LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 septembre 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 679 FS+B
Pourvoi n° N 20-14.213
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 SEPTEMBRE 2021
1°/ M. [F] [X],
2°/ Mme [M] [I], épouse [X],
domiciliés tous deux [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° N 20-14.213 contre l'arrêt rendu le 3 février 2020 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant à la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen de cassation annexé au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. et Mme [X], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 juin 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, Fevre, M. Riffaud, conseillers, Mme Barbot, MM. Blanc, Boutié, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 3 février 2020), la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne (la banque) a consenti à la société Usine [X] un prêt d'un montant de 175 000 euros remboursable en quatre-vingt quatre mensualités. Par un acte du 30 janvier 2013, M. et Mme [X] se sont rendus cautions solidaires en garantie du remboursement de ce prêt, dans la limite de 87 000 euros chacun et pour une durée de cent huit mois. Par un acte du 1er octobre 2013, la banque a consenti un nouveau prêt à la société Usine [X] d'un montant de 225 000 euros, remboursable en quatre-vingt quatre mensualités et garanti par le cautionnement solidaire de M. et Mme [X], dans la limite de 270 000 euros chacun et pour une durée de cent huit mois.
2. La société Usine [X] ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement M. et Mme [X], qui lui ont opposé la disproportion de leurs engagements, subsidiairement la nullité du cautionnement de M. [X], faute pour lui d'avoir rédigé la mention manuscrite prévue à l'article L. 342-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'aux termes de l'engagement de caution signé le 30 janvier 2013 par Mme [X], seuls les biens propres pouvaient être engagés, alors « que dans le cas où des époux communs en biens se sont engagés dans un même acte par deux cautionnements simultanés garantissant la même dette, la signature de chacun d'eux vaut consentement à son propre engagement mais aussi à l'engagement de l'autre, de sorte que les biens communs sont engagés par chaque cautionnement en application de l'article 1415 du code civil ; qu'il s'en évince que, si la nullité d'un de ces actes est prononcée au motif que l'époux caution n'a pas rédigé la mention manuscrite exigée par la loi, sa signature vaut encore consentement au cautionnement de l'autre, lequel engage ainsi les biens communs ; qu'au cas présent, les époux [X] se sont, dans le même acte du 30 janvier 2013, portés cautions de la dette issue du prêt du 21 février 2013, la nullité du cautionnement de M. [X] ayant été prononcée au motif que la mention manuscrite n'était pas de sa main ; qu'ainsi, la signature de M. [X], si elle était dénuée d'efficacité juridique quant à son propre engagement, valait encore consentement de sa part au cautionnement de son épouse, lequel engageait alors les biens communs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1415 du code civil, ensemble l'article L. 341-2, devenu L. 331-1, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
5. Lorsque les cautionnements d'époux communs en biens ont été recueillis au sein du même acte pour garantir la même dette et que l'un des cautionnements est annulé, la seule signature au pied de cet engagement ne vaut pas consentement exprès au cautionnement de l'autre conjoint, emportant engagement des biens communs en application de l'article 1415 du code civil.
6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [X].
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir retenu la validité des actes souscrits les 30 janvier et 26 septembre 2013 par deux cautions (M. et Mme [X], les exposants), à l'égard d'une seule d'entre elles (l'épouse) pour le premier engagement, et d'avoir en conséquence, à ce titre, condamné cette dernière à payer au créancier (la Banque Populaire d'Alsace Lorraine Champagne) les sommes de 56 979,30 euros, outre les intérêts au taux de 5,95 % à compter du 1er octobre 2015, et de 4 558,35 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la même date, et au titre du second engagement, condamné les deux cautions solidairement à payer les sommes de 166 919,05 euros, outre les intérêts au taux de 5,95 % à compter du 1er octobre 2015, et de 13 353,52 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la même date ;
AUX MOTIFS QU'il appartenait à la caution qui entendait voir reconnaître le caractère manifestement disproportionné de son engagement lors de sa conclusion, d'en rapporter la preuve ; que la fiche de renseignement complétée par M. [X] le 4 octobre 2011, sur son patrimoine et ses ressources annuelles, n'avait été ni complétée ni réactualisée au moment de la souscription des engagements en litige ; que, toutefois, M. et Mme [X] précisaient, dans la synthèse de leurs engagements cumulés au 15 mars 2005, qu'ils s'élevaient à un montant de 154 000 euros, largement supérieur à celui que M. [X] avait mentionné le 4 octobre 2011 ; qu'en tout état de cause, ils établissaient que, début 2013, leurs engagements de caution en cours s'élevaient à un montant de 480 500 euros ; que, toutefois, seuls les actes de cautionnement étaient produits ; qu'ainsi, à l'exception de la première caution dite « tous engagements », aucune référence pour les suivantes ne permettait de se référer ni à une obligation principale ni à un encours existant, la Banque Populaire ayant toutefois intégré les engagements en ce qu'ils la concernaient dans son relevé récapitulatif au 31 décembre 2014 (annexe 36 des époux [X]) ; qu'à cette dernière date et suivant le même document, M. et Mme [X] étaient engagés auprès de la Banque Populaire pour un montant effectif de 259 461 euros en garantie de la SARL [X] ; que le revenu fiscal de référence des époux [X] s'établissait pour 2012 à 200 687 euros puis avait effectivement diminué courant 