LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 septembre 2021
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1048 FP-B
Pourvoi n° R 19-10.785
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 SEPTEMBRE 2021
La société SNCF voyageurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'EPIC SNCF mobilités, a formé le pourvoi n° R 19-10.785 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [M] [J], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat de la société SNCF voyageurs, de Me Balat, avocat de M. [J], les plaidoiries de Me Colin et celles de Me Guermonprez et l'avis de Mme Berriat, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 juin 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Farthouat-Danon, M. Schamber, Mme Leprieur, MM. Rinuy, Pion, Ricour, Pietton, Mmes Cavrois, Pécaut-Rivolier, Monge, Le Lay, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, M. Duval, conseillers référendaires, Mme Berriat, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 20 novembre 2018), M. [J], employé en dernier lieu en qualité de chef d'équipe par l'EPIC SNCF mobilités, aux droits duquel vient la société SNCF voyageurs, a fait l'objet le 25 août 2014 d'une sanction de radiation des cadres après avis du conseil de discipline.
2. Il a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir l'annulation de cette sanction ainsi que sa réintégration à son poste avec effet rétroactif à compter du 25 juin 2014.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de juger que la procédure disciplinaire était irrégulière, d'annuler la sanction de radiation des cadres prise le 13 août 2014 et d'ordonner la réintégration du salarié avec effet rétroactif au 25 juin 2014 et le paiement des salaires depuis cette date, alors « que la sanction la plus sévère proposée par le conseil de discipline ne résulte pas nécessairement de l'avis unique émis à la majorité de ses membres mais peut également résulter d'un partage des six voix en deux parties égales, les dispositions statutaires prévoyant, à défaut de majorité, le partage des avis en deux parties ; qu'il n'y a pas lieu d'ajouter les voix s'étant portées sur la sanction la plus sévère à celles exprimées en faveur de la sanction moins élevée lorsque seuls deux niveaux de sanction ont été proposés et que l'avis émis pour chaque sanction a déjà recueilli trois voix ; qu'en un tel cas de partage égal des voix, le directeur de région peut prononcer la plus sévère des sanctions proposées par les membres du conseil de discipline ; qu'en retenant qu'il convenait de déterminer une majorité et que pour cela, les trois voix qui s'étaient portées sur la sanction de radiation des cadres devaient s'ajouter aux trois voix favorables à la sanction moins sévère de rétrogradation, la cour d'appel a violé l'article 6 du chapitre 9 du RH00001, portant statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, et l'article 4 du référentiel RH00144. »
Réponse de la Cour
5. Il résulte des articles 6.10 et 6.11 du chapitre 9 du référentiel RH0001 de la SNCF, portant statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, et des mentions portées sous l'article 26.8 du référentiel RH 00144 interne à la SNCF, dans sa version du 11 juillet 2012, que lorsqu'une majorité absolue de voix converge vers un niveau de sanction, ce niveau constitue l'avis du comité de discipline, il y a alors un seul avis, le directeur ne peut prononcer une sanction plus sévère. Mais, lorsqu'aucun niveau de sanction ne recueille la majorité des voix, le conseil a émis plusieurs avis et, dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des avis émis par le conseil pour déterminer une majorité, ou tout au moins le partage des avis en deux parties. Pour ce faire, les voix qui se sont portées sur la plus sévère des sanctions s'ajoutent à l'avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés, jusqu'à avoir trois voix.
6. En conséquence, en cas de partage de voix en deux parties égales de trois voix chacune, la sanction la plus sévère n'ayant pas recueilli la majorité absolue des voix exprimées, il y a lieu d'ajouter les voix qui se sont portées sur cette sanction à l'avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés. Le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé.
