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22/11/2023 | FRANCE | N°42300741

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 42300741


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CC






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 22 novembre 2023








Rejet




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 741 F-B


Pourvoi n° Z 22-17.843








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023


La société Générale de manutention portuaire (GMP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-17.843 cont...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CC

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 novembre 2023

Rejet

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 741 F-B

Pourvoi n° Z 22-17.843

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023

La société Générale de manutention portuaire (GMP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-17.843 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Générale de manutention portuaire (GMP), de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société CMA CGM, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 mai 2022), le 15 novembre 2017, la société CMA CGM a confié à la société Générale de manutention portuaire (la société GMP) le chargement à bord du navire APL Merlion d'un conteneur dans lequel des produits chimiques liquides avaient été empotés au moyen d'une citerne en plastique (dite « flexitank »).

2. Au cours des opérations de manutention, le conteneur a heurté la glissière du navire et son plancher a été percé, ce qui a provoqué la fuite du produit qui s'est répandu à bord du navire et sur le quai.

3. Après avoir indemnisé le propriétaire de la marchandise dans la limite de 48 532 euros, la société CMA CGM a assigné la société GMP en remboursement de cette somme et en paiement de divers frais de nettoyage du navire, de nettoyage, réparation, stationnement et surestaries du conteneur. La société GMP a présenté une demande reconventionnelle en paiement de frais qu'elle a exposés à la suite de l'accident, par compensation avec la créance de la société CMA CGM.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal

Enoncé du moyen

4. La société GMP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande reconventionnelle, alors :

« 1°/ que lorsque des dommages causés aux marchandises et des dommages consécutifs sont imputables à l'entrepreneur de manutention, sa responsabilité ne peut en aucun cas dépasser le montant fixé par l'article L. 5422-13 du code des transports ; qu'ainsi, le total des sommes exposées par l'entrepreneur de manutention au titre des dommages, d'une part, et des sommes qui peuvent lui être réclamées par le transporteur, d'autre part, ne peut excéder ce montant ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont constaté que la limitation de responsabilité était de 48 532 euros et qu'une somme de 10 743 euros a été exposée par la société GMP pour remettre en état les lieux et les installations, à la suite du dommage causé aux marchandises ; qu'en rejetant la demande de la société GMP visant à ce que sa condamnation soit limitée à la somme de 37 789 euros, les juges du fond qui ont fait peser sur la société GMP une responsabilité d'un montant supérieur à la limitation légale ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ;

2°/ qu'à tout le moins, en s'abstenant de rechercher si la circonstance que les dépenses engagées par la société GMP étaient consécutives au dommage et entraient dès lors dans le champ de la limitation de responsabilité n'imposait pas qu'elles viennent en déduction de la somme de 48 532 euros réclamée par le transporteur, afin que la somme totale mise à la charge de la société GMP n'excède pas le montant de 48 532 euros, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ;

3°/ qu'en se fondant, pour écarter la demande de la société GMP sur les motifs impropres que la société GMP ne justifie pas que la société CMA CGM lui ait intimé l'ordre d'exposer des frais en son nom et pour son compte, les juges du fond ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ;

4°/ que, et en tout cas, en se fondant sur les motifs impropres que les dépenses ont été rendues nécessaires par la faute de la société GMP, les juges du fond ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924. »

Réponse de la Cour

5. La limitation de responsabilité du manutentionnaire prévue à l'article L. 5422-23 du code des transports ne s'applique qu'à l'égard du transporteur et ne peut donc porter que sur les dommages subis par ce dernier. Le manutentionnaire n'est pas fondé à en réclamer le bénéfice pour des frais destinés à limiter ou réparer son propre préjudice ou celui qu'il a causé à des tiers.

6. La cour d'appel, devant laquelle la société GMP avait indiqué avoir exposé des dépenses de pompage, stockage et nettoyage des outillages et installations portuaires, a relevé que ces dépenses n'avaient pas été engagées sur ordre de la société CMA CGM et qu'elles avaient été rendues nécessaires pour remettre en état les lieux et les installations dégradées par son fait.

