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29/06/2022 | FRANCE | N°20-13228

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 juin 2022, 20-13228


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 438 F-B

Pourvoi n° S 20-13.228

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JUIN 2022

La société Bystronic France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-13.228 contr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 juin 2022

Cassation partielle

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 438 F-B

Pourvoi n° S 20-13.228

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JUIN 2022

La société Bystronic France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-13.228 contre l'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société de Représentation de machines-outils (REPMO), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Société d'études et de ventes de machines-outils (SEVMO), défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Bystronic France, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société de Représentation de machines-outils, après débats en l'audience publique du 17 mai 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2020), la société Bystronic France (la société Bystronic) ayant résilié pour faute grave le contrat d'agence commerciale conclu avec la Société d'études et de ventes de machines outils (la société SEVMO), cette dernière, aux droits de laquelle est venue la société de Représentation de machines-outils (la société REPMO), contestant avoir commis une telle faute, l'a assignée en paiement des indemnités de cessation de contrat et de préavis.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société Bystronic fait grief à l'arrêt de dire qu'aucune faute grave n'est démontrée à l'encontre de la société SEVMO, de la condamner à régler à la société REPMO certaines sommes à titre d'indemnités de cessation de contrat et de préavis, alors « que le contrat d'agence commerciale, conclu en considération de la personne de l'agent, ne peut être transmis qu'avec l'accord du mandant ; que dès lors, commet une faute grave, par manquement à son devoir d'information et de loyauté, la société mandataire qui n'informe pas son mandant que son dirigeant personne physique, en considération de qui le contrat d'agence a été conclu, a cessé ses fonctions et a été remplacé par une autre personne ; qu'en retenant, pour dire que la société SEVMO n'avait commis aucune faute grave en n'informant pas la société Bystronic que son dirigeant avait cessé ses fonctions et été remplacé par une autre personne, que la société Bystronic n'établissait aucune atteinte à la finalité commune du mandat résultant de ce changement de direction et de contrôle, la cour d'appel, qui a constaté que ce contrat avait été conclu en considération de la personne de ce dirigeant, que les parties avaient convenu que tout changement de direction serait préalablement soumis à l'agrément du mandant et érigé tout manquement à cette obligation en faute grave, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 134-1, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce :

3. Il résulte de ces textes que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale.

4. Pour exclure la faute grave de la société SEVMO et condamner la société Bystronic au paiement d'indemnités de cessation de contrat et de préavis, après avoir constaté que l'article 11 du contrat d'agence commerciale stipulait que le contrat étant conclu en considération de la personne de M. [J], principal animateur de la société SEVMO, tout changement conduisant à la perte par ce dernier, soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devait être soumis à l'agrément du mandant dans un délai raisonnable, avant la survenance du changement, et que le non-respect de cette obligation serait assimilé à une faute grave de l'agent, ouvrant droit à la résiliation du mandat, l'arrêt retient que cette clause vise à garantir l'effectivité du caractère intuitu personae du contrat et permettre la résiliation de ce contrat en cas de changement de direction ou de contrôle de la société mandataire mais qu'il n'est pas démontré qu'une atteinte à la finalité commune du mandat a résulté du changement de direction ou de contrôle de la société SEVMO et qu'il n'est ni établi ni même invoqué que la société REPMO, qui a le contrôle majoritaire de la société SEVMO, exerce une activité concurrente de la société Bystronic.

5. En statuant ainsi, après avoir constaté que le contrat avait été conclu en considération de la personne de M. [J] et que la société SEVMO n'avait informé la société Bystronic d'un changement de direction au profit de la société REPMO que près d'un mois après celui-ci, ce dont il résulte qu'elle a manqué à son obligation de soumettre à l'agrément préalable de son mandant le changement entraînant la perte de contrôle majoritaire de M. [J], alors que le manquement à l'obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, constitue une faute grave, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

