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15/11/2022 | FRANCE | N°22-85097

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 novembre 2022, 22-85097


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° B 22-85.097 F-B

N° 01545

SL2
15 NOVEMBRE 2022

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 NOVEMBRE 2022

M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 20 juillet 2022, q

ui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et d'infractions à la législation sur les s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° B 22-85.097 F-B

N° 01545

SL2
15 NOVEMBRE 2022

CASSATION SANS RENVOI

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 15 NOVEMBRE 2022

M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 10e section, en date du 20 juillet 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants et d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [V], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mis en examen des chefs susvisés, M. [M] [V] a été placé en détention provisoire le 16 juin 2022.

3. À côté de sa signature, dans la rubrique dédiée à la notification de l'ordonnance, il a apposé la mention manuscrite « je fais appel ».

4. Par courrier du 13 juillet 2022, son avocat a demandé au procureur général la mise en liberté d'office de l'intéressé, au motif qu'il n'avait pas été statué dans les délais prévus par la loi sur l'appel déclaré par ce dernier devant le juge des libertés et de la détention à l'issue du débat contradictoire.

5. Un acte d'appel a été établi le même jour par le greffe du tribunal judiciaire, au vu de ce seul courrier.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que la chambre de l'instruction n'était pas régulièrement saisie, en l'absence d'appel régulièrement formé et a dit qu'il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré du défaut de délivrance du permis de communiquer, alors « que si la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et doit être signée par le greffier et par l'appelant lui-même, la mention « je fais appel » à côté de la signature du mis en examen sur la seule dernière page de l'ordonnance de placement en détention provisoire, dans l'espace consacré aux formalités de notification, suffit à constituer une déclaration d'appel, dès lors qu'elle est suivie de la signature du greffier, même au titre d'une formalité de notification ; qu'au cas d'espèce, Monsieur [V] a manifesté son intention d'interjeter appel de l'ordonnance du 16 juin 2022 par lequel le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire en inscrivant la mention manuscrite « je fait appel » sur la troisième page de cette ordonnance, à côté de sa signature ; que le greffier du juge des libertés et de la détention a, sur la même page, également apposé sa signature, sans pour autant transcrire la déclaration d'appel au registre du tribunal judiciaire ; qu'en retenant toutefois, pour dire qu'elle n'était pas régulièrement saisie, en l'absence d'appel régulièrement formé, que la signature du greffier du juge des libertés et de la détention ne figurait sur l'ordonnance de placement en détention provisoire qu'au titre de l'accomplissement de la formalité de notification, de sorte que cette signature ne saurait authentifier la déclaration d'appel de Monsieur [V], la chambre de l'instruction a violé les articles 186, 502, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 502 du code de procédure pénale :

7. Il résulte de ce texte que la déclaration d'appel est faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

8. Pour dire que la juridiction n'était pas saisie d'un appel, l'arrêt attaqué énonce que M. [V] a apposé sur la dernière page de l'ordonnance de placement en détention provisoire, sous la mention de réception d'une copie de l'ordonnance et de l'imprimé de déclaration des droits, la mention manuscrite « je fais appel » suivie de sa signature.

9. Les juges observent que l'article 502 du code de procédure pénale prévoit que la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée et doit être signée par lui.

10. Ils relèvent que l'ordonnance contestée, sur laquelle a été portée la mention ci-dessus, n'a pas été signée par le greffier et que la signature de ce dernier figurant uniquement au titre de l'accomplissement de la formalité de notification à l'avocat, il ne saurait s'en déduire que le greffier a eu connaissance d'une déclaration d'appel dans des conditions conformes aux exigences du texte susvisé.

11. Ils en déduisent que l'appel enregistré par le greffe du tribunal judiciaire le 13 juillet 2022 a été formé irrégulièrement.

12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé, pour les motifs qui suivent.

13. Premièrement, le débat contradictoire à l'issue duquel M. [V] a été placé en détention provisoire s'est tenu en présence du juge saisi, du greffier qui l'assistait et de l'intéressé.

