambre de cette irrecevabilité et non pas la cour d'appel sous peine d'irrecevabilité ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de relever, au besoin d'office, l'irrecevabilité des conclusions de la banque, qui n'avaient pas été remises dans le délai d'un mois suivant la notification par M. [R] de ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article 905-2 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 905-2 du code de procédure civile, le président de chambre saisie ou le magistrat désigné par le premier président statue sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions déposées tardivement par l'intimé.
7. Si les parties ne sont plus recevables à l'invoquer après le dessaisissement de ce magistrat, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, cette restriction ne fait pas obstacle à la faculté pour la cour d'appel de relever d'office cette fin de non-recevoir.
8. Le moyen, qui procède du postulat erroné que la cour d'appel a l'obligation de se saisir d'office, n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'exception de nullité de l'acte de cautionnement souscrit le 8 juin 2001 et de déclarer irrecevable sa demande de condamnation de la banque à la somme de 234 070,43 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que la signification doit être faite à personne ; qu'en l'espèce, M. [R] soutenait que la banque n'ignorait pas que [son] adresse personnelle [était] [Adresse 1] ; que pour débouter M. [R] de sa demande de nullité du contrat de cautionnement souscrit le 28 juin 2001, l'arrêt retient que l'acte de dénonciation a été signifié à M. [R] à l'adresse à laquelle il s'était domicilié sur l'extrait Kbis de la société en sa qualité de gérant, de sorte qu'il ne peut reprocher à l'huissier instrumentaire de se rendre à cette adresse pour délivrer son acte ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée par des conclusions demeurées sans réponse, si la banque n'avait pas, de manière malicieuse, volontairement laissé l'huissier de justice dans l'ignorance de la véritable adresse de M. [R], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 654, 655 et 659 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 659, alinéas 1 à 3, du code de procédure civile :
10. Selon ce texte, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification. Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
11. Pour déclarer irrecevable l'exception de nullité de l'acte de cautionnement souscrit le 8 juin 2001, l'arrêt retient que l'acte de dénonciation a été signifié à M. [R] à une adresse à laquelle il s'était domicilié sur l'extrait K-bis de la société de la plaine Capesterre en sa qualité de gérant et que M. [R] ne pouvait reprocher à l'huissier de justice de se rendre à cette adresse pour délivrer son acte. Elle en déduit que l'inscription hypothécaire a été régulièrement dénoncée à M. [R] et qu'elle constituait, dès lors, un commencement d'exécution des actes de cautionnement.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque connaissait l'adresse personnelle de M. [R] mentionnée sur l'acte notarié de prêt produit aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les conclusions de M. [R] tendant à voir déclarer les conclusions de l'intimée irrecevables, l'arrêt rendu le 27 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
Remet, sur les autres points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée.
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Guadeloupe et la condamner à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.