6. La cassation prononcée sur le premier moyen du chef de la condamnation au paiement d'indemnités de cessation de contrat et de préavis entraîne, par voie de conséquence, la cassation de la disposition critiquée par le second qui, rejetant la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement de première instance au motif que les sommes allouées par la cour d'appel étaient d'un montant supérieur à celui des sommes allouées par les premier juges, s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'aucune faute grave n'est démontrée à l'encontre de la société SEVMO, qu'il condamne la société Bystronic France à payer à la société REPMO la somme de 441 979 euros à titre d'indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale, qu'il condamne la société Bystronic France à payer à la société REPMO la somme de 110 495 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, qu'il déboute la société Bystronic France de sa demande de restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire et qu'il statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société de Représentation de machines-outils, venant aux droits de la Société d'études et de ventes de machines-outils (SEVMO), aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société de Représentation de machines-outils et la condamne à payer à la société Bystronic France la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Bystronic France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit qu'aucune faute grave n'est démontrée à l'encontre de la société SEVMO, condamné la société Bystronic France à régler à la société REPMO une somme de 441.979 euros à titre d'indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale et une somme de 110.495 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'avoir débouté la société Bystronic de sa demande en remboursement d'une somme de 49 061,33 euros et de l'avoir condamnée aux frais de l'article 700 de première instance et d'appel et aux entiers dépens ;

AUX MOTIFS QUE :

«Sur la validité de l'article 11 du contrat du 27 novembre 2000

L'article 11 du contrat du 27 novembre 2000, intitulé "Transmission du contrat ", prévoit que : " Le présent contrat étant conclu "intuitu personnae ", c'est à dire en considération de la personne de Monsieur [J] [P], principal animateur de la société SEVMO, tout changement conduisant à la perte par Monsieur [J] [P], soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devra être soumis à l'agrément du mandant dans un délai raisonnable, avant la survenance du changement.
Le non respect de cette obligation sera assimilé à une faute grave de l'agent ouvrant droit à la résiliation du mandat.»
Contrairement à ce que prétend la société REPMO, il ne saurait être argué de la nullité de cette clause contractuelle au motif que l'intuitu personae ne peut viser qu'une partie au contrat. En effet, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, le contrat d'agence commerciale est conclu avec une personne morale, l'intuitu personae s'apprécie en considération de la personne des dirigeants de la société.
Par ailleurs, aucune violation des pouvoirs des associés de la société mandataire ou ingérence du mandant dans le fonctionnement de la société mandataire ne peut résulter de la clause susvisée dés lors que cette clause ne donne aucun pouvoir au mandant de désigner les dirigeants de la société mandataire mais vise uniquement à garantir l'effectivité du caractère intuitu personae du contrat d'agence commerciale en subordonnant la poursuite du contrat à un agrément du mandant en cas de changement de contrôle ou de direction de la société mandataire.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société REPMO tendant à voir prononcer la nullité de l'article 11 du contrat du 27 novembre 2000 conclu entre la société Bystronic France et la société SEVMO.

Sur la faute grave de la société SEVMO

En matière de contrat d'agent commercial, la faute grave, privative d'indemnités de rupture et de préavis, se définit comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel. Elle se distingue du simple manquement aux obligations contractuelles justifiant la rupture du contrat.
Pour déterminer si un agent commercial a droit, lors de la rupture du contrat d'agence, à l'indemnité compensatrice légalement prévue, il appartient au seul juge, et non à la convention des parties, de qualifier de faute grave les faits qui lui sont soumis.
En outre, il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute.
En l'espèce, pour caractériser la faute grave de son mandataire, la société Bystronic France invoque tout d'abord l'article 11 du contrat qui qualifie de faute grave le fait de ne pas avoir soumis à son agrément le changement de contrôle et de direction de la société mandataire.
Toutefois ainsi qu'il a été rappelé plus haut la qualification de la faute grave relève du pouvoir du juge du fond et non du pouvoir des parties. Or la société Bystronic France n'explique pas en quoi le fait de ne pas avoir sollicité son agrément du changement de contrôle majoritaire allégué de la société SEVMO ou encore du changement de direction relève d'une faute grave exclusive de tout droit à indemnisation de cessation du mandat ou d'indemnité de préavis. En effet, l'article 11 du contrat a été édicté pour garantir l'effectivité du caractère intuitu personae du contrat et permettre la résiliation de ce contrat en cas de changement de direction ou de contrôle de la société mandataire. Aucune atteinte à la finalité commune du mandat résultant du changement de direction ou de contrôle de la société mandataire n'est démontrée étant observé qu'il n'est pas établi ni même invoqué que la société REPMO, qui a le contrôle majoritaire de la société SEVMO, exercerait une activité concurrente de la société Bystronic France. Il n'est pas davantage avéré que le manque allégué de diligences du mandataire résulterait de son changement de direction et de la nomination de Mme [G] en remplacement de M. [J]. Aucune faute grave n'est établie de ces chefs.
Par ailleurs, le fait que la société SEVMO n'ait pas répondu immédiatement aux demandes d'informations de son mandataire quant à son changement de direction et de contrôle adressées par courriers des 20 et 27 mars 2015 ne saurait étre constitutif d'un manque de loyauté alors qu'il est établi que le changement de direction a eu lieu le 17 mars 2015 et que les informations sollicitées ont été apportées le 7 avril 2015, soit une quinzaine de jours aprés la premiére demande d'informations et moins d'un mois aprés le changement de direction.
Enfin aucune déclaration mensongére du mandataire au moment de la conclusion du contrat n'est caractérisée. En effet, il ne peut étre déduit de la rédaction de l'article 11 du contrat, qui revét les caractéres d'une clause de style en matiére de contrat d'agence commerciale, que M. [J] s'est prétendu faussement actionnaire majoritaire de la société SEVMO.
Ensuite la société Bystronic France reproche à la société SEVMO un manque de diligences dans l'exécution du mandat.

