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14/01/2021 | FRANCE | N°19-18844

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 janvier 2021, 19-18844


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 60 F-P+I

Pourvoi n° A 19-18.844

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021

Mme E... Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° A 19-18

.844 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Crédit Lyon...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 janvier 2021

Cassation

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 60 F-P+I

Pourvoi n° A 19-18.844

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 JANVIER 2021

Mme E... Q..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° A 19-18.844 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Crédit Lyonnais, société anonyme, dont le siège est 18 rue de la République, 69002 Lyon, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme Q..., de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Crédit Lyonnais, et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 25 novembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 mars 2019), un juge de l'exécution a ordonné une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de Mme Q... à la requête de la société Crédit Lyonnais.

2. Mme Q... a assigné la banque devant un juge de l'exécution aux fins de mainlevée de la saisie conservatoire en contestant la validité de son engagement de caution.

3. Par jugement du 8 janvier 2018, dont appel a été interjeté, Mme Q... a été déboutée de toutes ses demandes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme Q... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par le Crédit Lyonnais à son encontre le 3 octobre 2017, en vertu d'une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Angoulême du 25 septembre 2017, entre les mains de la Caisse d'épargne, alors « qu'une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le juge de l'exécution que si, notamment, la créance de l'auteur de la demande est apparemment fondée en son principe ; qu'il appartient au juge de l'exécution, qui autorise la mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en oeuvre, même si elles portent sur le fond du droit, dès lors que l'appréciation de l'apparence de la créance litigieuse, fondée en son principe, en dépend ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que la créance alléguée par le Crédit Lyonnais paraissait fondée en son principe, qu'il était acquis que Mme Q... avait souscrit au profit du Crédit Lyonnais un engagement de caution et qu'il ne relevait pas de la compétence du juge de l'exécution d'apprécier le caractère disproportionné d'un tel engagement, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond, bien que le créancier professionnel ne puisse se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, de sorte que le juge de l'exécution devait se prononcer sur le caractère disproportionné de l'engagement souscrit par Mme Q... au profit du Crédit Lyonnais, qui était de nature à exclure l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, la cour d'appel a violé les articles L.341-4 ancien du code de la consommation, L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution :

5. Il résulte du premier de ces textes que le juge de l'exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, et que, dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.

6. Il résulte du second de ces textes que toute personne justifiant d'une créance paraissant fondée dans son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter l'autorisation du juge de l'exécution de pratiquer une saisie conservatoire.

7. Pour débouter Mme Q... de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire, l'arrêt retient qu'il n'est pas de la compétence du juge de l'exécution, saisi d'une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution, d'apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de caution invoqué par la débitrice, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond.

8. En statuant ainsi, alors qu'il incombait au juge de l'exécution, qui, en matière de saisie conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d'examiner la contestation relative au caractère disproportionné d'un engagement de caution, qui était de nature à remettre en question l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, la cour d'appel qui, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, a méconnu l'étendue de ces derniers, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Crédit Lyonnais aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit Lyonnais et la condamne à payer à Mme Q... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme Q...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame E... Q... de sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée par la Société CREDIT LYONNAIS à son encontre le 3 octobre 2017, en vertu d'une ordonnance du Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance d'Angoulême du 25 septembre 2017, entre les mains de la Caisse d'Epargne Aquitaine Poitou-Charentes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, s'agissant du principe de créance, il est acquis que l'appelante s'est portée caution personnelle et solidaire pour un montant de 850.042,05 € en principal, intérêts et pénalités de retard pour une durée de 330 mois, d'un prêt immobilier consenti le 28 avril 2008 par la banque à la SCI LES TOUAILLES dont Madame Q... était co-gérante ; qu'il est aussi établi qu'en raison de la défaillance de l'emprunteur, la déchéance du terme a été prononcée le 24 décembre 2015 et qu'après vente par adjudication de l'immeuble de la SCI, le solde de la créance bancaire s'élève à 201.315,39 € en capital, intérêts et frais arrêtés au 25 août 2017 ; que le principe de la créance n'est donc pas contestable, étant observé qu'il n'est pas de la compétence du juge de l'exécution, saisi d'une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l'article L 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution, d'apprécier le caractère disproportionné de l'engagement de caution invoqué par l'appelante, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE, sur l'apparence de la créance, E... Q... ne conteste pas s'être portée caution personnelle et solidaire d'un emprunt consenti à la SCI TOUAILLES par acte du 15 avril 2008 ; que cet acte de cautionnement est visé par la requête à laquelle l'ordonnance du juge renvoie ; que E... Q... indique qu'elle entend contester la validité de son acte de cautionnement ; qu'en l'état, elle ne justifie pas que celui-ci ne serait pas régulier, même si son montant est important : qu'elle ne produit en effet aucune pièce sur l'état de son patrimoine et ses ressources à la date à laquelle elle a souscrit cet engagement ; que, dès lors, le juge de l'exécution statuant sur requête a pu à juste titre juger qu'il existait une apparence de créance justifiant une saisie conservatoire ;

