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01/07/2021 | FRANCE | N°20-14284

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 01 juillet 2021, 20-14284


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2021

Cassation partiellement sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 686 F-B

Pourvoi n° Q 20-14.284

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2021

1°/ M. [W] [P],

2°/ Mme [E

] [E], épouse [P],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Q 20-14.284 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appe...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juillet 2021

Cassation partiellement sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 686 F-B

Pourvoi n° Q 20-14.284

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUILLET 2021

1°/ M. [W] [P],

2°/ Mme [E] [E], épouse [P],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Q 20-14.284 contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [R] [V],

2°/ à Mme [K] [V],

domiciliées toutes deux [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. et Mme [P], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme [R] [V], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 décembre 2019), un jugement du 1er juillet 2010 rendu au profit de [E] [V] et confirmé en appel, a condamné M. et Mme [P] à supprimer des vues illicitement constituées depuis leur terrasse, sous une astreinte courant par jour de retard. [E] [V] a saisi un juge de l'exécution d'une demande de liquidation de cette astreinte puis, après son décès, survenu le [Date décès 1] 2013, l'affaire, enregistrée sous le numéro RG 13/11638, a été radiée.

2. Par un acte du 31 mai 2017, les héritières du défunt, Mmes [K] et [R] [V], cette dernière, mineure, représentée par sa mère Mme [A], ont assigné M. et Mme [P] à cette même fin de liquidation, l'affaire ayant été enregistrée sous le numéro RG 17/09307. Par un jugement du 10 avril 2018, le juge de l'exécution a rejeté les incidents de M. et Mme [P] tendant au constat de la péremption des deux instances et déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Mme [K] [V] et de Mme [A], es qualités.

3. Ces dernières ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevable comme prescrite leur demande en liquidation de l'astreinte. Le 27 juillet 2018, M. et Mme [P] ont notifié aux appelantes leurs conclusions d'intimé, comportant un appel incident tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté leur demande tendant au constat de la péremption des deux instances.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche de ce moyen, qui est irrecevable, et sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [R] [V], de déclarer celle-ci recevable en son action et, en conséquence, de les condamner solidairement à payer à cette dernière la somme de 26 415 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 1er juillet 2010, pour la période du 1er août 2010 au 8 octobre 2018, alors « que la suspension de la prescription dont bénéficie un mineur n'est pas applicable aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts ; qu'il en résulte que l'action en liquidation d'une astreinte prononcée par jour de retard ne peut être suspendue pendant la minorité de son auteur ; qu'en décidant néanmoins que l'action en liquidation de l'astreinte, prononcée à l'encontre de M. et Mme [P], de 100 euros par jour de retard, avait été suspendue à l'égard de Mme [K] (lire [R]) [V] pendant sa minorité, la cour d'appel a violé l'article 2235 du code civil, ensemble l'article 2224 dudit code. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 2235 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, les actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts.

7. La condamnation, assortie d'une astreinte, prononcée par un juge ne fait pas naître une action en paiement de sommes payables par années ou à des termes périodiques plus courts, mais confère à son bénéficiaire une action en liquidation de cette astreinte, à l'issue de laquelle celui-ci est susceptible de disposer d'une créance de somme d'argent. Il en résulte que cette action en liquidation n'entre pas dans le champ de l'exception apportée par l'article 2235 code civil au principe selon lequel la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle.

8. Par conséquent, le moyen, qui manque en droit, ne peut être accueilli.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir qu'il ont soulevée à l'encontre des conclusions notifiées par Mmes [V] le 23 octobre 2018 et, en conséquence, de rejeter la demande tendant à voir ordonner la jonction des instances et constater leur péremption, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [R] [V], de déclarer celle-ci recevable en son action et de les condamner solidairement à payer à Mme [R] [V] la somme de 26 415 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 1er juillet 2010, pour la période du 1er août 2010 au 8 octobre 2018, alors « qu'il résulte de l'article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution que la procédure d'appel des décisions du juge de l'exécution est soumise de plein droit aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, nonobstant l'absence d'avis de fixation à bref délai ; qu'en application de l'article 905-2, alinéa 3, du code de procédure civile, l'intimé à un appel incident dispose, à peine d'irrecevabilité, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident pour remettre ses conclusions au greffe ; que ce délai commence à courir même en l'absence d'avis de fixation à bref délai ; qu'en décidant néanmoins, pour déclarer recevables des conclusions d'intimé à un appel incident déposées plus d'un mois après la notification de l'appel incident, que les conclusions échangées avant l'avis de fixation n'étaient pas soumises aux délais fixés à l'article 905-2 du code de procédure civile, et ce bien que l'appelant ait déposé ses conclusions sans attendre l'avis de fixation, faisant ainsi courir les délais prévus à l'article précité, la cour d'appel a violé les articles 905 et 905-2 du code de procédure civile ainsi que l'article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 121-20, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution et 905-2 et 911 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