Elle lui fait d'abord grief de ne pas avoir participé à un salon professionnel. Toutefois l'absence à un seul salon ne saurait étre constitutive d'une faute grave d'autant plus que la société Bystronic France ne démontre pas avoir alerté son agent sur la nécessité de sa présence à ce salon, dont il n'est pas contesté qu'il était destiné aux constructeurs, et ne justifie pas que son agent y participait réguliérement.

La société Bystronic France déduit ensuite de l'absence de transmission par son mandataire d'une liste des dossiers en cours à la cessation du contrat un manque de suivi de ses dossiers. Pourtant aucun manque de diligences ne saurait résulter d'une telle absence d'informations alors que le contrat avait pris fin et qu'aux termes de l'article 14 du contrat, la transmission d'une telle liste était facultative pour le mandataire.

En conséquence, aucune faute grave n'est caractérisée à l'encontre de la société SEVMO et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé de la résiliation du contrat par la société Bystronic France

La société REPMO demande qu'il soit jugé que la résiliation pour faute du contrat d'agence commerciale par la société Bystronic France était dépourvue de fondement.
Toutefois il sera relevé qu'aux termes de l'article 12 du contrat, chacune des parties pouvaient mettre un terme au contrat à tout moment sans nécessité d'établir une faute de son cocontractant.
Dans ces conditions, la société Bystronic France était bien fondée à résilier le contrat la liant à la société SEVMO peu important l'existence d'une faute de sa mandataire. La demande de la société appelante de ce chef sera rejetée.

Sur la demande en paiement d'une indemnité de cessation

L'article L. 134-12 du code de commerce dispose que : " En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. (...) ".
En vertu de l'article L. 134-13 du code de commerce, cette indemnité n'est pas due en cas de faute grave de l'agent commercial.
En l'espèce, en l'absence de faute grave de la part de la société REPMO, celle-ci a droit à une indemnité de préavis contrairement à ce qu'ont décidé les juges de première instance.
L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.
Or, en l'espèce, compte tenu de la durée importante de la mission d'agence commerciale qui a débuté le 27 novembre 2000 (soit une durée de prés de quinze années) il convient d'accorder à la société REPMO une indemnité équivalente à deux années de commissions.
La société REPMO justifie avoir perçu une somme de 248.426 euros de commissions en 2012, de 161.905 euros en 2013 et de 252.638 euros en 2014, soit une moyenne annuelle de 220.990 euros.
En conséquence, la société Bystronic France sera condamnée à régler à la société REPMO une somme de 441.979 euros à titre d'indemnité de cessation. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement d'une indemnité de préavis

Selon l'article L. 134-11 du code de commerce, lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. (...) La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes. En l'absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d'un mois civil.
Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui qui est prévu pour l'agent.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure
Par ailleurs, en vertu de l'article 12 du contrat, il est prévu que «En l'absence de dénonciation à l'expiration de la période initiale de deux ans, le contrat qui continuerait à être exécuté par les parties après son terme pourra être résilié moyennant un préavis de trois mois jusqu'à la fin de la cinquième année du contrat et de six mois pour la sixième année commencée et les années suivantes.»
En l'espèce, en l'absence de faute de la société SEVMO, celle-ci aurait dû bénéficier d'un préavis de six mois.
Toutefois la société Bystronic France prétend que la société SEVMO a cessé d'exécuter ses obligations contractuelles dés la notification de la résiliation du contrat de sorte que l'inexécution du préavis ne lui serait pas imputable.
Il sera néanmoins relevé que la société Bystronic France ne rapporte pas la preuve de ses allégations alors que la charge de la défaillance de son cocontractant lui incombe.
En conséquence, la société Bystronic France sera condamnée à régler à la société REPMO une indemnité correspondant au préavis de six mois qu'elle aurait dû observer, soit une somme de 110.495 euros (220.990 euros/2). Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande en paiement de commissions

Sur la demande en paiement au titre des commissions pour les commandes de la société AMP Production

Selon l'article 6 du contrat, le mandant doit à l'agent commercial une commission sur les montant des ventes réalisées par son intervention et matérialisées par les bons de commandes signés des clients et contresignés par l'agent commercial. Le fait générateur de la commission est constitué par l'acceptation par le mandant de la commande qui lui est transmise.