1°) ALORS QU'une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le juge de l'exécution que si, notamment, la créance de l'auteur de la demande est apparemment fondée en son principe ; qu'il appartient au juge de l'exécution, qui autorise la mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en oeuvre, même si elles portent sur le fond du droit, dès lors que l'appréciation de l'apparence de la créance litigieuse, fondée en son principe, en dépend ; qu'en affirmant néanmoins, pour décider que la créance alléguée par le CREDIT LYONNAIS paraissait fondée en son principe, qu'il était acquis que Madame Q... avait souscrit au profit du CREDIT LYONNAIS un engagement de caution et qu'il ne relevait pas de la compétence du juge de l'exécution d'apprécier le caractère disproportionné d'un tel engagement, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond, bien que le créancier professionnel ne puisse se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, de sorte que le juge de l'exécution devait se prononcer sur le caractère disproportionné de l'engagement souscrit par Madame Q... au profit du CREDIT LYONNAIS, qui était de nature à exclure l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe, la Cour d'appel a violé les articles L.341-4 ancien du Code de la consommation, L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution ;

2°) ALORS QU'une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le juge de l'exécution que si, notamment, la créance de l'auteur de la demande est apparemment fondée en son principe ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que la créance alléguée par le CREDIT LYONNAIS paraissait fondée en son principe, que Madame Q... n'établissait pas que l'acte de cautionnement qu'elle avait souscrit au profit du CREDIT LYONNAIS était manifestement disproportionné, dès lors qu'elle ne justifiait pas l'état de son patrimoine et de ses ressources, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il résultait de la fiche de renseignement, qui faisait état de ses charges et de ses revenus, et sur laquelle le CREDIT LYONNAIS s'était fondé pour solliciter son engagement, que ce dernier était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.341-4 ancien du Code de la consommation et L. 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-18844
Date de la décision : 14/01/2021
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesure conservatoire - Saisie conservatoire - Saisie autorisée par le juge de l'exécution - Validité - Contestation - Office du juge de l'exécution

CAUTIONNEMENT - Conditions de validité - Acte de cautionnement - Proportionnalité de l'engagement (article L. 341-4 du code de la consommation) - Appréciation - Eléments à considérer - Juge de l'exécution - Saisie conservatoire

Il résulte des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution qu'en matière de saisie conservatoire, le juge de l'exécution, dont l'office est de rechercher si la créance dont le recouvrement est poursuivi paraît fondée en son principe, doit examiner la contestation relative au caractère disproportionné d'un engagement de caution de nature à remettre en question l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe


Références :

article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire

article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 14 mars 2019

Sur l'office du juge de l'exécution saisi d'une demande de saisie conservatoire, à rapprocher : 2e Civ., 16 mai 2002, pourvoi n° 00-11589, Bull. 2002, II, n° 99 (cassation sans renvoi) ;

2e Civ., 6 octobre 2005, pourvoi n° 04-12063, Bull. 2005, II, n° 240 (cassation) ;

2e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 16-28530, Bull. 2018, II, n° 86 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 jan. 2021, pourvoi n°19-18844, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Richard, SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.18844
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