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12/01/2023 | FRANCE | N°20-20063

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 janvier 2023, 20-20063


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2023

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 49 F-B

Pourvoi n° W 20-20.063

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2023

M. [F] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvo

i n° W 20-20.063 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2020 par la cour d'appel de Caen (première chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 janvier 2023

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 49 F-B

Pourvoi n° W 20-20.063

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 JANVIER 2023

M. [F] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 20-20.063 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2020 par la cour d'appel de Caen (première chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [T] [W], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. [R], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [W], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 juillet 2020), par arrêt du 7 septembre 2006, la cour d'appel de Caen a condamné M. [R] à payer à son épouse, Mme [W], une pension alimentaire mensuelle de 380 euros à compter du 28 novembre 2005.

2. Celle-ci a poursuivi son recouvrement par une procédure de paiement direct à compter du mois d'octobre 2006.

3. Le divorce des époux a été prononcé par jugement du 2 mars 2009, qui a condamné M. [R] à payer à son épouse une prestation compensatoire sous forme de rente viagère d'un montant mensuel de 400 euros.

4. Par arrêt du 23 septembre 2010, la cour d'appel de Caen a condamné M. [R] à payer à Mme [W] une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 40 000 euros.

5. Par acte du 23 août 2018, M. [R] a assigné Mme [W] devant un juge de l'exécution afin d'obtenir la mainlevée de la procédure de paiement direct et une condamnation à dommages-intérêts pour procédure abusive.

6. Par décision avant dire droit du 12 avril 2019, le juge de l'execution a dit que le prononcé du divorce était devenu irrévocable au 23 septembre 2012 et sollicité les observations des parties sur les conséquences qu'elles entendaient en tirer.

7. Par jugement du 29 novembre 2019, le juge de l'execution a débouté M. [R] de sa demande d'exonération de la majoration du taux d'intérêts légal, fixé le montant dû par lui au titre de la prestation compensatoire à la somme de 24 252,85 euros arrêtée au 30 juin 2019 et l'a débouté de ses demandes de délais de paiement et de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. M. [R] fait grief à l'arrêt de dire que sa dette au titre de la prestation compensatoire s'élevait à la somme de 24 252,85 euros, somme arrêtée au 30 juin 2019, alors « que le taux majoré d'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision de condamnation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 23 septembre 2010 ayant condamné M. [R] à payer une prestation de 40 000 euros à Mme [W], n'avait été signifié à l'exposant que le 2 janvier 2018 ; que dès lors, en jugeant que M. [R] était devenu débiteur du taux d'intérêt légal majoré de cinq points deux mois après le 23 novembre 2012, la cour d'appel a violé l'article 503 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'article 313-3 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

10. Mme [W] conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire aux conclusions de M. [R] devant la cour d'appel, et à tout le moins nouveau, mélangé de fait et de droit.

11. Cependant, dans ses conclusions d'appel, M. [R] contestait les calculs réalisés par Mme [W] et le bénéfice par cette dernière d'intérêts majorés aux motifs qu'il était impossible de considérer que les intérêts étaient acquis avant la décision du juge de l'exécution du 29 novembre 2019, et par ailleurs, sur le fondement des articles 502 et 503 du code de procédure civile, qu'il n'avait nullement connaissance de la décision fixant la prestation compensatoire en capital avant sa notification qui n'est intervenue qu'à compter du mois de mars 2018.

12. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 313-3, alinéa 1er, du code monétaire et financier, et 503 du code de procédure civile :

13. Selon le premier de ces textes, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.

14. Il résulte du second de ces textes que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

15. Il s'en déduit que le taux de l'intérêt légal majoré n'est applicable qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de condamnation a été notifiée.

16. Pour arrêter la somme restant due par M. [R] au 30 juin 2019 à 24 252,85 euros, l'arrêt retient que l'article L. 313-3 du code monétaire et financier dispose que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points deux mois après que la décision de justice soit devenue exécutoire, soit en l'espèce, à compter du 23 novembre 2012.

17. En statuant ainsi, alors que le taux majoré de l'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision, intervenue le 2 janvier 2018, soit le 2 mars 2018, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a arrêté la somme restant due par M. [R] au 30 juin 2019 à 24 252,85 euros, l'arrêt rendu le 7 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

Condamne Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [W] et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille vingt-trois.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me Ridoux, avocat aux Conseils, pour M. [R]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [F] [R] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de L'AVOIR débouté de sa demande d'exonération de la majoration du taux d'intérêt légal, et D'AVOIR dit que la créance due par M. [F] [R] au titre de la prestation compensatoire s'élevait à la somme de 24 252,85 euros somme arrêtée au 30 juin 2019 ;

