LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 juillet 2021
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 711 F-B
Pourvoi n° G 20-10.575
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021
1°/ M. [A] [U],
2°/ Mme [H] [K], épouse [U],
domiciliés tous deux [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° G 20-10.575 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige les opposant à la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [U], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France Iard, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 septembre 2019), M. et Mme [U] sont propriétaires d'une maison d'habitation dans laquelle a été perpétré le vol avec effraction, d'une somme d'argent, de tapis et de pièces d'or qu'ils avaient achetées en Turquie.
2. Ils ont déclaré le sinistre à leur assureur, la société Axa France Iard (l'assureur), qui, après avoir organisé une expertise amiable, a refusé de garantir le vol de ces biens et espèces.
3. M. et Mme [U] ont alors assigné l'assureur afin d'obtenir le paiement, notamment, d'une indemnité au titre du vol des pièces d'or.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de condamner l'assureur à leur payer la seule somme de 14 832,11 euros au titre de l'indemnisation du vol des pièces d'or turques, alors « que dans les assurances relatives aux biens, la valeur du bien à prendre en compte pour fixer l'indemnité due par l'assureur à l'assuré est celle de ce bien au moment du sinistre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que l'assureur devait indemniser M. et Mme [U] au titre du vol de pièces d'or leur appartenant ; que l'expert missionné par l'assureur avait évalué ces pièces d'or à la somme de 42 501 euros, les époux [U] parvenant quant à eux à une somme de 46 466 euros, les évaluations concurrentes ayant été effectuées l'une comme l'autre à la date du sinistre ; que, pour procéder à l'évaluation de l'indemnité d'assurance, la cour d'appel a calculé la contre-valeur en euro des pièces d'or dérobées en se fondant sur la valeur de conversion euro / livre turque « au jour de la décision », soit 1 livre turque pour 0,156131 euro ; qu'en se prononçant par référence à la valeur du dommage au jour de la décision et non au jour du sinistre, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 121-1 du code des assurances :
5. Selon ce texte, l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité et l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.
6. L'arrêt, après avoir relevé que les factures d'achat des pièces d'or produites par M. et Mme [U] étaient libellées en turc et traduites en français, retient que, « compte tenu de leur valeur en euro (0,156131) calculée au jour de la décision et du plafond de garantie contractuelle », l'assureur sera condamné à payer à M. et Mme [U] la somme de 14 932,11 euros de ce chef.
7. En statuant ainsi, alors que l'indemnité devant être fixée en fonction de la valeur de la chose assurée au jour du sinistre, elle ne pouvait convertir le montant des factures établies en monnaie turque selon le taux de change en euro au jour de sa décision, et qu'elle devait appliquer le taux en vigueur au jour du sinistre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France Iard à payer à M. et Mme [U] la somme de 14 932,11 euros pour l'indemnisation des pièces d'or volées, l'arrêt rendu le 26 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
Condamne la société Axa France Iard aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axa France Iard et la condamne à payer à M. et Mme [U] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [U]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Axa France Iard à payer à M. et Mme [U] la seule somme de 14.832,11 ? au titre de l'indemnisation du vol des pièces turques en or 22 carats ;
AUX MOTIFS QUE les époux [U] versent aux débats les factures d'achat des pièces d'or ainsi que des photos de celles-ci portées en bijou et des attestations ; que les factures libellées en turc sont traduites en français ; que pour les motifs sus-développés auxquels la cour se réfère expressément, la société Axa est mal fondée à dénier sa garantie, les époux [U] rapportant la preuve de l'existence de ces pièces, de leur valeur et de leur possession, quelle qu'en soit la façon dont ils les ont réglées ; que compte tenu de leur valeur en euro (0,156131) calculé au jour de la décision et du plafond de garantie contractuelle, elle sera condamnée à payer aux époux [U] la somme de 14.932,11 ? de ce chef (arrêt, p. 3 § 16 à 19).
1) ALORS QUE tenu de respecter le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen relevé d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour procéder à l'évaluation de l'indemnité d'assurance, la cour d'appel a calculé la contre-valeur en euro des pièces d'or dérobées en se fondant sur la valeur de conversion euro / livre turque « au jour de la décision », soit 1 livre turque pour 0,156131 ? (arrêt, p. 3 § 19) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'aucune des parties n'avait soutenu que l'indemnité d'assurance devait être évaluée selon la contre-valeur en euros de la valeur en livres turques des pièces dérobées au jour de la décision à intervenir, les époux [U] se référant pour leur part à une évaluation effectuée au jour du sinistre, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un moyen relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE dans les assurances relatives aux biens, la valeur du bien à prendre en compte pour fixer l'indemnité due par l'assureur à l'assuré est celle de ce bien au moment du sinistre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société Axa France Iard devait indemniser M. et Mme [U] au titre du vol de pièces d'or leur appartenant ; que l'expert missionné par la société Axa France Iard avait évalué ces pièces d'or à la somme de 42.501 ?, les époux [U] parvenant quant à eux à une somme de 46.466 ?, les évaluations concurrentes ayant été effectuées l'une comme l'autre à la date du sinistre ; que, pour procéder à l'évaluation de l'indemnité d'assurance, la cour d'appel a calculé la contre-valeur en euro des pièces d'or dérobées en se fondant sur la valeur de conversion euro / livre turque « au jour de la décision », soit 1 livre turque pour 0,156131 ? (arrêt, p. 3 § 19) ; qu'en se prononçant par référence à la valeur du dommage au jour de la décision et non au jour du sinistre, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code des assurances ;
3) ALORS, en toute hypothèse, QU'une motivation inintelligible équivaut à un défaut de motif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fixé l'indemnité revenant aux époux [U] au titre du vol de plusieurs pièces en or à la somme de 14.932,11 ?, après avoir tenu compte de leur valeur en euro, soit 0,156131 ? pour une livre turque (arrêt, p. 13 § 19) ; qu'en retenant cette évaluation qui ne correspondait, ni à celle de l'expert d'assureur (pour 42.501 ?), ni à celle de M. et Mme [U] (pour 46.466 ?), ni à la contrevaleur en euros de la somme des montants que les époux [U] avaient dépensés pour l'achat des pièces dérobées, soit 134.194 livres turques, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.