LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 1er mars 2023
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 149 FS-B
Pourvoi n° A 21-23.176
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [X].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 28 avril 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023
La société Maçonnerie générale Pastorelli, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° A 21-23.176 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-4), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [G] [X], domiciliée [Adresse 2],
2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Maçonnerie générale Pastorelli, de la SARL Corlay, avocat de Mme [X], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Delbano, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Rat, M. Pons, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mai 2021), Mme [X] a confié des travaux de construction d'un mur de soutènement et de réfection de terrasses à la société Maçonnerie générale Pastorelli (la société Pastorelli).
2. Le 19 décembre 2011, la société Pastorelli lui a adressé une facture du solde des travaux.
3. Par acte du 23 septembre 2014, la société Pastorelli a, après une expertise amiable, assigné Mme [X] en paiement de sa créance.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses troisième à cinquième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. La société Pastorelli fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme étant prescrite sa demande en paiement du solde de ses travaux à l'encontre de Mme [X], alors :
« 1°/ que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en énonçant que "le point de départ du délai de l'action en paiement engagée par l'entreprise à l'égard du maître d'ouvrage est la date de l'émission de la facture ou, à défaut, la date de la mise en demeure de payer après la réalisation des travaux", pour en déduire "qu'en l'espèce il résulte des pièces produites que les travaux commandés à la société Pastorelli ayant été réalisés en 2011 et facturés le 19 décembre 2011, le point de départ du délai doit être fixé à cette date" quand le point de départ du délai de prescription biennale devait correspondre à la date à laquelle la créance constituée du solde du prix restant dû par Mme [X] était devenue exigible, c'est-à-dire à l'issue de l'expertise amiable diligentée au contradictoire de la société Pastorelli, ayant conduit au rapport établi le 17 décembre 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil ;
2°/ que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que Mme [X] "ne produit aucune photographie, ni aucun élément permettant de déterminer l'état des existants manifestement anciens, dont le mur effondré, avant réalisation des travaux par la société Pastorelli, aux abords de sa maison de village, et qu'elle est dans l'incapacité de préciser les travaux qu'elle prétend avoir commandé, puisqu'elle sollicite elle-même, à titre subsidiaire, une expertise avec pour mission de déterminer notamment "quels ont été les travaux commandés", elle ne peut sérieusement soutenir que la société Pastorelli devait effectuer des travaux sur l'escalier de pierre, cette prestation de figurant pas dans la situation de chantier n° 1 susvisée, ni qu'elle aurait démoli la première marche de l'escalier en pierres et que le mur en pierres sèches est affecté de malfaçons, ce qui ne résulte pas des photographies annexées au procès-verbal de constat établi le 22 décembre 2011 par Maître [F] [H], huissier de justice" ; qu'il s'évince de ces mêmes motifs "qu'une mesure d'expertise ne peut avoir pour objet de pallier la carence du maître d'ouvrage à rapporter la preuve des travaux commandés par lui, ni des "désordres" invoqués" ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer prescrite l'action en paiement engagée par l'entreprise à l'égard du maître de l'ouvrage, "qu'il résulte des pièces produites que les travaux commandés à la société Pastoralli ont été réalisés en 2011 et facturés le 19 décembre 2011, le point de départ doit être fixé à cette date" sans rechercher si le refus par Mme [X] de procéder au règlement du solde du prix en raison de prétendus inachèvements et désordres affectant les travaux, suivi de l'organisation d'une expertise amiable à laquelle la société Pastorelli avait accepté de participer, n'avait pas eu pour effet de retarder le point de départ du délai de prescription à la date d'établissement du rapport d'expertise établi le 17 décembre 2012, qui, bien que non communiqué à la société Pastorelli, apportait une réponse technique aux allégations du maître de l'ouvrage qui se sont révélées infondées ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
7. Selon l'article 2224 du code civil, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
8. S'il a été jugé que le point de départ du délai biennal de prescription se situait, conformément à l'article 2224 du code civil, au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée (1re Civ., 16 avril 2015, pourvoi n° 13-24.024, Bull. 2015, I, n° 100 ; 1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-13.278, Bull. 2017, I, n° 111), il a été spécifiquement retenu, comme point de départ, dans le cas d'une action en paiement de travaux formée contre un consommateur, le jour de l'établissement de la facture (1re Civ., 3 juin 2015, pourvoi n° 14-10.908, Bull. 2015, I, n° 136 ; 3e Civ., 14 février 2019, pourvoi n° 17-31.466).
9. Cependant, la Cour de cassation retient désormais que l'action en paiement de factures formée contre un professionnel, soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce ou contre un consommateur, soumise à la prescription biennale de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, se prescrit à compter de la date de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'agir, laquelle peut être caractérisée par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations (Com., 26 février 2020, pourvoi n° 18-25.036, publié au Bulletin ; 1re Civ., 19 mai 2021, pourvoi n° 20-12.520, publié au Bulletin).
10. Au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil dont l'application a été admise pour déterminer le point de départ du délai de l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation, et afin d'harmoniser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, il y a donc lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d'exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible.
11. La cour d'appel ayant constaté que les travaux commandés à la société Pastorelli avaient été réalisés en 2011, il en résulte que l'action introduite le 23 septembre 2014, plus de deux ans après leur achèvement, était prescrite.
