LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 mai 2021
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 499 FS-P
Pourvoi n° B 19-25.699
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MAI 2021
M. [A] [S], domicilié [Adresse 1] (Belgique), a formé le pourvoi n° B 19-25.699 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Bpifrance investissement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Bpifrance investissement, et l'avis de Mme Molina, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 9 mars 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke, Gilibert, conseillers, M. Duval, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Molina, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2019), M. [S] a été engagé à compter du 4 juin 2012 en qualité de directeur investissement , par la société Cdc entreprise, aux droits de laquelle vient la société Bpifrance investissement, puis a été nommé selon avenant du 13 mai 2013, directeur du « pôle capital développement mezzanine ».
2. Le salarié a été licencié le 6 juillet 2015. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter toutes ses demandes, alors « qu'un ensemble de règles éthiques destinées à gouverner la conduite des salariés et susceptibles d'être sanctionnées par l'employeur, doit nécessairement être intégré au règlement intérieur de l'entreprise ; que le respect d'un document édictant de telles règles ne peut donc être imposé aux salariés du seul fait que les règles de forme et de publicité du règlement intérieur lui ont été appliquées, si le règlement n'a pas été formellement modifié par l'annexion de ce document ; que la cour d'appel a constaté que le règlement intérieur, tel que modifié par l'annexion du code de déontologie, n'avait été déposé auprès du conseil de prud'hommes que le 1er juillet 2015 et n'était ainsi applicable qu'à compter du 1er août 2015 ; qu'en considérant néanmoins que le code de déontologie était applicable à M. [S] dès le mois de juin 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 1321-1 et L. 1321-5 du code du travail. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 533-10 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, les prestataires de services d'investissement doivent mettre en place des règles et procédures permettant de garantir le respect par les personnes placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte, des dispositions applicables aux prestataires eux-mêmes ainsi qu'à ces personnes, en particulier les conditions et limites dans lesquelles ces dernières peuvent effectuer pour leur propre compte des transactions personnelles. Ces conditions et limites sont reprises dans le règlement intérieur et intégrées au programme d'activités du prestataire.
6. Aux termes de l'article L. 1321-5 du code du travail, les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu'il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre.
7. Il s'ensuit qu'un tel document, s'il a été soumis à l'avis des institutions représentatives du personnel, a été transmis à l'inspecteur du travail et a fait l'objet des formalités de dépôt et de publicité prévus par les textes pour le règlement intérieur, constitue une adjonction à celui-ci, et est opposable au salarié à la date de son entrée en vigueur.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt, qui a constaté que le code de déontologie avait été soumis pour avis au comité d'entreprise et au CHSCT le 24 juillet 2014, puis transmis à l'inspecteur du travail le 30 juillet 2014, et déposé au greffe du conseil des prud'hommes le 1er août 2014, se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. [S]
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. [S] reposait sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir rejeté toutes ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des pièces déposées aux débats QUE : le code de déontologie a été présenté de façon informelle au comité d'entreprise en mai 2014 et que les nouveaux élus ont été consultés pour avis lors du comité d'entreprise tenu le 24 juillet 2014, puis le CHSCT a également rendu son avis, le document étant transmis à la Direccte le 30 juillet 2014 et le 1er août 2014 au conseil des prud'hommes de Créteil (accusé de réception signé le 01/08/2014) ; QUE lors du comité d'entreprise du 25 juin 2015, il a été rappelé que ce document rentré en application depuis le 1er octobre 2014 constituerait l'annexe la plus importante du règlement intérieur lequel devait être refondu et était présenté en projet aux élus ; QUE le dépôt du règlement intérieur est intervenu le 2 juillet 2015 ; QUE c'est en vain que M. [A] [S] tente de dire que le document ne lui est pas opposable alors que d'une part, il en a eu connaissance comme l'ensemble des salariés par lettre circulaire et que d'autre part, son accord n'était pas requis mais il lui était seulement demandé dans le document (pièce 7) à renvoyer avant le 30 novembre 2014 d'attester de sa réception en s'engageant à en respecter les règles ;
QUE comme l'a indiqué le ministère public dans son avis écrit, la force obligatoire du code de déontologie provient des règles générales s'imposant aux entreprises du secteur bancaire à la fois régies par les dispositions du code monétaire et financier et le règlement général de l'AMF ;