7. De ces appréciations souveraines, faisant ressortir que les dépenses litigieuses avaient été exposées par le manutentionnaire pour limiter et réparer le dommage qu'il avait causé aux installations portuaires et non au transporteur, la cour d'appel a exactement déduit que la société GMP ne justifiait d'aucune créance à l'égard de la société CMA CGM pouvant être compensée avec la créance de cette dernière.

8. Le moyen, reposant pour partie sur un postulat erroné, n'est pas fondé pour le surplus.

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches, du pourvoi incident

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. La société CMA CGM fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation à paiement de la société GMP à la somme de 48 532 euros, alors :

« 1°/ que le conteneur constitue une marchandise, de sorte qu'il doit être tenu compte, pour calculer le plafond légal de responsabilité contractuelle du manutentionnaire portuaire, du poids du conteneur qui lui a été confié ; qu'en écartant la demande d'indemnisation de la société CMA CGM au titre des frais de réparation, de nettoyage, des frais de stationnement et de surestaries du conteneur au motif inopérant que "la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'appliquant aux dommages causés à la marchandise et à ceux consécutifs ou annexes supportés par le transporteur, la société CMA CGM ne peut faire supporter à la société GMP les préjudices allégués par elle qui sont consécutifs ou annexes à son préjudice principal constitué par la perte de la marchandise", la cour d'appel a violé l'article L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée par le protocole du 21 décembre 1979 ;

4°/ que l'action engagée par le transporteur maritime à l'encontre du manutentionnaire en réparation des dommages causés au navire au cours du déchargement est étrangère au contrat de manutention des marchandises et relève de la responsabilité délictuelle du manutentionnaire, de sorte qu'elle n'est pas soumise au plafond de responsabilité visé à l'article L. 5542-23 du code des transports ; qu'en déboutant la société CMA CGM de sa demande d'indemnisation au titre des frais de nettoyage du navire au motif inopérant que "la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'appliquant aux dommages causés à la marchandise et à ceux consécutifs ou annexes supportés par le transporteur, la société CMA CGM ne peut faire supporter à la société GMP les préjudices allégués par elle qui sont consécutifs ou annexes à son préjudice principal constitué par la perte de la marchandise", la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée par le protocole du 21 décembre 1979. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports que la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les limites de la responsabilité du transporteur pour les pertes et dommages subis par les marchandises, telles que fixées à l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée.

12. Après avoir énoncé à bon droit que la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'applique, non seulement aux dommages causés à la marchandise, mais aussi à ceux consécutifs ou annexes à ce préjudice principal, l'arrêt retient exactement que les frais de nettoyage du navire, et ceux de réparation, nettoyage, stationnement et surestaries du conteneur, constituaient un dommage consécutif et annexe aux dommages aux marchandises soumis au plafond légal d'indemnisation, de sorte que la créance de la société CMA CGM sur la société GMP se limitait à la somme de 48 532 euros.

13. Le moyen n'est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42300741
Date de la décision : 22/11/2023
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Acconier - Responsabilité - Limitation - Domaine d'application - Définition

TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Acconier - Responsabilité - Limitation - Domaine d'application - Dommages consécutifs ou annexes supportés par le transporteur TRANSPORTS MARITIMES - Marchandises - Acconier - Responsabilité - Limitation - Conditions - Dommage subi par le transporteur

Il résulte des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports que la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les limites de la responsabilité du transporteur pour les pertes et dommages subis par les marchandises, telles que fixées à l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924 modifiée. La limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'applique ainsi non seulement aux dommages causés à la marchandise, mais aussi à ceux consécutifs ou annexes à ce préjudice principal, imputables à l'entrepreneur de manutention, tels que des frais de nettoyage du navire, de réparation du conteneur et de "surestaries". La limitation de responsabilité du manutentionnaire prévue à l'article L. 5422-23 du code des transports ne s'applique qu'à l'égard du transporteur et ne peut donc porter que sur les dommages subis par ce dernier. Le manutentionnaire n'est pas fondé à en réclamer le bénéfice pour des frais destinés à limiter ou réparer son propre préjudice ou celui qu'il a causé à des tiers


Références :

Articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports

article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924 modifiée.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 12 mai 2022

Sur la limitation de responsabilité de l'entrepreneur de manutention, à rapprocher : Com., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-24598, Bull., (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 nov. 2023, pourvoi n°42300741


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:42300741
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