Il n'est dû aucune commission :
- sur les commandes acceptées par le mandant mais non exécutées, si l'inexécution ne provient pas de circonstances imputables au mandant ;
- sur les commandes exécutées par le mandant mais non payées par le client.

L'agent commercial n'a droit à la commission qu'après réception par le mandant du paiement de l'intégralité des sommes dues par l'acheteur et dans la seule proportion de la somme reçue.

Le paiement de l'acheteur est considéré comme reçu lorsque le mandant peut librement disposer de la somme versée.

En l'espèce, la société REPMO réclame le paiement d'une commission sur la vente de deux machines à la société AMP Production le 4 août 2014:

- une machine laser Bysprint Fiber 4020 pour un montant de 514.000 euros HT ;
- une presse Xact 160 pour un montant de 90.500 euros HT ; soit un total de 725.400 euros TTC.

Elle ne conteste pourtant pas que la société AMP Production ne s'est pas acquittée de la totalité du prix de vente de ces machines; un solde d'un montant de 25 080 euros restant dû.

En l'absence de paiement intégral de ces machines, la société REPMO ne saurait réclamer un droit à commission sur ces ventes. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de provision au titre d'une perte de chance de percevoir des commissions

L'article L. 134-7 du code de commerce prévoit que : « Pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.»
Par ailleurs, l'article 14 du contrat stipule que : «En cas de résiliation ordinaire du contrat par BYSTRONIC France SA, l'agent commercial pourra soumettre à BYSTRONIC France SA dans les quinze jours suivants la fin du contrat une liste de projets pendants. Cette liste devra comporter les noms et adresses des clients, les nombres et types de produits offerts ainsi que les dates des offres. BYSTRONIC France SA accorde le droit à l'agent commercial de poursuivre et conclure ces projets pendant une durée de six mois aprés la fin du contrat. Les commandes intervenant pendant les six mois suivant la fin du contrat seront exécutées par BYSTRONIC France SA aux termes et conditions du contrat.»
Il ressort de ces dispositions que le droit à commission de la société REPMO est conditionné par son activité.
Or la société REPMO ne rapporte aucun élément de preuve concernant son activité auprès de clients qui aurait permis la conclusion de ventes au profit de la société Bystronic France postérieurement à la cessation du contrat d'agence. Il sera à cet égard relevé que contrairement aux stipulations de l'article 14 du contrat et aux demandes répétées de son mandant, elle n'a communiqué aucune liste de projets pendants au moment de la cessation du contrat.

Par ailleurs, la société REPMO ne saurait prétendre à une quelconque indemnisation supplémentaire au titre d'une perte de droit à commission pendant la période de préavis dés lors que ce chef de préjudice a déjà été indemnisé par l'allocation d'une indemnité compensatrice de préavis.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de provision au titre de la perte de chance de percevoir des commissions.

Sur le préjudice financier résultant du licenciement d'un salarié

La société REPMO sollicite la réparation du préjudice financier résultant de la nécessité de licencier l'un des salariés de la société SEVMO à la suite de la résiliation du contrat d'agence par la société Bystronic France.
Toutefois selon les termes du contrat, la société Bystronic France pouvait rompre les relations à tout moment sauf à observer une période de préavis. Aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ne saurait donc lui être reprochée en raison de la résiliation du contrat d'agence commerciale.
En revanche, une faute pourrait lui être reprochée pour n'avoir pas respecté le préavis contractuellement fixé. Pourtant à défaut de rapporter la preuve d'un quelconque lien de causalité entre l'inobservation du préavis et le licenciement économique allégué, la demande de dommages et intérêts ne peut prospérer.

Sur la demande de remboursement de la société Bystronic France

La société Bystronic France demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.
Toutefois les sommes allouées par la cour à la société REPMO étant supérieures aux sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges, cette demande ne peut prospérer.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Bystronic France succombe au litige. Elle supportera en conséquence les dépens de l'instance d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera condamnée à régler à la société REPMO une somme supplémentaire de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Sa demande sur ce point sera rejetée ".