14. Deuxièmement, pour attester de la réception d'une copie de l'ordonnance, M. [V] a apposé sa signature au pied de celle-ci, en présence du greffier, qui y a apposé sa signature.

15. Enfin, en ajoutant, à côté de sa signature, la mention « je fais appel », l'intéressé a manifesté sans équivoque sa volonté de faire appel, devant ce greffier, qui devait, dès lors, en tirer les conséquences en enregistrant cet appel.

16. La cassation est ainsi encourue.

Portée et conséquences de la cassation

17. Dès lors que la chambre de l'instruction ne s'est pas prononcée sur l'appel formé par M. [V] le 16 juin 2022, dans le délai prescrit par l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale, celui-ci doit être mis d'office en liberté ; la cassation aura donc lieu sans renvoi et l'intéressé sera remis en liberté s'il n'est détenu pour autre cause.

18. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.

19. En l'espèce, il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que M. [V] ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.

20. La mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin de :

- empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices, en ce que l'intéressé, déjà mis en examen pour des faits de même nature commis récemment, d'une part, a cherché à élaborer une version commune des faits avec M. [T] [A], en sollicitant M. [K] [E], d'autre part, a refusé de laisser les enquêteurs accéder au contenu de ses téléphones portables, alors que toutes les personnes impliquées n'ont pas encore été identifiées ;

- mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement, en ce que l'intéressé était, au moment des faits, placé sous contrôle judiciaire dans le cadre d'une information portant sur des faits de même nature, après avoir été en détention provisoire pendant quatorze mois, alors que, d'une part, ses déclarations sur ses activités professionnelles n'ont pu être vérifiées, d'autre part, les sommes en jeu (rémunération des comparses et montant des achats) sont sans commune mesure avec les revenus que l'intéressé dit tirer de l'activité professionnelle qu'il revendique, soit 1 400 euros par mois.

21. Afin d'assurer ces objectifs, M. [V] sera astreint à se soumettre aux obligations précisées au dispositif.

22. Le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants et 141-2 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 20 juillet 2022 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [V] est détenu sans titre depuis le 27 juin 2022 dans la présente procédure ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [V] s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. [V] ;

DIT qu'il est soumis aux obligations suivantes :

- Ne pas sortir des limites territoriales suivantes : département des Hauts-de- Seine ;

- Ne s'absenter de son domicile ou de sa résidence, qu'il convient de fixer [Adresse 1], qu'aux conditions et pour les motifs suivants : chaque jour de 7 heures à 19 heures ;

- Se présenter, le lendemain de sa libération, avant 17 heures, et ensuite chaque jour, entre 9 heures et 17 heures, au commissariat central de police de [Localité 2] ;

- S'abstenir de recevoir ou de rencontrer, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit, les personnes suivantes :
MM. [T] [A], [K] [E], [L] [Y], [C] [F], [S] [X] ;

DESIGNE, pour veiller au respect des obligations prévues aux rubriques ci-dessus, le commissaire central de police de [Localité 2] ;

DESIGNE le magistrat chargé de l'information aux fins d'assurer le contrôle de la présente mesure de sûreté ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2 du code de procédure pénale, toute violation de l'une quelconque des obligations ci-dessus expose la personne sous contrôle judiciaire à un placement en détention provisoire ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 22-85097
Date de la décision : 15/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DETENTION PROVISOIRE - Ordonnances - Ordonnance du juge des libertés et de la détention - Appel - Appel de l'ordonnance de placement en détention provisoire - Forme - Mention manuscrite sur l'ordonnance en présence du greffier

Est régulier l'appel de la personne mise en examen formé à l'issue du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention par apposition de la mention manuscrite « je fais appel », au pied de l'ordonnance la plaçant en détention provisoire, à côté de sa signature et en présence du greffier qui a également apposé la sienne


Références :

Article 502 du code de procédure pénale.

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 20 juillet 2022

Crim., 23 octobre 2001, pourvoi n° 01-81703, Bull. crim. 2001, n° 216 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 15 nov. 2022, pourvoi n°22-85097, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 20/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:22.85097
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