LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 juin 2021
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 582 F-P
Pourvoi n° A 20-10.522
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021
La société Kalam, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-10.522 contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant à M. [T] [E] [N] [T], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Kalam, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de M. [E] [N] [T], et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 4 octobre 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 5 octobre 2017, n° 15-25-018), M. [E] [N] [T], preneur à bail de locaux à usage commercial appartenant à la société Kalam, l'a assignée en nullité du congé avec offre d'indemnité d'éviction, délivré le 28 juillet 2006, et, subsidiairement, en désignation d'un expert pour évaluer cette indemnité. L'expert commis ayant constaté l'existence d'une sous-location, la bailleresse a fait délivrer au locataire un commandement visant la clause résolutoire pour sous-location interdite, dont elle a demandé l'acquisition passé le délai d'un mois de cette délivrance.
2. Un premier arrêt a constaté la résiliation de plein droit du bail commercial à compter du 18 juillet 2009 aux torts de M. [E] [N] [T] pour sous-location et a ordonné son expulsion. Cet arrêt ayant été cassé (3e Civ., 2 juillet 2013, n° 12-15.573), une cour d'appel, statuant sur renvoi, a notamment rejeté la demande en résiliation du bail.
Examen du moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Kalam fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la déclaration de saisine remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 par son conseil, alors « que lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il peut être établi et remis au greffe sur support papier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'exposante établissait qu'une panne de l'installation internet de son conseil avait rendu impossible le dépôt d'une déclaration par voie électronique pendant trois jours, mais a néanmoins considéré que l'appel était irrecevable à raison de ce que la déclaration avait été déposée, durant ces trois jours, sur support papier et qu'il n'était pas fait état d'une panne de la clé RPVA, laquelle aurait pu être utilisée chez un confrère ou à l'ordre des avocats ; qu'en statuant ainsi, bien qu'une cause étrangère faisant obstacle au dépôt de la déclaration d'appel par voie électronique indépendante de la volonté ou du fait du conseil de l'exposante ait été constatée, la cour d'appel a violé l'article 930-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 930-1 du code de procédure civile :
4. Il résulte de ce texte que si, dans la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique, l'irrecevabilité sanctionnant cette obligation est écartée lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, l'acte étant en ce cas remis au greffe sur support papier.
5. Pour déclarer irrecevable la déclaration de saisine après renvoi de la Cour de cassation, l'arrêt retient qu'elle a été remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 sans qu'il ne soit établi que le conseil de la société Kalam ait été dans l'impossibilité d'avoir accès au réseau professionnel virtuel des avocats, dès lors qu'il n'est fait état d'aucune panne affectant sa clé RPVA, laquelle pouvait être utilisée sur tout autre poste informatique disposant d'un accès internet, notamment à l'ordre des avocats ou dans un cabinet d'un de ses confrères qu'il ne prétend pas même avoir sollicités.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le conseil de la société Kalam justifiait que la société Xtronique Micro Sud était intervenue durant trois jours, du 19 au 23 mars 2018, aux fins de rechercher la panne touchant son matériel informatique, laquelle rendait impossible la navigation sur internet et avait pour origine la défectuosité du câble RJ 11 de la live box, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;
Condamne M. [E] [N] [T] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] [N] [T] et le condamne à payer à la société Kalam la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société civile immobilière (SCI) Kalam
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR déclaré irrecevable la déclaration de saisine remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 par le conseil de la SCI Kalam ;
AUX MOTIFS QUE « l'article 930-1 du Code de procédure civile énonce qu'« à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ».
En l'espèce la déclaration de saisine après renvoi de la Cour de cassation a été remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 par le conseil de la SCI Kalam.
Celui-ci indique avoir connu des pannes récurrentes qui lui ont fait craindre de ne pas pouvoir travailler normalement sur RPVA à la fin du mois de mars 2018.
Il produit une attestation de la société Xtronique Micro Sud faisant état d'une intervention sur trois jours aux fins de recherche de panne, laquelle a été constaté le,19 mars 2018 à 15h et résolue le 23 mars à 8h, l'Origine de la panne tenant en la défectuosité du câble RJ11 de la livebox, rendant impossible la navigation sur internet.
Mais d'une part, il ne soutient pas que le 22 mars 2018 il était tenu par le délai imposé à l'article 1034 du Code de procédure civile, l'avocat de M. [T] [E] [N] [T] indiquant à cet égard que la notification à partie de l'arrêt de la Cour de cassation n'était pas intervenue.
Ainsi le 23 mars 2018, lorsque la panne a été levée aux premières heures de la matinée, il n'existait aucun obstacle à l'utilisation de son propre poste informatique pour assurer la communication électronique de la déclaration de saisine.
D'autre part, la crainte qu'il mentionne et qui s'analyse comme une préoccupation, ne caractérise pas une impossibilité d'assurer la transmission par voie électronique de la déclaration de saisine.
En effet, il n'est pas établi qu'il a été dans l'impossibilité d'avoir accès au réseau professionnel virtuel des avocats, alors qu'il ne fait état d'aucune panne affectant sa clé RPVA laquelle pouvait être utilisée sur tout autre poste informatique disposant d'un accès internet, notamment à l'ordre des avocats ou dans un cabinet d'un de ses confrères qu'il ne prétend pas même avoir sollicités.
Dans ces conditions, il ne peut être retenu que la déclaration de saisine remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 par le conseil de la SCI Kalam l'a été pour une cause qui les était étrangère ne permettant pas la transmission par voie électronique.
En conséquence, la déclaration de saisine est irrecevable » ;
1°) ALORS QUE, lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il peut être établi et remis au greffe sur support papier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'exposante établissait qu'une panne de l'installation internet de son conseil avait rendu impossible le dépôt d'une déclaration par voie électronique pendant trois jours, mais a néanmoins considéré que l'appel était irrecevable à raison de ce que la déclaration avait été déposée, durant ces trois jours, sur support papier et qu'il n'était pas fait état d'une panne de la clé RPVA, laquelle aurait pu être utilisée chez un confrère ou à l'ordre des avocats ; qu'en statuant ainsi, bien qu'une cause étrangère faisant obstacle au dépôt de la déclaration d'appel par voie électronique indépendante de la volonté ou du fait du conseil de l'exposante ait été constatée, la cour d'appel a violé l'article 930-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE la partie qui n'a pas pu transmettre un acte par la voie électronique à la cour d'appel pour une cause qui lui est étrangère peut remettre cet acte sur support papier au greffe, sans attendre l'expiration du délai qui lui est imparti pour accomplir la diligence considérée ; qu'en l'espèce, pour juger que l'exposante ne pouvait pas la saisir sur support papier, la cour d'appel a retenu que l'existence d'une cause étrangère devait être écartée, aux motifs que le délai de l'article 1034 du code de procédure civile ne courrait pas et qu'il aurait été possible de procéder par voie électronique une fois la panne réparée ; qu'en statuant ainsi, bien que l'exposante n'était pas tenue d'attendre que le délai de saisine de la cour soit sur le point d'expirer pour déposer la déclaration sur support papier, la cour d'appel a violé l'article 930-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.