1°) ALORS QUE le contrat d'agence commerciale, conclu en considération de la personne de l'agent, ne peut être transmis qu'avec l'accord du mandant ; que dès lors, commet une faute grave, par manquement à son devoir d'information et de loyauté, la société mandataire qui n'informe pas son mandant que son dirigeant personne physique, en considération de qui le contrat d'agence a été conclu, a cessé ses fonctions et a été remplacé par une autre personne ; qu'en retenant, pour dire que la société SEVMO n'avait commis aucune faute grave en n'informant pas la société Bystronic que son dirigeant avait cessé ses fonctions et été remplacé par une autre personne, que la société Bystronic n'établissait aucune atteinte à la finalité commune du mandat résultant de ce changement de direction et de contrôle, la cour d'appel, qui a constaté que ce contrat avait été conclu en considération de la personne de ce dirigeant, que les parties avaient convenu que tout changement de direction serait préalablement soumis à l'agrément du mandant et érigé tout manquement à cette obligation en faute grave, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 134-1, L. 134-4, L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en vertu de l'article 11 du contrat d'agent, la société SEVMO s'est engagée à informer la société Bystronic de tout changement conduisant à la perte par M. [J], son dirigeant, du contrôle majoritaire de la société ;que les parties avaient même expressément prévu que le non respect de cette obligation «sera assimilé à une faute grave» ; qu'en retenant que la société SEVMO n'avait commis aucune faute grave en indiquant à tort dans cette clause que M. [J] détenait le contrôle majoritaire de cette société, au motif qu'il s'agissait-là d'une «simple clause de style», la cour d'appel a méconnu la force obligatoire des conventions en violation de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société Bystronic de sa demande en remboursement d'une somme de 49 061,33 euros ;

AUX MOTIFS QUE : «la société Bystronic demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire ; que toutefois, les sommes allouées par la cour à la société REPMO étant supérieure aux sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges, cette demande ne peut prospérer»;

ALORS QUE l'obligation de rembourser les sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation de cette décision ; qu'en refusant de condamner la société REPMO, venant aux droits de la société Semvo, à restituer à la société Bystronic les sommes que celle-ci lui avait versées en vertu du jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire, malgré la réformation des chefs du jugement l'ayant condamnée à ce titre, au motif inopérant que la société Bystronic était par ailleurs condamnée en appel à lui verser des sommes supérieures à celles dont elle demandait la restitution, la cour d'appel a violé l'article 561 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-13228
Date de la décision : 29/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

AGENT COMMERCIAL - Contrat - Fin - Indemnité au mandataire - Exclusion - Cas - Faute grave - Détermination

Il résulte des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce que la faute grave, qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, exclut le bénéfice d'une indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale. N'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé ces textes la cour d'appel qui, pour exclure la faute grave de l'agent commercial et condamner le mandant au paiement d'indemnités de cessation de contrat et de préavis, après avoir constaté, d'une part, qu'une clause du contrat d'agence commerciale stipulait que le contrat étant conclu en considération de la personne du principal animateur de la société mandataire, tout changement conduisant à la perte par ce dernier, soit de la direction effective et permanente de la société, soit du contrôle majoritaire de celle-ci, devait être soumis à l'agrément du mandant dans un délai raisonnable, avant la survenance du changement, et que le non-respect de cette obligation serait assimilé à une faute grave de l'agent, ouvrant droit à la résiliation du mandat, et, d'autre part, que le mandataire n'avait informé le mandant d'un changement de direction que près d'un mois après celui-ci, ce dont il résulte qu'il a manqué à son obligation de soumettre à l'agrément préalable de son mandant le changement entraînant la perte de contrôle majoritaire de la personne en considération de laquelle le contrat avait été conclu, a retenu qu'il n'était pas démontré qu'une atteinte à la finalité commune du mandat avait résulté du changement de direction ou de contrôle de la société mandataire et qu'il n'était ni établi ni même invoqué que la société ayant le contrôle majoritaire de cette dernière exerçait une activité concurrente du mandant, alors que le manquement à l'obligation de loyauté, essentielle au mandat d'intérêt commun, constitue une faute grave


Références :

Articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 janvier 2020

Sur la caractérisation de la faute grave de l'agent commercial, à rapprocher : Com., 15 mai 2007, pourvoi n° 06-12282, Bull. 2007, IV, n° 128 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 jui. 2022, pourvoi n°20-13228, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.13228
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