QUE les règles à caractère déontologique même ne figurant pas encore dans le règlement intérieur au moment de l'entretien préalable s'imposaient à titre particulier à M. [A] [S] eu égard à sa connaissance du document et au regard des obligations professionnelles édictées dans son contrat de travail en clause D, le salarié s'engageant à respecter les règles et principes figurant dans le code de déontologie ;
QU'au surplus, il sera relevé que les règles édictées par le document querellé sont la simple transcription des obligations, procédures et bonnes pratiques à adopter de la part des salariés, avec contrôle de la part de la direction de la conformité et du contrôle interne, dans le secteur sensible et exposé de la profession bancaire, devoirs figurant également au règlement de déontologie de l'association française de la gestion financière du 10 décembre 2009, et que le salarié n'avait pas le pouvoir de façon individuelle de s'ériger en juge de leur licéité ; QU'en conséquence, le libellé de la lettre de licenciement visant "le non-respect du règlement intérieur et plus particulièrement du code de déontologie" s'il était maladroit n'a pas pour effet de rendre imprécis le motif du licenciement ;
QU'ainsi que l'a relevé le conseil des prud'hommes, les faits reprochés à M [A] [S] se sont succédé dans le temps et ce n'est que par le mail du 12 juin 2015 que la société acquis la certitude de l'ampleur du fait fautif à savoir le refus délibéré du salarié de se conformer à ses obligations c'est à dire de retourner l'attestation relative au code de déontologie et de procéder à la déclaration relative aux transactions personnelles ; QU'en retenant dans la lettre de licenciement l'insubordination et le non-respect des obligations professionnelles, la société a entendu sanctionner le caractère répété des agissements de M [A] [S] de novembre 2014 à juin 2015, lequel est resté taisant dans un premier temps aux mails de relance pour ensuite refuser de se conformer au code de déontologie, alors que lors d'un entretien en mai 2015, il avait reçu toutes les informations utiles, et encore le 4 juin 2015, par l'envoi des extraits de textes ;
QU'eu égard au niveau élevé de hiérarchie du salarié et considérant qu'une des obligations mises à sa charge dans sa dernière évaluation datant de février 2015, était d'être exemplaire tant en externe qu'en interne, le grief était fondé ;
QUE le fait que M [A] [S] a finalement signé l'attestation requise et transmis sa déclaration le 19 juin 2015 n'a pu avoir pour effet de gommer le comportement réitéré pendant plus de six mois du salarié correspondant au non-respect de ses obligations notamment déontologiques et justifiant le licenciement , qui doit être déclaré fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
1- ALORS QU'un ensemble de règles éthiques destinées à gouverner la conduite des salariés et susceptibles d'être sanctionnées par l'employeur, doit nécessairement être intégré au règlement intérieur de l'entreprise ; que le respect d'un document édictant de telles règles ne peut donc être imposé aux salariés du seul fait que les règles de forme et de publicité du règlement intérieur lui ont été appliquées, si le règlement n'a pas été formellement modifié par l'annexion de ce document ; que la cour d'appel a constaté que le règlement intérieur, tel que modifié par l'annexion du code de déontologie, n'avait été déposé auprès du conseil de prud'hommes que le 1er juillet 2015 et n'était ainsi applicable qu'à compter du 1er août 2015 ; qu'en considérant néanmoins que le code de déontologie était applicable à M. [S] dès le mois de juin 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 1321-1 et L. 1321-5 du code du travail ;
2- ALORS QUE la licéité de règles éthiques et la circonstance qu'elles soient imposées par le code monétaire et financier, le règlement de l'AMF et le règlement de déontologie de l'association française de la gestion financière, ne dispense pas l'employeur de respecter, dans ses rapports avec ses salariés, les règles applicables au règlement intérieur, auquel le code de déontologie devait être intégré ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1321-1 et L. 1321-5 du code du travail ;
3- ALORS QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reprochait exclusivement au salarié le « Non-respect du règlement intérieur en vigueur au sein de Bpifrance Investissement et plus particulièrement du code de déontologie » ; que la méconnaissance directe des règles édictées par d'autres corps de normes, tels que le code monétaire et financier, le règlement de l'AMF et le règlement de déontologie de l'association française de la gestion financière, qui n'étaient pas visés par la lettre de licenciement, ne pouvait donc justifier celui-ci ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause ;
4 ALORS QU'en énonçant que les règles à caractère déontologique issues d'un code de déontologie élaboré à compter de 2014 s'imposaient à titre particulier à M. [S] au regard des obligations professionnelles édictées dans son contrat de travail en clause D, le salarié s'engageant à respecter les règles et principes figurant dans le code de déontologie, tandis que son contrat de travail, en date de juin 2012, ne contenait pas de « clause D », mais un article 7 visant exclusivement « le code de déontologie de la CDC entreprises qui lui sera remis en main propre à la signature du présent contrat et ses annexes », sans aucune précision quant aux règles gouvernant une éventuelle modification de ce code, la cour d'appel a violé l'article 1103 du code civil.