12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux de l'arrêt, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Maçonnerie générale Pastorelli aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Maçonnerie générale Pastorelli
La société Maçonnerie Générale Pastorelli fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande en paiement du solde de ses travaux formée par celle-ci à l'encontre de [G] [X] comme étant prescrite
1° Alors en premier lieu que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en énonçant que « le point de départ du délai de l'action en paiement engagée par l'entreprise à l'égard du maître d'ouvrage est la date de l'émission de la facture ou, à défaut, la date de la mise en demeure de payer après la réalisation des travaux », pour en déduire « qu'en l'espèce il résulte des pièces produites que les travaux commandés à la société Maçonnerie Générale Pastorelli ayant été réalisés en 2011 et facturés le 19 décembre 2011, le point de départ du délai doit être fixé à cette date » quand le point de départ du délai de prescription biennale devait correspondre à la date à laquelle la créance constituée du solde du prix restant dû par Mme [G] [X] était devenue exigible, c'est-à-dire à l'issue de l'expertise amiable diligentée au contradictoire de la société Maçonnerie Générale Pastorelli, ayant conduit au rapport établi le 17 décembre 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil,
2° Alors en deuxième lieu que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il s'évince des constatations de l'arrêt que Mme [G] [X] « ne produit aucun photographie, ni aucun élément permettant de déterminer l'état des existants manifestement anciens, dont le mur effondré, avant réalisation des travaux par la société Maçonnerie Générales Pastorelli, aux abords de sa maison de village, et qu'elle est dans l'incapacité de préciser les travaux qu'elle prétend avoir commandé, puisqu'elle sollicite elle-même, à titre subsidiaire, une expertise avec pour mission de déterminer notamment « quels ont été les travaux commandés », elle ne peut sérieusement soutenir que la société Maçonnerie Générale Pastorelli devait effectuer des travaux sur l'escalier de pierre, cette prestation de figurant pas dans la situation de chantier n° 1 susvisée, ni qu'elle aurait démoli la première marche de l'escalier en pierres et que le mur en pierres sèches est affecté de malfaçons, ce qui ne résulte pas des photographies annexées au procès-verbal de constat établi le 22 décembre 2011 par Maître [F] [H], huissier de justice a [Localité 3] » ; qu'il s'évince de ces mêmes motifs « qu'une mesure d'expertise ne peut avoir pour objet de pallier la carence du maître d'ouvrage à rapporter la preuve des travaux commandés par lui, ni des « désordres » invoqués » ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer prescrite l'action en paiement engagée par l'entreprise à l'égard du maître de l'ouvrage, « qu'il résulte des pièces produites que les travaux commandés à la société Maçonnerie Générale Pastoralli ont été réalisés en 2011 et facturés le 19 décembre 2011, le point de départ doit être fixé à cette date » sans rechercher si le refus par Mme [G] [X] de procéder au règlement du solde du prix en raison de prétendus inachèvements et désordres affectant les travaux, suivi de l'organisation d'une expertise amiable à laquelle la société Maçonnerie Générale Pastorelli avait accepté de participer, n'avait pas eu pour effet de retarder le point de départ du délai de prescription à la date d'établissement du rapport d'expertise établi le 17 décembre 2012, qui, bien que non communiqué à la société Générale Maçonnerie Pastorelli, apportait une réponse technique aux allégations du maître de l'ouvrage qui se sont révélées infondées ainsi qu'il résulte des constatations de l'arrêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil,
3° Alors en troisième lieu que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en énonçant qu'en application de l'article 2239 du code civil, la prescription n'est suspendue que lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et qu'aucune cause d'interruption du délai de prescription n'est invoquée ni au surplus établie, la cour d'appel a violé par fausse application le texte susvisé,
4° Alors en quatrième lieu que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ; que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en s'abstenant de rechercher si, à la suite de la contestation soulevée par Mme [G] [X], la société Maçonnerie Générale Pastorelli n'avait pas envisagé un règlement amiable du litige en participant au rendez-vous d'expertise organisé à la demande de l'assureur protection juridique de Mme [G] [X] à la suite duquel un rapport d'expertise avait été établi le 17 décembre 2012, sans qu'il soit d'ailleurs communiqué à la société Maçonnerie Générale Pastorelli malgré plusieurs demandes en ce sens, de sorte que le délai de prescription biennale n'avait pu commencer à courir avant le 17 décembre 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 137-2 du code de la consommation devenu l'article L. 218-2 du même code suite à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, ensemble l'article 2224 du code civil,
5° Alors en cinquième lieu, et à titre subsidiaire, qu'une prescription acquise est susceptible de renonciation ; que cette renonciation peut être expresse ou tacite, la renonciation tacite résultant de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription ; qu'en déclarant irrecevable comme prescrite la demande en paiement du solde de ses travaux formée par la société Maçonnerie Générale Pastorelli à l'encontre de Mme [G] [X] sans rechercher si, dans ses écritures devant le tribunal de grande instance de Nice, Mme [G] [X] avait demandé de « - Dire que les travaux réalisés par la société Maçonnerie Générale Pastorelli sont affectés de nombreuses malfaçons et inachèvements, - Dire que la société Maçonnerie Générale Pastorelli a engagé sa responsabilité à l'égard de Mme [X], - Dire que les règlements effectués par Mme [X] à hauteur de 15.000 euros sont libératoires » de sorte qu'elle avait tacitement renoncé sans aucune équivoque à se prévaloir de la prescription, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2251 du code civil.