10. Il résulte, d'abord, du premier de ces textes que lorsque l'appel est relatif à une décision du juge de l'exécution, sauf autorisation d'assigner à jour fixe, l'instruction à bref délai s'applique de plein droit, même en l'absence d'ordonnance de fixation en ce sens.

11. Il résulte, ensuite, des articles 905-2, alinéa 1er, et 911 susvisés, qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant doit, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé.

12. Par conséquent, en application de l'article 905-2, alinéas 2 et 3, susvisé lorsqu'il est relevé appel d'une décision du juge de l'exécution, le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure et former, le cas échéant, un appel incident court de plein droit dès la notification des conclusions de l'appelant, puis la notification de ces conclusions comportant un appel incident fait courir le délai d'un mois imparti à l'intimé à cet appel incident pour remettre ses conclusions, de sorte que les conclusions tardives de l'appelant, intimé à un appel incident, sont irrecevables en tant qu'elles ne développent pas son appel principal.

13. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les intimés à l'encontre des conclusions notifiées par Mmes [V] le 23 octobre 2018, l'arrêt retient que les délais fixés par l'article 905-2 du code de procédure civile forment un ensemble indissociable dont le point de départ, quelle que soit la nature de l'instance, est fixé par l'avis de fixation adressé par la cour d'appel, qu'en l'espèce l'avis de fixation ayant été adressé le 12 mars 2019, l'ensemble des échanges antérieurs notifiés entre les parties ne relèvent pas des dispositions spécifiques de l'article 905-2, qui ne peut dès lors fonder aucune fin de non-recevoir à leur encontre.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les conclusions de Mmes [V] n'avaient pas été remises et notifiées dans le mois suivant la notification par M. et Mme [P] de leurs conclusions comportant appel incident, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 12 et 14, que doivent être déclarées irrecevables les conclusions de Mmes [V] du 23 octobre 2018 en tant qu'elles ne développent pas leur appel principal.

18. En revanche, la cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [P] se limite à ce chef, sans s'étendre aux dispositions de l'arrêt ayant confirmé, au terme de motifs non affectés par la cassation, le jugement qui avait ordonné la jonction des instances et constaté leur péremption au profit de Mmes [V].

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [W] [P] et Mme [E] [E] épouse [P] à l'encontre des conclusions d'appelant notifiées le 23 octobre 2018, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLES les conclusions de Mmes [V] du 23 octobre 2018 en tant qu'elles ne développent pas leur appel principal ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [P]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [P] à l'encontre des conclusions notifiées par Mmes [V] le 23 octobre 2018 et, en conséquence, d'avoir rejeté la demande tendant à voir ordonner la jonction des instances et constater leur péremption, d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [R] [V], d'avoir déclaré celle-ci recevable en son action et d'avoir condamné solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [R] [V] la somme de 26 415 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 1er juillet 2010, pour la période du 1er août 2010 au 8 octobre 2018

AUX MOTIFS QUE « l'article 905 du code de procédure civile dispose que lorsque l'affaire semble présenter un caractère d'urgence ou être en état d'être jugée ou lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé ou en la forme des référés ou à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l'article 776, le président de la chambre saisie, d'office ou à la demande d'une partie, fixe les jours et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762. L'article 905-2 poursuit en indiquant qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe. L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe. Les époux [P] soutiennent que, dès lors que la procédure de l'article 905 est applicable de plein droit, par l'effet des dispositions de l'article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution, les délais prévus par l'article 905-2 s'appliquent indépendamment de l'envoi par la cour de l'avis de fixation. Ils en déduisent que, leurs conclusions portant appel incident ayant été notifiées le 27 juillet 2018, les consorts [V] disposaient d'un délai d'un mois, soit jusqu'au 27 août 2018, pour y répondre : leurs conclusions, notifiées que le 23 octobre 2018, soit postérieurement au délai d'un mois, seraient ainsi irrecevables. Néanmoins les consorts [V] objectent justement que les délais fixés par l'article 905-2 du code de procédure civile forment un ensemble indissociable dont le point de départ, quelle que soit la nature de l'instance, est fixé par l'avis de fixation adressé par la cour. En l'espèce l'avis de fixation ayant été adressé le 12 mars 2019, l'ensemble des échanges antérieurs notifiés entre les parties ne relèvent pas des dispositions spécifiques de l'article 905-2, qui ne peut dès lors fonder aucune fin de non recevoir à leur encontre. En conséquence la fin de non recevoir soulevée par les époux [P] à l'encontre des conclusions portant réponse à l'appel incident notifiées le 23 octobre 2018 est rejetée. »

