LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
VB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 octobre 2022
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 720 FS-B
Pourvoi n° S 20-22.911
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022
La société Le 101, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 20-22.911 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Pierre Olivier Prudhon-[K] [M], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à M. [W] [F], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Greff-Bohnert, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Le 101, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Pierre Olivier Prudhon-[K] [M], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Greff-Bohnert, conseiller rapporteur, M. Maunand conseiller doyen, Mme Farrenq-Nési, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mmes Abgrall, Grall conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Davoine, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société civile immobilière Le 101 du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [F].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2020), par acte authentique reçu le 5 février 2014 par M. [M], notaire associé de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M] (la SCP), la société civile immobilière Le 101 (le vendeur) a vendu à M. [F] (l'acquéreur) plusieurs lots d'un bien immobilier.
3. Le 20 mai 2015, un procès-verbal d'infractions au code de l'urbanisme et au plan local d'urbanisme relatif au changement de destination du bien a été dressé à l'encontre de l'acquéreur et de la SCP.
4. L'acquéreur a assigné le vendeur et la SCP en annulation de la vente et en indemnisation.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le vendeur fait grief à l'arrêt, après avoir prononcé la nullité de la vente, de rejeter sa demande de condamnation de la SCP à le garantir de toutes les condamnations sur les demandes formées à son encontre, alors « que les restitutions des impenses par le vendeur après l'annulation de la vente sont susceptibles d'être qualifiées de préjudices indemnisables dès lors qu'est prise en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité ; que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes reçus par lui ; qu'il est également tenu à un devoir de conseil ; que le notaire qui a causé par sa faute l'annulation de la vente doit indemniser le vendeur des impenses que ce dernier doit rembourser à l'acquéreur ; que le préjudice est évalué en prenant en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité afin que le vendeur ne s'enrichisse pas sans cause ; qu'en jugeant pour débouter la société civile immobilière Le 101 de sa demande de garantie à l'encontre de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M], la cour d'appel, qui a jugé qu'elle « ne peut demander la garantie des notaires pour ces condamnations qui ne correspondent non à un préjudice indemnisable, mais des restitutions » a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Sur le moyen en ce qu'il vise les travaux de mise en conformité
6. La cour d'appel a relevé que les travaux réalisés par l'acquéreur au titre de la mise en conformité de l'électricité, de la réfection de la toiture, des parquets, des plafonds et de la peinture des murs étaient des dépenses nécessaires et utiles donnant lieu à restitution du vendeur.
7. Ces travaux devant s'analyser en des dépenses de conservation du bien, elle en a exactement déduit que cette restitution ne pouvait donner lieu à garantie du notaire, cette condamnation ne correspondant pas à un préjudice indemnisable.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen en ce qu'il vise les charges de copropriété, le coût de l'assurance et les taxes foncières
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :
9. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
10. La cour d'appel a retenu que les condamnations prononcées au titre des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières ne constituaient pas des préjudices indemnisables.
11. En statuant ainsi, alors que les condamnations prononcées au titre du remboursement des charges de copropriété, du coût de l'assurance et des taxes foncières acquittés par l'acquéreur, ne constituaient pas des restitutions consécutives à l'annulation du contrat de vente, mais présentaient un caractère indemnitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en garantie formée par la société civile immobilière Le 101 à l'encontre de la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M] concernant les charges de copropriété, le coût de l'assurance et les taxes foncières acquittés par l'acquéreur, l'arrêt rendu le 11 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile professionnelle Pierre Olivier Prudhon-[K] [M] et la condamne à payer à la société civile immobilière Le 101 la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Le 101
LA SCI LE 101 FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande que soit condamnée la SCP Olivier Prudhon - [K] [M] notaires associés à garantir de toutes éventuelles condamnations sur les demandes formées à son encontre tant à titre principal qu'en intérêts, frais et dépens ;
ALORS QUE les restitutions des impenses par le vendeur après l'annulation de la vente sont susceptibles d'être qualifiées de préjudices indemnisables dès lors qu'est prise en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité ; que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes reçus par lui ; qu'il est également tenu à un devoir de conseil ; que le notaire qui a causé par sa faute l'annulation de la vente doit indemniser le vendeur des impenses que ce dernier doit rembourser à l'acquéreur ; que le préjudice est évalué en prenant en compte la valeur du bien au jour du prononcé de la nullité afin que le vendeur ne s'enrichisse pas sans cause ; qu'en jugeant, pour débouter la SCI Le 101 de sa demande de garantie à l'encontre de la SCP Pierre-Olivier Prudhon - [K] [M] - la Cour d'appel qui a jugé qu'elle " ne peut demander la garantie des notaires pour ces condamnations qui ne correspondent non à un préjudice indemnisable, mais à des restitutions " (p. 4 de l'arrêt) a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.