LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 décembre 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 1231 F-B
Pourvoi n° V 20-10.724
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 DÉCEMBRE 2021
La Caisse d'épargne CEPAC, société anonyme à directoire, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-10.724 contre le jugement rendu le 6 septembre 2019 par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, dans le litige l'opposant à M. [E] [V], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Caisse d'épargne CEPAC, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [V], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 novembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, 6 septembre 2019), M. [V] a, le 1er août 2017, assigné la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe en remboursement des intérêts trop perçus d'un prêt du fait de la nullité de la clause relative au taux d'intérêt.
2. Un tribunal mixte de commerce a fait droit à sa demande et a condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, notamment à lui rembourser le trop perçu d'intérêts et à émettre un nouveau tableau d'amortissement faisant application du taux d'intérêt légal.
3. M. [V] a saisi le même tribunal mixte de commerce d'une requête en rectification d'erreur matérielle portant sur la dénomination du défendeur, à laquelle il a été fait droit.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La Caisse d'épargne CEPAC fait grief au jugement de rectifier le jugement du 9 novembre 2018 en remplaçant toutes les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA » à l'exception de celles figurant dans le premier paragraphe de l'exposé du litige résumant l'assignation et les demandes contenues dans celle-ci, alors « que les jugements des tribunaux de commerce sont rendus, à peine de nullité, par des juges délibérant en nombre impair ; qu'en l'espèce, le jugement attaqué mentionne que la cause a été débattue devant M. [H] [D] faisant fonction de rapporteur et de Président, lequel en a délibéré avec trois autres juges consulaires, MM. [C] [R] [W], [T] [F] et [S] [B] ; qu'il en résulte qu'au cours de son délibéré, le tribunal était composé de quatre magistrats, de sorte que l'arrêt attaqué a été rendu en violation de la règle de l'imparité et des articles L. 722-1 du code de commerce, 430 et 447 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 732-5 du code de commerce, les jugements des tribunaux mixtes de commerce dans les départements et régions d'outre-mer sont rendus, sauf dispositions qui prévoient un juge unique, par une formation collégiale comprenant, outre le président, trois juges élus ou désignés dans les conditions prévues par l'article L. 732-7 du même code.
6. Le jugement énonce que le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, qui a délibéré, était composé d'un président et de trois juges consulaires. Il en résulte que ce tribunal était régulièrement composé.
7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. La Caisse d'épargne CEPAC fait le même grief au jugement, alors « que le juge ne peut, sous couvert de rectification d'une erreur ou omission matérielle, modifier les droits et obligations des parties résultant de la décision ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que la Caisse d'épargne CEPAC n'était pas intervenue aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe ; qu'en substituant toutefois les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA », le tribunal a modifié les droits et obligations des parties tels qu'ils résultaient du jugement du 9 novembre 2018 et a ainsi violé l'article 462 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
9. M. [V] conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est contraire à la thèse que soutenait la Caisse d'épargne CEPAC devant le tribunal mixte de commerce.
10. Cependant, la Caisse d'épargne CEPAC, ayant conclu devant le tribunal mixte de commerce, sans toutefois indiquer qu'elle intervenait aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, le moyen n'est pas contraire aux conclusions prises devant le tribunal mixte de commerce.
11. Le moyen est, dès lors, recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 462 du code de procédure civile :
12. Il résulte de ce texte que, si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l'a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision.
13. Pour rectifier le jugement du 9 novembre 2018 en remplaçant toutes les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA », le jugement retient que la Caisse d'épargne CEPAC s'était présentée comme la société assignée par l'acte du 1er août 2017, qu'elle s'était défendue en tous points comme étant la société risquant d'être condamnée, que c'est par erreur que le jugement a indiqué que la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe était comparante en présentant les écritures de la Caisse d'épargne CEPAC comme étant les siennes, alors qu'elle avait été absorbée par celle-ci le 6 juin 2005 et que la société condamnée par le jugement du 9 novembre 2018 était nécessairement celle qui avait défendu cette instance.
14. En statuant ainsi, alors que l'assignation avait été délivrée à la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, société dissoute à la suite de la fusion-absorption par la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse, dénommée Caisse d'épargne CEPAC, et que cette dernière n'était pas intervenue aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, le tribunal, qui, sous le couvert d'une rectification d'erreur matérielle, a modifié les droits et obligations des parties, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 septembre 2019, entre les parties, par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal mixte de commerce de Basse-Terre.