7. La cour d'appel, qui a constaté que le conseil de discipline s'était prononcé à égalité à trois voix pour la sanction de radiation des cadres et à trois voix pour la sanction de rétrogradation, a décidé à bon droit que le directeur ne pouvait pas prononcer une sanction plus sévère que la rétrogradation.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. La société fait grief à l'arrêt d'annuler la sanction de radiation des cadres prise le 13 août 2014 et d'ordonner la réintégration du salarié avec effet rétroactif au 25 juin 2014 et le paiement des salaires depuis cette date, alors « qu'à défaut de texte le prévoyant expressément, l'irrégularité de la décision de radiation d'un agent des cadres de la SNCF au regard de l'avis émis par le conseil de discipline n'emporte pas la nullité de la sanction, mais seulement l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le juge peut proposer la réintégration dans l'entreprise du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse mais non l'imposer à l'employeur ; qu'en décidant que dans la mesure où le conseil de discipline s'était prononcé par trois voix en faveur de la radiation des cadres et par trois voix en faveur de la rétrogradation, la sanction de radiation des cadres n'était pas possible, qu'il y avait lieu d'annuler cette sanction et d'ordonner la réintégration du salarié, la cour d'appel a violé les dispositions du chapitre 9 du référentiel RH00001 et du référentiel RH00144 internes à la SNCF, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1235-1, L. 1235--3 et L. 1333-3 du code du travail, le chapitre 9 du référentiel RH0001 de la SNCF, portant statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, et le référentiel RH 00144 interne à la SNCF, dans sa version du 11 juillet 2012 :
10. Il résulte de la lecture combinée de ces textes que la radiation des cadres instituée à l'article 3 du statut précité s'analyse en une rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur. Cette rupture prononcée en méconnaissance d'une règle de procédure disciplinaire prévue par ce statut, constituant une garantie de fond, n'est pas nulle mais seulement dépourvue de cause réelle et sérieuse, en l'absence de dispositions statutaires prévoyant expressément la nullité de la rupture dans une telle hypothèse.
11. Pour annuler la radiation des cadres prise à l'encontre du salarié et ordonner sa réintégration, l'arrêt retient que la procédure disciplinaire était irrégulière dès lors que le conseil de discipline devait être regardé comme ayant rendu un avis en faveur d'une mesure de rétrogradation et que le directeur ne pouvait prononcer une sanction plus sévère que cet avis.
12. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, elle ne pouvait annuler la sanction de radiation des cadres, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [J] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et dit que la procédure disciplinaire est irrégulière, l'arrêt rendu le 20 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SAS Cabinet Colin - Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société SNCF voyageurs
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la procédure disciplinaire suivie par l'EPIC SNCF Mobilités à l'encontre de M. [M] [J] était irrégulière, d'avoir annulé la sanction de radiation des cadres prise le 13 août 2014 à son encontre et d'avoir ordonné sa réintégration avec effet rétroactif au 25 juin 2014 et le paiement de ses salaires depuis cette date ;
AUX MOTIFS QUE le personnel de l'EPIC SNCF Mobilités est soumis à un statut particulier, en application du décret du 1er juin 1950 complété par une série de textes internes ayant valeur réglementaire ; que la procédure disciplinaire est ainsi régie par les règlements internes RH00001 et RH00144 ; que selon l'article 6.10 du chapitre 9 du référentiel RH00001, le conseil de discipline donne son avis sur une sanction, que cet avis est pris à la majorité des voix et qu'il peut se produire que le conseil se sépare en plusieurs fractions, chacune d'elles émettant un avis différent ; que l'article 6.11 précise qu'au vu de cet avis ou ces avis émis par le conseil de discipline, le directeur de région décide de la sanction à prononcer qui peut toujours être inférieure à celle proposée mais pas supérieure ; qu'il résulte de la rédaction de la disposition litigieuse que lorsqu'aucune majorité ne se dégage sur un niveau de sanction, il doit être considéré que le conseil de discipline a émis plusieurs avis ; que pour déterminer une majorité, les voix qui se sont portées sur la sanction la plus sévère s'ajoutent à l'avis ou aux avis du degré inférieur exprimés jusqu'à 3 voix ; que le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé ;