1°) ALORS, d'une part, QUE le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de la majoration ou en réduire le montant ; qu'en l'espèce, dans ses écritures d'appel, M. [R] demandait en tout état de cause à être exonéré de la majoration de cinq points de l'intérêt, en exposant sa situation patrimoniale et de santé (conclusions d'appel, p. 10-11) ; qu'il indiquait disposer d'une modeste retraite pour faire face à ses charges, aider sa fille, et devoir en outre affronter un cancer (ibid.) ; qu'à l'appui de sa démonstration, il produisait non seulement un relevé bancaire confirmant le montant de sa retraite, ainsi que plusieurs relevés bancaires établissant ses différentes charges, déjà communiqués en première instance (production n° 5), mais également des pièces nouvelles en appel, consistant dans de nouveaux relevés bancaires et dans un justificatif de son état de santé (productions n° 6 et 7) ; que dès lors, en se bornant à affirmer que M. [R] ne produisait pas « d'éléments justifiant qu'il soit fait application » des dispositions légales autorisant l'exonération de la majoration (arrêt attaqué, p. 4 ; jugement entrepris, p. 4), sans s'expliquer sur l'ensemble des éléments précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier ;

2°) ALORS, d'autre part, QUE dans ses écritures d'appel, pour demander l'exonération de la majoration des intérêts, M. [R] faisait valoir qu'il avait fait l'objet d'une procédure de paiement direct mise en place par Mme [W] jusqu'en 2018, au titre d'une pension alimentaire qui n'était plus due depuis de nombreuses années (conclusions d'appel, p. 8 à 10) ; qu'il ajoutait que Mme [W] avait d'abord elle-même affirmé que l'arrêt du 23 septembre 2010, ayant condamné M. [R] à lui payer une prestation compensatoire d'un montant de 40 000 euros, n'était devenu définitif que le 02 mars 2018, deux mois après sa signification, que les versements antérieurs se rapportaient à la pension alimentaire au titre du devoir de secours, pensant ainsi pouvoir lui réclamer le paiement de l'intégralité de la somme de 40 000 euros au titre de la prestation compensatoire en 2018 (conclusions d'appel, p. 1, et p. 8 à 10 ; productions n° 8 et 9) ; que dès lors, en rejetant la demande d'exonération de la majoration formée par l'exposant, sans répondre au moyen précité tiré du comportement blâmable et contradictoire de Mme [W], la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, en outre, QUE le jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, M. [R] faisait valoir qu'il n'avait eu connaissance de l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 23 septembre 2010 qu'avec la signification qui lui en avait été faite par Mme [W] le 02 janvier 2018 (conclusions d'appel, en partic. p. 6 dernier § et p. 7) ; qu'en se bornant à affirmer que M. [R] « ne pouvait ignorer la teneur » de cet arrêt (arrêt attaqué, p. 4 § 7), la cour d'appel, qui a statué par voie de pure affirmation, n'a pas motivé sa décision a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ET ALORS QUE l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier ne distingue pas selon que les intérêts sont dus pour la période antérieure ou postérieure à la décision du juge de l'exécution ; que le juge de l'exécution peut exonérer le débiteur de la majoration afférente aux intérêts dus pour la période antérieure à sa décision ; que dès lors, en décidant, à supposer ces motifs adoptés, que le juge de l'exécution ne pouvait accorder cette exonération « qu'à compter de la date de la décision et pour les intérêts à échoir, sans pouvoir remettre en cause rétroactivement les intérêts majorés déjà acquis au créancier de la condamnation prononcée » (jugement entrepris, p. 4 § 4), la cour d'appel a violé l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [F] [R] FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la créance qu'il devait au titre de la prestation compensatoire s'élevait à la somme de 24 252,85 euros somme arrêtée au 30 juin 2019 ;

ALORS QUE le taux majoré d'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision de condamnation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que l'arrêt de la cour d'appel de Caen du 23 septembre 2010 ayant condamné M. [R] à payer une prestation de 40 000 euros à Mme [W], n'avait été signifié à l'exposant que le 02 janvier 2018 (arrêt attaqué, p. 2) ; que dès lors, en jugeant que M. [R] était devenu débiteur du taux d'intérêt légal majoré de cinq points deux mois après le 23 novembre 2012 (arrêt attaqué, p. 4), la cour d'appel a violé l'article 503 du nouveau code de procédure civile, ensemble l'article 313-3 du code monétaire et financier.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-20063
Date de la décision : 12/01/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

INTERETS - Intérêts moratoires - Taux - Taux légal majoré - Point de départ

INTERETS - Intérêt légal - Taux - Majoration - Point de départ

Il résulte des articles L. 313-3, alinéa 1er, du code monétaire et financier, et 503 du code de procédure civile que le taux majoré de l'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision fondant les poursuites


Références :

Article L. 313-3, alinéa 1, du code monétaire et financier

article 503 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 07 juillet 2020

2e Civ., 4 avril 2002, pourvoi n° 00-19822, Bull. 2002, II, n° 69 (cassation sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 jan. 2023, pourvoi n°20-20063, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : Me Ridoux, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:20.20063
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