LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. / ELECT
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 décembre 2021
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1414 FS-B
Pourvoi n° Q 20-17.688
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
La société Moy Park France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 20-17.688 contre le jugement rendu le 10 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Béthune (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [W] [U], domicilié [Adresse 1],
2°/ au syndicat CGT Moy Park France, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Moy Park France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [U] et du syndicat CGT Moy Park France, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béthune, 10 juillet 2020), postérieurement au premier tour des élections professionnelles au comité social et économique d'établissement de Hénin-Beaumont de la société Moy Park France (la société) du 13 novembre 2019, le syndicat CGT Moy Park France a désigné M. [U], en remplacement de Mme [N], en qualité de délégué syndical supplémentaire par lettre datée du 25 avril 2020, reçue par l'employeur le 12 mai 2020.
2. Par requête déposée au greffe le 25 mai 2020, la société a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annuler cette désignation, en soutenant que la condition légale d'effectif d'au moins cinq cents salariés n'était plus remplie au cours des douze mois consécutifs précédant la désignation contestée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande tendant à l'annulation de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical supplémentaire au sein de l'établissement de [Localité 4], alors « que la faculté pour un syndicat de nommer un délégué syndical supplémentaire n'est ouverte que dans les entreprises ou établissement dont les effectifs ont atteint au moins cinq cents salariés pendant les douze mois consécutifs ayant précédé la désignation ; qu'il appartient en conséquence au tribunal judiciaire, saisi d'une contestation relative à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire, de vérifier que la condition d'effectif est remplie à la date de la désignation ; qu'au cas présent, la société Moy Park France faisait valoir que la désignation de M. [U] en qualité de délégué syndical supplémentaire au sein de l'établissement d'[Localité 4] était irrégulière dans la mesure où celui-ci ne comptait que 485 salariés au cours du mois précédant la désignation ; qu'en affirmant cependant que la désignation était valable au motif que l'établissement comptait plus de cinq cents salariés à la date des dernières élections professionnelles, le tribunal judiciaire, qui n'a pas recherché si la condition d'effectif avait été franchie pendant les douze mois consécutifs précédant la désignation, a violé par fausse application les articles L. 2143-3 et L. 2143-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l'article L. 2143-4 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité social et économique et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges. Ce délégué supplémentaire est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.
5. Lorsqu'une entreprise est divisée en établissements distincts pour l'élection des comités sociaux et économiques d'établissements, la désignation du délégué syndical supplémentaire prévue par l'article L. 2143-4 du code du travail étant subordonnée aux résultats des élections, la condition d'effectif prévue par ce texte s'apprécie par établissement.
6. Dès lors que la désignation d'un délégué syndical supplémentaire est subordonnée, d'une part au caractère représentatif du syndicat, d'autre part à l'obtention d'élus dans au moins deux collèges, l'effectif d'au moins cinq cents salariés, au sens de ce texte, doit s'apprécier, dans l'établissement, à la date des dernières élections au comité social et économique, lesquelles, au regard du score électoral et du nombre d'élus obtenus par le syndicat, ouvrent le droit pour ce dernier de désigner un délégué syndical supplémentaire pour toute la durée du cycle électoral.