Condamne M. [V] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [V] et le condamne à payer à la Caisse d'épargne CEPAC la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la Caisse d'épargne CEPAC
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir rectifié le jugement du 9 novembre 2018 en remplaçant toutes les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA » à l'exception de celles figurant dans le premier paragraphe de l'exposé du litige résumant l'assignation et les demandes contenues dans celle-ci ;
alors que les jugements des tribunaux de commerce sont rendus, à peine de nullité, par des juges délibérant en nombre impair ; qu'en l'espèce, le jugement attaqué mentionne que la cause a été débattue devant M. [H] [D] faisant fonction de rapporteur et de Président, lequel en a délibéré avec trois autres juges consulaires, MM. [C] [R] [W], [T] [F] et [S] [B] ; qu'il en résulte qu'au cours de son délibéré, le tribunal était composé de quatre magistrats, de sorte que l'arrêt attaqué a été rendu en violation de la règle de l'imparité et des articles L. 722-1 du code de commerce, 430 et 447 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir rectifié le jugement du 9 novembre 2018 en remplaçant toutes les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA » à l'exception de celles figurant dans le premier paragraphe de l'exposé du litige résumant l'assignation et les demandes contenues dans celle-ci ;
aux motifs que « dans le jugement du 9 novembre 2018, ce tribunal a commis une erreur en indiquant comme défendeur comparant « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe », en présentant les écritures de la Caisse d'épargne CEPAC comme étant celles de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe et en rejetant des demandes de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe ; que de fait, il ressort des conclusions récapitulatives n° 2 produites par la Caisse d'épargne CEPAC dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement du 9 novembre 2018 que cette dernière est intervenue aux débats, en se présentant comme la société assignée le 1er août 2017 (en page 2) ; qu'en effet, elle a absorbé la société Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe dans le cadre d'une fusion-absorption du 6 juin 2005 ; que dès lors, le premier jugement aurait dû mentionner que le défendeur comparant était la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC ; que la requête étant recevable, il convient de rectifier cette erreur, dans tout le jugement y compris dans le dispositif, à l'exception toutefois de la mention concernant l'assignation ; que par ailleurs, cela ne modifie pas les droits et obligations des parties car la Caisse d'épargne CEPAC était partie au premier jugement, se considérait comme étant la société assignée et s'est défendue en tous points comme étant la société qui risquait d'être condamnée, allant jusqu'à demander une compensation entre des sommes dues par M. [E] [V] et des sommes pour lesquelles elle serait éventuellement condamnée ; que dès lors, la société condamnée dans le jugement du 9 novembre 2018 était nécessairement la société défenderesse à cette instance, à savoir la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC ; qu'au vu de ce que le dossier révèle et la raison commande, cette erreur sera rectifiée en remplaçant toutes les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA », à l'exception de celles figurant dans le premier paragraphe de l'exposé du litige résumant l'assignation et les demandes contenues dans celle-ci » ;
alors 1°/ que le juge ne peut, sous couvert de rectification d'une erreur ou omission matérielle, modifier les droits et obligations des parties résultant de la décision ; que l'irrégularité de fond affectant l'assignation d'une société absorbée ne peut être couverte par l'intervention volontaire de l'entité absorbante ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations du jugement et des pièces de la procédure que M. [V] avait assigné la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, société dissoute à la suite de la fusion-absorption par la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse, aujourd'hui dénommée Caisse d'épargne CEPAC, et n'avait formé de demandes qu'à l'encontre de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe ; que par son jugement du 9 novembre 2018, le tribunal avait condamné la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe à verser à M. [E] [V] la somme de 58.851,92 € ; qu'en se fondant sur la circonstance, inopérante, que la Caisse d'Epargne CEPAC était intervenue à l'instance, pour faire droit à la requête en rectification et ordonner le remplacement de toutes les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA », le tribunal, a modifié les droits et obligations des parties tels qu'ils résultaient du jugement du 9 novembre 2018 et a ainsi violé l'article 462 du code de procédure civile ;
alors 2°/ qu'en toute hypothèse, le juge ne peut, sous couvert de rectification d'une erreur ou omission matérielle, modifier les droits et obligations des parties résultant de la décision ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que la Caisse d'épargne CEPAC n'était pas intervenue aux droits de la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe ; qu'en substituant toutefois les mentions « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe » par « la Caisse d'épargne et de prévoyance de la Guadeloupe, aux droits de laquelle vient la Caisse d'épargne CEPAC SA », le tribunal a modifié les droits et obligations des parties tels qu'ils résultaient du jugement du 9 novembre 2018 et a ainsi violé l'article 462 du code de procédure civile.