2013 pour s'établir à 118 283 euros ; qu'en 2013, ils étaient toujours propriétaires de leur immeuble et de la SCI Olympia qui possédait un actif net de 126 944 euros et étaient propriétaires de parts dans les sociétés du groupe, qui réalisait plus de deux millions de chiffres d'affaire en 2011 ; qu'aucun élément ne permettait de déterminer la valeur de ces parts à la date des engagements contestés, la Banque Populaire affirmant sans être contredite sur ce point que ces sociétés disposaient alors de fonds propres de 900 000 euros ; que, de même aucun élément ne permettait de connaître l'état de leur épargne, seuls étant communiqués les extraits de leurs comptes épargne-logement (annexe 19-1) sans référence à leurs comptes-épargne (pourtant existant en 2015, vu leur annexe 23-1) ou leur compte de dépôt ; qu'il n'était pas ainsi établi que leurs avoirs bancaires eussent connu une quelconque baisse depuis la déclaration de 2011 ; qu'en conséquence et compte tenu de l'importance de leur patrimoine comme de leurs ressources au jour des engagements souscrits, la disproportion de leurs engagements nouveaux des 30 janvier et 1er octobre 2013 à leurs revenus et biens n'était pas établie au moment de leur souscription (arrêt attaqué, p. 6, § 2, al. 2 et s., et p. 7, 1er à 5ème al.) ;
ALORS QUE la caution personne physique est libérée de son engagement à l'égard du créancier professionnel lorsque, au jour de sa conclusion, le cautionnement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; qu'en l'espèce, pour écarter le caractère disproportionné des engagements des cautions et les condamner à paiement au profit du créancier professionnel, l'arrêt attaqué a relevé qu'elles précisaient dans la synthèse de leurs engagements de cautions cumulés au 15 mars 2005 un montant supérieur à celui mentionné dans la fiche de renseignement complétée le 4 octobre 2011 ; qu'en statuant de la sorte en considération de capacités financières des cautions antérieures aux dates de conclusion des engagements litigieux, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause ;
ALORS QUE, en outre, la caution personne physique ne peut être condamnée à paiement au profit du créancier professionnel lorsque, au jour de sa conclusion, le cautionnement était manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; qu'en l'espèce, pour écarter le caractère disproportionné des engagements des cautions, l'arrêt attaqué a retenu, pour l'année 2011, le chiffre d'affaire des sociétés dans lesquelles les cautions détenaient des parts sociales, pour l'année 2011 ; qu'en prenant en considération des éléments financiers antérieurs à la conclusion des engagements litigieux, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, les cautions produisaient leur avis d'imposition pour 2014 sur le revenu de l'année 2013 (pièce n° 8 du bordereau annexé aux conclusions des exposants, prod.), lequel incluait, au titre du « revenu fiscal de référence » d'un montant de 118 283 euros, des « revenus de capitaux mobiliers imposables » limités à « 16 » euros ; qu'en énonçant qu'aucun élément ne permettait de déterminer la valeur des parts sociales détenues par les cautions à la date des engagements litigieux, la cour d'appel a dénaturé par omission ledit avis d'imposition 2014, en violation de l'article 1134 du code civil devenu article 1103 ;
ALORS QUE, par ailleurs, le juge ne peut relever d'office un moyen sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que, lors de la souscription des cautionnements litigieux, des actes produits aux débats faisaient état d'engagements de caution d'ores et déjà en cours à hauteur de 480 500 euros, mais a retenu qu'à l'exception d'un seul, ces actes, toutefois récapitulés par la banque pour ceux qui la concernaient à hauteur de 259 461 euros, ne permettaient de se référer ni à une obligation principale ni à un encours existant ; qu'en relevant d'office ce moyen sans avoir invité préalablement les parties à en débattre, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction en violation de l'article 16 du code de procédure civile. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Alsace-Lorraine-Champagne.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'aux termes de l'engagement de caution signé le 30 janvier 2013 par Mme [X], seuls les biens propres pouvaient être engagés ;
aux motifs que « les dispositions de l'article 1415 du code civil précisent que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres. Ainsi que déjà relevé, l'acte de cautionnement du 30 janvier 2013 est de nul effet en ce qui concerne un quelconque engagement de M. [X], il ne saurait être tiré de la présence de sa signature dans les conditions précitées sur le document qui valide le cautionnement de son épouse qu'il a expressément accepté un tel cautionnement »
alors que dans le cas où des époux communs en biens se sont engagés dans un même acte par deux cautionnements simultanés garantissant la même dette, la signature de chacun d'eux vaut consentement à son propre engagement mais aussi à l'engagement de l'autre, de sorte que les biens communs sont engagés par chaque cautionnement en application de l'article 1415 du code civil ; qu'il s'en évince que, si la nullité d'un de ces actes est prononcée au motif que l'époux caution n'a pas rédigé la mention manuscrite exigée par la loi, sa signature vaut encore consentement au cautionnement de l'autre, lequel engage ainsi les biens communs ; qu'au cas présent, les époux [X] se sont, dans le même acte du 30 janvier 2013, portés cautions de la dette issue du prêt du 21 février 2013, la nullité du cautionnement de M. [X] ayant été prononcée au motif que la mention manuscrite n'était pas de sa main ; qu'ainsi, la signature de M. [X], si elle était dénuée d'efficacité juridique quant à son propre engagement, valait encore consentement de sa part au cautionnement de son épouse, lequel engageait alors les biens communs ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1415 du code civil, ensemble l'article L. 341-2, devenu L. 331-1, du code de la consommation.