LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 22-83.019 F-B
N° 00011
ODVS
4 JANVIER 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 JANVIER 2023
M. [R] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 5 avril 2022, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis, à l'annulation de son permis de conduire, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [R] [F], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Un accident de la circulation a été provoqué par un véhicule de gendarmerie, conduit, dans le cadre de ses fonctions, par M. [R] [F].
3. La conductrice du véhicule percuté est décédée des suites de ses blessures. Les deux passagers du véhicule de la gendarmerie ont subi des blessures ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois.
4. M. [F], poursuivi des chefs susmentionnés, a été déclaré coupable de ces délits et responsable des dommages causés aux victimes.
5. Statuant sur les intérêts civils, le tribunal a déclaré recevables les constitutions de partie civile et donné acte de son intervention à l'agent judiciaire de l'Etat.
6. Il a condamné M. [F] au versement d'une consignation en vue de l'expertise médicale ordonnée et au paiement de diverses sommes aux parties civiles.
7. M. [F], les parties civiles et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. [M] et des consorts [T], a déclaré M. [F] responsable des préjudices subis par les parties civiles, alloué à M. [M] la somme de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et condamné M. [F] aux dépens afférents à l'intervention des parties civiles, alors « que la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur du dommage causé, dans l'exercice de ses fonctions, par un véhicule ; qu'en l'espèce où il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'accident de circulation litigieux est survenu alors que M. [F], maréchal des logis chef, conduisait un véhicule de la gendarmerie avec, à son bord, une collègue et M. [M] afin de se rendre au domicile de ce dernier pour y effectuer une perquisition, la cour d'appel, en faisant supporter à M. [F] les conséquences civiles de l'accident, a méconnu les articles 1er de la loi du 31 décembre 1957, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 :
10. Aux termes de ce texte, la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions par un véhicule de l'Etat. Il s'en déduit que la partie civile n'est pas recevable à agir contre cet agent, pénalement responsable du délit.
11. L'arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de partie civile, déclaré M. [F] responsable des préjudices subis par les parties civiles et leur a alloué diverses sommes.
12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.
13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 5 avril 2022, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatre janvier deux mille vingt-trois.