ALORS QU'il résulte de l'article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution que la procédure d'appel des décisions du juge de l'exécution est soumise de plein droit aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, nonobstant l'absence d'avis de fixation à bref délai ; qu'en application de l'article 905-2, alinéa 3, du code de procédure civile, l'intimé à un appel incident dispose, à peine d'irrecevabilité, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident pour remettre ses conclusions au greffe ; que ce délai commence à courir même en l'absence d'avis de fixation à bref délai ; qu'en décidant néanmoins, pour déclarer recevables des conclusions d'intimé à un appel incident déposées plus d'un mois après la notification de l'appel incident, que les conclusions échangées avant l'avis de fixation n'étaient pas soumises aux délais fixés à l'article 905-2 du code de procédure civile, et ce bien que l'appelant ait déposé ses conclusions sans attendre l'avis de fixation, faisant ainsi courir les délais prévus à l'article précité, la cour d'appel a violé les articles 905 et 905-2 du code de procédure civile ainsi que l'article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [R] [V], d'avoir déclaré celle-ci recevable en son action et d'avoir, en conséquence, condamné solidairement M. et Mme [P] à payer à Mme [R] [V] la somme de 26 415 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 1er juillet 2010, pour la période du 1er août 2010 au 8 octobre 2018

AUX MOTIFS QUE « l'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. L'article 2235 ajoute qu'elle ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, les actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts. Les parties s'accordent pour affirmer que l'action en liquidation de l'astreinte, action personnelle, se prescrit par cinq ans et court à compter du jour où son bénéficiaire avait connaissance de son droit à agir. Les époux [P] soutiennent que [E] [V] avait connaissance de son droit dès l'écoulement du délai d'un mois après le prononcé du jugement, date à laquelle l'astreinte a commencé à courir, et affirment qu'aucune interruption ou suspension ne permet d'écarter la prescription de l'action introduite par voie d'assignation le 31 mai 2017. Les consorts [V] soutiennent en premier lieu que le délai de prescription a été suspendu durant leur minorité, soit concernant [K] [V] jusqu'au 10 septembre 2012 et concernant [R] [V] jusqu'au 8 avril 2018. Si le premier juge a justement considéré que l'action exercée par les appelantes leur a été transmise par voie de succession et que le délai de prescription s'apprécie de manière unique à compter de la date à laquelle son titulaire initial était en mesure d'agir, il ne pouvait écarter le moyen tiré de suspension de ce délai par un fait propre à l'une des parties une fois celle-ci titulaire du droit. [E] [V] est décédé le [Date décès 1] 2013, date à laquelle il n'est pas contesté que la prescription quinquennale ne pouvait être acquise : ses ayants droit sont, à compter de cette date, devenue titulaires, par l'effet de la transmission successorale, du droit d'agir en liquidation de l'astreinte. Or si à cette date [R] [V] était majeure et pouvait donc exercer ses droits, tel n'était pas le cas de [K] [V] : qu'à son égard, la prescription a ainsi été, de plein droit, suspendue et ce jusqu'à sa majorité atteinte postérieurement à l'introduction de la présente instance. En conséquence, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'action en liquidation de l'astreinte est personnelle à chacun de ses bénéficiaires, aucune prescription ne pouvait être valablement opposée à Mme [K] [V], le jugement devant être infirmé de ce chef. Les consorts [V] soutiennent en second lieu que l'action en liquidation de l'astreinte, qui tend à forcer l'exécution d'une obligation, est indivisible de l'action qui tend à voir reconnaître judiciairement cette obligation. Elles en déduisent que l'action en liquidation est virtuellement comprise dans l'action en reconnaissance de l'obligation qu'elle garantit, de sorte que l'appel incident interjeté par [E] [V] à l'encontre du jugement du 1er juillet 2010 a nécessairement interrompu le délai pour agir, jusqu'à la signification de l'arrêt de la cour d'appel du 15 novembre 2012, intervenue le 4 décembre 2012, point de départ de la prescription après interruption. Néanmoins, par des motifs dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence et que la cour adopte, le premier juge a retenu que l'action en liquidation de l'astreinte est distincte de celle tendant à son prononcé et ne peut être considérée comme virtuellement comprise dans la première. En ce sens, l'interruption de la prescription permet de protéger celui qui se trouvait dans l'incapacité d'agir : or le bénéfice de l'exécution provisoire accordé par le jugement du 1er juillet 2010 permettait à [E] [V] d'introduire, sans attendre l'issue de la procédure d'appel, une action aux fins d'obtenir la liquidation de l'astreinte. En conséquence le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté toute interruption de la prescription fondée sur la procédure d'appel. Au regard de l'ensemble, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Mme [K] [V] irrecevable, de l'infirmer partiellement pour le surplus et de rejeter la fin de non recevoir soulevée à l'encontre de Mme [R] [V]. »