7. Ayant constaté qu'à la date des dernières élections professionnelles, organisées en novembre 2019, il n'était pas contesté que l'effectif de l'établissement de Hénin-Beaumont était supérieur à cinq cents salariés, le tribunal en a exactement déduit que le syndicat disposait de la faculté de désigner un délégué syndical supplémentaire pendant toute la durée du cycle électoral et a, à bon droit, rejeté la demande en annulation de la désignation du délégué syndical supplémentaire.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Moy Park France et la condamne à payer à M. [U] et au syndicat CGT Moy Park France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Moy Park France
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la société Moy Park France de sa demande tendant à l'annulation de la désignation de Monsieur [W] [U] en qualité de délégué syndical supplémentaire au sein de l'établissement d'[Localité 4] ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande tendant à l'annulation de la désignation de Monsieur [W] [U] en qualité de délégué syndical supplémentaire. Selon l'article L. 2143-4 du code du travail, dans les entreprises d'an moins cinq cents salariés, tout syndicat représentatif dans l'entreprise peut désigner un délégué syndical supplémentaire s'il a obtenu un ou plusieurs élus dan, le collège des ouvriers et employés lors de l'élection du comité social et économique et s'il compte au moins un élu dans l'un des deux autres collèges. Ce délégué supplémentaire est désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élection au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants. En l'espèce, Monsieur [W] [U] a été désigné en qualité de délégué syndical supplémentaire, en remplacement de Madame [S] [N]. Cette désignation a été effectuée par le syndicat CGT MOY PARK France dont la représentativité au sein de l'entreprise n'est pas contestée. Elle a été signée par Madame [S] [N] élue en qualité de secrétaire générale du syndicat par l'assemblée générale réunie le 7 juillet 2018. Malgré le manque de précision des statuts adoptés ce 7 juillet 2018, la comparution à l'audience du ·syndicat CGT MOY PARK FRANCE au soutien de la désignation du délégué syndical supplémentaire faite par la secrétaire générale permet d'établir que celle-ci disposait du mandat apparent de procéder à cette désignation. II s'ensuit que cette désignation doit être regardée comme régulière en la forme. L'article L. 2143-4 susvisé ne reprend pas, pour la détermination du seuil d'effectif de 500 salariés, la condition posée par l'article L. 2143-3 du code du travail qui autorise la désignation d'un délégué syndical lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs. Cette évolution de l'étendue des droits d'un syndicat en fonction de l'effectif de l'entreprise se retrouve dans les dispositions de l'article L. 2143-22 du même code qui prévoit que, dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est, de droit représentant syndical au comité social et économique. Or, il est de jurisprudence constante que c'est à la date des dernières élections que s'apprécient les conditions d'ouverture du droit pour un syndicat de désigner un représentant syndical au comité social et économique". Dès lors, en l'absence de définition des modalités propres de détermination de l'effectif de 500 salariés fixé par l'article L. 2143-4 du code du travail, et compte tenu du lien établi par cet article entre le droit pour un syndicat de désigner un délégué syndical supplémentaire et les résultats obtenu, au premier tour des dernières élections au comité social et économique, il y a lieu de retenir que les conditions d'ouverture du droit pour un syndicat de désigner un délégué syndical supplémentaire s'apprécient également à la date de ces dernières élections. Il n'est pas contesté qu'à la date des dernières élections professionnelles, organisées en novembre 2019, l'effectif de l'établissement d'[Localité 4] de la société MOY PARK FRANCE était supérieur à 500 salariés (le protocole d'accord préélectoral évoquant un effectif de 551 salariés). Le syndicat CGT MOY PARK FRANCE dispose donc de la possibilité, de désigner un délégué syndical supplémentaire pendant toute la durée du cycle électoral initié par l'élection des membres du comité social et économique organisée le 13 novembre 2019. En conséquence, il convient de rejeter la demande tendant à l‘annulation de la désignation de Monsieur [W] [U] eu qualité de délégué syndical supplémentaire au sein de l'établissement d'[Localité 4] de la société MOY PARK FRANCE » ;
ALORS QUE la faculté pour un syndicat de nommer un délégué syndical supplémentaire n'est ouverte que dans les entreprises ou établissement dont les effectifs ont atteint au moins cinq cents salariés pendant les douze mois consécutifs ayant précédé la désignation ; qu'il appartient en conséquence au tribunal judiciaire, saisi d'une contestation relative à la désignation d'un délégué syndical supplémentaire, de vérifier que la condition d'effectif est remplie à la date de la désignation ; qu'au cas présent, la société Moy Park France faisait valoir que la désignation de M. [U] en qualité de délégué syndical supplémentaire au sein de l'établissement d'[Localité 4] était irrégulière dans la mesure où celui-ci ne comptait que 485 salariés au cours du mois précédant la désignation ; qu'en affirmant cependant que la désignation était valable au motif que l'établissement comptait plus de cinq cents salariés à la date des dernières élections professionnelles, le tribunal judiciaire, qui n'a pas recherché si la condition d'effectif avait été franchie pendant les douze mois consécutifs précédant la désignation, a violé par fausse application les articles L. 2143-3 et L. 243-4 du Code du travail.