qu'il ressort du procès-verbal du conseil de discipline du 13 août 2014 concernant M. [M] [J] qu'aucune majorité ne s'étant dégagée en faveur de la sanction de radiation des cadres, les trois voix favorables à cette sanction devaient être ajoutées aux trois autres voix favorables à la sanction de rétrogradation jusqu'à trois voix ; qu'ainsi, les trois premières voix étant dans le sens d'une rétrogradation, la sanction de radiation des cadres n'était pas possible ;
1/ ALORS, D'UNE PART, QUE M. [J] faisait valoir qu'à défaut de « majorité des sept voix » des membres composant le conseil de discipline, aucun « véritable avis » n'avait été émis par celui-ci et que, « à défaut d'avis, la procédure [devait] être jugée irrégulière » (concl., p. 4) ; qu'en retenant, pour juger la procédure irrégulière, qu'à défaut de majorité, il devait être considéré que le conseil de discipline avait « émis plusieurs avis » et que l'avis devant être regardé ayant recueilli la majorité était celui favorable à la rétrogradation, la cour d'appel a relevé un moyen d'office ; qu'en n'invitant pas les parties à s'expliquer sur ce moyen, elle a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2/ ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la sanction la plus sévère proposée par le conseil de discipline ne résulte pas nécessairement de l'avis unique émis à la majorité de ses membres mais peut également résulter d'un partage des six voix en deux parties égales, les dispositions statutaires prévoyant, à défaut de majorité, le partage des avis en deux parties ; qu'il n'y a pas lieu d'ajouter les voix s'étant portées sur la sanction la plus sévère à celles exprimées en faveur de la sanction moins élevée lorsque seuls deux niveaux de sanction ont été proposés et que l'avis émis pour chaque sanction a déjà recueilli trois voix ; qu'en un tel cas de partage égal des voix, le directeur de région peut prononcer la plus sévère des sanctions proposées par les membres du conseil de discipline ; qu'en retenant qu'il convenait de déterminer une majorité et que pour cela, les trois voix qui s'étaient portées sur la sanction de radiation des cadres devaient s'ajouter aux trois voix favorables à la sanction moins sévère de rétrogradation, la cour d'appel a violé l'article 6 du chapitre 9 du RH00001, portant statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, et l'article 4 du référentiel RH00144.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé la sanction disciplinaire de radiation des cadres prononcée à l'encontre de M. [J] le 13 août 2014 et d'avoir par conséquent ordonné la réintégration de M. [J] avec effet rétroactif au 25 juin 2014 et le paiement de ses salaires depuis cette date ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 6.10 du chapitre 9 du référentiel RH00001, le conseil de discipline donne son avis sur une sanction, que cet avis est pris à la majorité des voix et qu'il peut se produire que le conseil se sépare en plusieurs fractions, chacune d'elles émettant un avis différent ; que l'article 6.11 précise qu'au vu de cet avis ou ces avis émis par le conseil de discipline, le directeur de région décide de la sanction à prononcer qui peut toujours être inférieure à celle proposée mais pas supérieure ; que lorsqu'aucune majorité ne se dégage sur un niveau de sanction, il doit être considéré que le conseil de discipline a émis plusieurs avis ; que pour déterminer une majorité, les voix qui se sont portées sur la sanction la plus sévère s'ajoutent à l'avis ou aux avis du degré inférieur exprimés jusqu'à 3 voix ; que le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé ; qu'il ressort du procès-verbal du conseil de discipline concernant M. [J] qu'aucune majorité ne s'étant dégagée en faveur de la sanction de radiation des cadres, les trois voix favorables à cette sanction devaient être ajoutées aux trois autres voix favorables à la sanction de rétrogradation jusqu'à trois voix ; qu'ainsi, les trois premières voix étant dans le sens d'une rétrogradation, la sanction de radiation des cadres n'était pas possible ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler la sanction disciplinaire de radiation des cadres et par conséquent d'ordonner la réintégration de M. [J] ;
ALORS QU'à défaut de texte le prévoyant expressément, l'irrégularité de la décision de radiation d'un agent des cadres de la SNCF au regard de l'avis émis par le conseil de discipline n'emporte pas la nullité de la sanction, mais seulement l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le juge peut proposer la réintégration dans l'entreprise du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse mais non l'imposer à l'employeur ; qu'en décidant que dans la mesure où le conseil de discipline s'était prononcé par trois voix en faveur de la radiation des cadres et par trois voix en faveur de la rétrogradation, la sanction de radiation des cadres n'était pas possible, qu'il y avait lieu d'annuler cette sanction et d'ordonner la réintégration de M. [J], la cour d'appel a violé les dispositions du chapitre 9 du référentiel RH00001 et du référentiel RH00144 internes à la SNCF, ensemble l'article L.1235-3 du code du travail.