1°) ALORS QUE la suspension de la prescription dont bénéficie un mineur n'est pas applicable aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts ; qu'il en résulte que l'action en liquidation d'une astreinte prononcée par jour de retard ne peut être suspendue pendant la minorité de son auteur ; qu'en décidant néanmoins que l'action en liquidation de l'astreinte, prononcée à l'encontre de M. et Mme [P], de 100 euros par jour de retard, avait été suspendue à l'égard de Mme [K] [V] pendant sa minorité, la cour d'appel a violé l'article 2235 du code civil, ensemble l'article 2224 dudit code ;

2°) ALORS QUE la suspension de la prescription dont bénéficie un mineur ne s'applique qu'en cas de carence du représentant légal du mineur ; qu'en l'espèce, Mme [A], en qualité de représentante légale de sa fille mineure [R] [V], a agi en liquidation de l'astreinte pendant la minorité de sa fille, tant en intervenant volontairement, par des conclusions du 8 avril 2014, à l'instance en liquidation de l'astreinte initialement introduite par M. [V], qu'en engageant une nouvelle action ayant le même objet par une assignation du 31 mai 2017 ; qu'il s'ensuit que Mme [R] [V] n'a pas été empêchée d'agir en liquidation de l'astreinte du fait de sa minorité et a été en mesure de faire valoir ses droits en justice ; qu'en retenant néanmoins que l'action en liquidation de l'astreinte avait été suspendue à l'égard de Mme [K] [V] pendant sa minorité, la cour d'appel a violé l'article 2235 du code civil, ensemble l'article 2224 dudit code ;

3°) ALORS QUE la suspension de la prescription dont bénéficie un mineur lui est purement personnelle ; qu'en l'espèce, l'action en liquidation de l'astreinte a été introduite par Mme [A], en qualité de représentante légale de sa fille mineure [R] [V], cette dernière n'étant devenue majeure qu'en cours d'instance ; qu'il en résulte que la suspension de la prescription ne pouvait bénéficier à une action qui n'avait pas été introduite par le mineur ; qu'en retenant néanmoins que l'action en liquidation de l'astreinte avait été suspendue à l'égard de Mme [K] [V] pendant sa minorité, la cour d'appel a violé l'article 2235 du code civil, ensemble l'article 2224 dudit code.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-14284
Date de la décision : 01/07/2021
Sens de l'arrêt : Cassation partiellement sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

APPEL CIVIL - Procédure avec représentation obligatoire - Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile - Appel incident - Conclusions tardives de l'appelant principal sur appel incident - Sanction - Détermination - Portée

L'appel relatif à une décision du juge de l'exécution étant, de plein droit, instruit à bref délai, il résulte des articles 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile, que le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure et former le cas échéant un appel incident court de plein droit dès la notification des conclusions de l'appelant, puis la notification de ces conclusions comportant un appel incident fait courir le délai d'un mois imparti à l'intimé à cet appel incident pour remettre ses conclusions. Il en résulte que les conclusions tardives de l'appelant, intimé à un appel incident, sont irrecevables en tant qu'elles ne développent pas son appel principal


Références :

Sur le numéro 1 : article 2235 du code civil


Sur le numéro 2 : articles 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile.

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 décembre 2019

N1A rapprocher : 1re Civ., 14 juin 2005, pourvoi n° 01-11741, Bull. 2005, I, n° 260 (cassation) ;N2à rapprocher :2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 18-25769, Bull. (cassation partielle) ;

3e Civ., 2 juin 2016, pourvoi n° 15-12834, Bull. 2016, III, n° 70 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 01 jui. 2021, pourvoi n°20-14284, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:20.14284
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